Le préfet de la maison pontificale et confident du pape émérite a livré dans une conférence une des clés de la pensée de Joseph Ratzinger sur le rôle du christianisme dans la société.
09/06/14
Face à la presse et à une assemblée de participants à l’Université pontificale Sainte Croix de Rome, le bras droit de Benoît XVI s’est exprimé sur les discours de philosphie politique de ce dernier, souvent ignorés ou incompris.
«Il existe actuellement une pensée dominante selon laquelle, dans une démocratie digne de ce nom, il serait inacceptable d’accorder un espace au discours religieux en tant que tel, parce qu’il se baserait sur une autorité qui rendrait vaine toute tentative de dialogue avec les autres. En intervenant dans le dialogue démocratique sur la base de dogmes normatifs, les religions violeraient la règle de toute démocratie délibérative […] et agirait comme un obstacle dénaturant irrémédiablement la dynamique démocratique», a résumé Mgr Gänswein. C’est précisément l’un des leit-motive de Benoît XVI de dissoudre cette grande équivoque contemporaine sur le rapport entre religion et raison.
Joseph Ratzinger en avait fait en quelque sorte son cheval de bataille et plaçait la raison au coeur de bon nombre de ses discours. Il jugeait erronée l’idée selon laquelle l’Eglise catholique, en intervenant dans les débats publiques, en appellerait à un principe d’ "autorité" sur les questions juridiques et politiques.
«La tradition catholique, déclarait le pape Benoît dans son discours de Westminster Hall en 2010, soutient que les normes objectives qui dirigent une action droite sont accessibles à la raison, même sans le contenu de la Révélation. Selon cette approche, le rôle de la religion dans le débat politique n’est pas tant celui de fournir ces normes, comme si elles ne pouvaient pas être connues par des non-croyants – encore moins de proposer des solutions politiques concrètes, ce qui de toute façon serait hors de la compétence de la religion – mais plutôt d’aider à purifier la raison et de donner un éclairage pour la mise en œuvre de celle-ci dans la découverte de principes moraux objectifs».
Plus tard, en 2011, dans un discours prononcé à Berlin, Benoît XVI rappelait que les règlements juridiques dans l’histoire du monde avaient presque toujours été motivés religieusement, sauf par l’Eglise : «Sur la base d’une référence à la divinité, on décide ce qui parmi les hommes est juste. Contrairement aux autres grandes religions, le christianisme n’a jamais imposé à l’État et à la société un droit révélé, ni un règlement juridique découlant d’une révélation. Il a au contraire renvoyé à la nature et à la raison comme vraies sources du droit – il a renvoyé à l’harmonie entre raison objective et subjective, une harmonie qui toutefois suppose le fait d’être toutes deux les sphères fondées dans la Raison créatrice de Dieu».
Mgr Gänswein souligne que le christianisme, selon Joseph Ratzinger, ne permet pas aux fidèles de s’exonérer des contraintes ni de l’usage de la raison « en se cachant derrière un principe d’autorité ou en se retranchant derrière des préceptes ou des commandements religieux ». Il met en exergue cette confiance que Ratzinger place dans le divin qui, en tant que Logos, ne peut être accessible que « dans la recherche rationnelle de la vérité .
En exhortant les chrétiens à prendre activement part à la vie démocratique, Benoît XVI récuse le rapprochement opéré entre le religieux et l’introduction d’un «principe fideiste» ou de préceptes religieux appliqués de façon mécanique comme une clé pour la résolution des problèmes sociaux, politiques et juridiques.
«La contribution première et fondamentale de Benoît XVI, poursuit le Préfet de la maison pontificale, est l’idée que les sources ultimes du droit sont à rechercher dans la raison et dans la nature, pas dans un commandement». En effet, « la source des normes juridiques ne réside pas dans la Révélation, mais dans la raison et la nature, dans leurs interrelations ».