Le vrai but de la loi sur le mariage pour tous ? Pas le mariage en soi, mais surtout les droits qui y sont rattachés : adoption, PMA et GPA pour les couples homosexuels.
06/05/14
Au fil des mois, les véritables motivations des uns et des autres dans le "changement de civilisation" qu’a constitué le vote de la loi Taubira, selon les mots même de la Garde des Sceaux, font peu à peu surface…
Peu reconnaissantes in fine du vote cette loi, les différentes associations de défense des droits des homosexuels ne cachent pas leur colère après le recul du gouvernement sur l’ouverture de la PMA aux couples de femmes. Et dans cette colère, les propos se libèrent. « La loi sur le mariage pour tous, c’est une démonstration de vide », affirme ainsi un couple de femmes dans les colonnes de Libération le 6 mai (lire ici). Ce couple, dont la fille a été conçue par PMA en Espagne, se plaint aujourd’hui de sa non inscription sur le livret de famille de couple marié, faute d’adoption de l’enfant par la conjointe. C’est justement sur ce sujet que les Verts ont déposé le 2 mai dernier un amendement visant à introduire une "présomption de parentalité" pour les enfants des couples de femmes.
«Nous nous sommes mariées début juin, sans doute parmi les premières, expliquent-elles. Nous voulions être unies au moment de la naissance de notre fille, que nous avons conçue grâce à un don de sperme en Espagne." "Le mariage, ce devait être la partie émergée de l’iceberg. Dessous, on imaginait tous les droits qui vont avec." Un aveu qui sonne comme un véritable désaveu des finalités réelles du vote de la loi sur le mariage pour tous.
Et le couple de poursuivre : " Très vite, nous avons réalisé que notre mariage n’offrait aucune protection à notre enfant. Celle d’entre nous qui ne l’a pas portée doit l’adopter. Pour cela, nous devons engager un avocat, c’est au moins 2 000 euros, et on ne sait même pas si on doit mentionner son mode de conception, surtout vu ce que le TGI de Versailles vient de décider il a estimé que deux mères avaient commis une "fraude à la loi" en concevant à l’étranger via un don de sperme. C’est scandaleux de mettre une famille, un enfant, dans cette insécurité."
Au-delà de l’argument financier, cette réaction scandalisée est partagée par nombre de couples de femmes mariées ayant eu recours, pour "fabriquer" un enfant sans père, à une PMA à l’étranger. Mais comment ne pas s’étonner que ces femmes reprochent à l’Etat, ou aux opposants au mariage homosexuel, l’insécurité juridique dans laquelle se trouvent des enfants qu’elles ont sciemment choisi de concevoir hors du cadre de la loi française ? En effet, et le TGI de Versailles l’a rappelé, le recours à la PMA n’est légal en France que pour des raisons d’infertilité médicalement constatées, et non d’orientation sexuelle. Leur intérêt personnel, leur "droit à l’enfant" est ici passé avant celui de l’enfant à naître.
Voilà une révélation, en tout cas, qui pourrait amener les élus qui se disent encore favorables au mariage homosexuel, mais pas à l’adoption, et opposés à une révision ou abrogation de la loi Taubira, à réfléchir à la dimension intenable de cette position médiane : comme l’affirment à juste titre ces militantes de la communauté homosexuelle, les deux sont en fait comme en droit indissociables. Mais, désormais, elles reconnaissent que le premier n’était en fait que le chemin le plus court pour parvenir à la seconde…