Le père Aziz, curé de Taybeh, a conduit 50 de ses paroissiens à la messe du pape François à Bethléem. Quelles sont ses impressions au lendemain de cette visite papale ?
28/05/14
Aleteia vous en avait parlé il y a quelques jours, avant la venue du pape François en Terre Sainte. Abouna Aziz est l’un des vingt prêtres palestiniens chrétiens du Patriarcat latin de Jérusalem. Son village, situé à une dizaine de kilomètres de Ramallah, est une enclave entièrement chrétienne en Cisjordanie. Il nous avait fait part de sa joie de pouvoir rencontrer le Saint Père avec une – trop petite – partie de ses paroissiens, mais aussi de sa volonté de faire passer au Pape un message pour qu’il se souvienne des chrétiens de Palestine.
Vous voilà de retour dans votre village, nous savons que vous placiez de grands espoirs dans cette venue. Vous aviez une occasion de communier avec les chrétiens de tout le pays et de faire connaître la situation de votre communauté. Cette rencontre a-t-elle été à la hauteur de vos espérances ?
Aziz Halaweh : Nous sommes très heureux et fiers que notre chorale ait pu chanter le Notre Père en araméen pour la grande messe de Bethléem, en présence de 10000 chrétiens et du Souverain Pontife. Le pape a accompli des gestes forts, qui nous ont touchés au cœur. Il a été vu devant un mur de séparation qui symbolise bien les difficultés que nous rencontrons au quotidien. Pour ma part, je regrette que ce voyage ait été si court, peut-être un peu trop dense. Je regrette surtout les incidents qui ont eu lieu à l’encontre des chrétiens du quartier du Saint Sépulcre.
Que s’est-il passé, exactement ?
A. H. : La presse n’en a pas parlé, mais la petite communauté chrétienne qui habite auprès du Saint Sépulcre a été confinée chez elle lors de la venue du Pape. Interdite d’aller dans son église le jour de la venue du chef de l’Eglise ! Je trouve cela inexcusable, comment ces chrétiens auraient-ils pu représenter une menace pour la sécurité ? Il y a des photos qui circulent sur Internet présentant la répression de cette poignée de chrétiens et qui nous font souffrir. L’Etat israélien joue à un jeu dangereux, en mutipliant les vexations, voire en tentant de nous monter contre les musulmans.
Les musulmans, très majoritaires en Palestine, ont-ils bien perçu la venue du Pape ?
A. H. : Qu’ils soient nationalistes ou islamistes, je n’en connais pas qui nourrisse de haine envers les chrétiens. Juste avant que vous m’appeliez, un journaliste juif m’a interrogé précisemment sur notre relation avec les musulmans, il insistait, voulait à tout prix me faire dire qu’il y avait des frictions entre nous, que nous ne nous entendions pas… Dans les écoles de Taybeh, 55% des élèves sont des musulmans, comment pourrions-nous les haïr ? Les parents placent leurs enfants ici parce que nos écoles ont une bonne réputation, c’est le signe d’une très grande estime de leur part ! Il suffirait de peu de choses pour que nous puissions tous vivre en paix. Mais j’ai le sentiment qu’Israël ne veut pas de chrétiens autochtones. Les pèlerins ne posent pas de problème, ils sont bien accueillis. Mais nous qui sommes les descendants des premiers chrétiens, nous sommes poussés dehors.