Après avoir officiellement déclaré leur coup d’état et mis en place une législation exceptionnelle, l’état-major thaï multiplie les signes d’apaisement.
28/05/14
Le 23 mai dernier, les quatre généraux putschistes balayaient les doutes sur leurs intentions en annonçant à la télévision d’état qu’ils prenaient la tête de la Thaïlande. Pourtant, le leitmotiv de cette intervention télévisuelle a été « nous n’avons pas l’intention de prendre le pouvoir, nous intervenons pour mettre fin au chaos dans lequel se trouve notre pays ».
Depuis sept mois, le pays connaît de violentes manifestations entre les deux partis politiques locaux, les « rouges » partisans du gouvernement en place et les « jaunes », leurs opposants. Les affrontements ont fait 31 morts et plus de 900 blessés, et les semaines à venir promettaient d’être très violentes, sans la moindre perspective de déblocage.
Le clan Shinawatra
Il faut revenir à l’origine de cette crise pour en comprendre toute la complexité. En 2008, le premier ministre de Thaïlande, Thaksin Shinawatra, est reconnu coupable de conflit d’intérêt et doit s’exiler malgré le soutien de ses partisans, qui revêtent des chemises rouges. Tous ses avoirs dans les banques locales, soit 1,7 milliard d’euros, sont gelés. Mais sa sœur, Yingluck Shinawatra, devient à son tour premier ministre en 2011. Contre le « clan Shinawatra », l’opposition reprend la couleur du roi, le jaune, afin de s’attirer la sympathie du peuple, très royaliste. Aussi, lorsque le gouvernement « rouge » envisage fin 2013 un projet d’amnistie, qui faciliterait le retour de Thaksin en Thaïlande, ce sont les jaunes qui voient rouge ! Une série de manifestations éclate donc, opposant les deux camps.
L’armée siffle la fin de la récréation, mais bien qu’elle ait pris la précaution d’arrêter des activistes des deux camps, elle est considérée comme pro-jaune, puisqu’elle a destitué un gouvernement rouge. Dans cette situation inconfortable, elle multiplie les gestes pour apaiser le pays, et tente de dépasser l’affrontement rouge-jaune.
Les militaires prennent les rênes
Après avoir fortement contraint la liberté d’expression, interdit les manifestations et imposé un couvre-feu, elle s’est attaquée au passif du gouvernement, comme le salaire des paysans. L’état devait aux exploitants subventionnés 89 milliards de bahts (2 milliards d’euros), qui viennent d’être débloqués. De même, le budget 2015-2016 vient d’être initié : une urgence, puisque l’année fiscale débute le 1er octobre ! Tous ces signes devraient rassurer les investisseurs étrangers en Thaïlande, mais la question demeure de savoir comment sortir de cette situation sans heurt.
Les rouges sont déçus, et si l’armée donne le sentiment d’être trop pro-jaunes, ils pourraient être tentés par des actions violentes. Plusieurs saisies récentes d’armes et de munitions confortent cette hypothèse inquiétante. Pour le moment, les Thaïlandais n’ont pas le sentiment de vivre dans une situation de conflit. Le fait que le roi se soit prononcé en faveur du Coup d’état les rassure.