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Sens Commun : un manifeste pour redonner une âme à la droite

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Judikael Hirel - publié le 03/05/14
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En dévoilant son manifeste “La droite que nous voulons”, les jeunes anciens de la Manif pour Tous entendent bien changer de l’intérieur la ligne politique de l’UMP. Compte-rendu.
02/05/14

"On est très nombreux et il y a encore beaucoup de monde dehors ; je propose aux plus jeunes et aux plus souples de s’asseoir dans les contre-allées ou de s’accroupir." Madeleine Bazin de Jessey donne le ton d’emblée, lundi 29 avril au soir, devant une salle plus que bondée au siège parisien de l’UMP. Alors que le meeting de présentation de Sens Commun doit commencer, la salle est comble et la moyenne d’âge plutôt jeune (25 à 40 ans pour la plupart des présents). "Je suis épuisée, je rentre tout juste de Rome après 24 h de bus", confie une jeune femme à sa voisine. "Ça change des jeunes pop, on sent que c’est plus charpenté. Je pense que dans les étages de l’UMP, il y en a qui doivent tousser. Ça rappelle les mouvements de l’année dernière", confie un autre au téléphone.

"Il faudrait être socialiste pour penser la société"
Tous les fondateurs de Sens Commun sont là : Sébastien Pilard, Arnaud Bouthéon, Marie- Fatima Hutin, Madeleine de Jessey, ainsi que le plus politique de l’équipe, Faraj Camurat, membre de l’UMP depuis sa création. Au premier rang, le sénateur Bruno Retailleau discute avec le président du conseil de surveillance de Bayard, Ghislain Lafont, qui interviendra un peu plus tard (lire notre article à ce sujet), tandis qu’arrivent le député Philippe Gosselin et François-Xavier Bellamy, le jeune maire adjoint de Versailles. "Nous étions six il y a quelques mois, nous sommes bien 600 ce soir, se réjouit d’emblée Arnaud Bouthéon en lançant le meeting, avant que Marie Fatima Hutin ne se lance dans la présentation du projet défendu par Sens Commun : "Du côté de la gauche morale, il faudrait être socialiste pour penser la société. Et pendant longtemps, tous ceux qui n’étaient pas de gauche n’ont pas voulu ou su comment répondre. C’est un discours qui détourne l’égalité républicaine pour détruire les fondements sociétaux que les siècles nous ont légués. On a pensé que cela ne prêterait pas à conséquence. Mais dès que la gauche est arrivée au pouvoir, elle a mis en oeuvre ses idées, car c’était le plus facile. Pour garder la face, il ne restait plus au président que les mesures sociétales, pour faire plaisir aux lobbies, lui qui était censé être le garant de l’intérêt général. Nous avons manifesté, écrit, tracté et même veillé, mais nous sommes arrivés trop tard. Nous avons perdu politiquement." (…) "Il faut rappeler que la famille est le berceau de la société. La droite que nous ne voulons plus est celle qui renonce à parler, qui se réveille trop tard pour tout changer, qui, revenue au pouvoir, n’aurait aucun espoir, aucun but, aucun destin à proposer."

"La France ne sait plus d’où elle vient"
Pour Arnaud Bouthéon, qui lui succède à la tribune, "la France ne sait plus d’ou elle vient. Il y a urgence à revenir aux sources de l’identité française et de notre laïcité, de promouvoir une laicité apaisée, au sens d’intrinsèquement enracinée dans le christianisme. La séparation entre pouvoir temporel et spirituel est une idée chrétienne. Comme l’a dit Jean-Pierre Mignard, l’ami du Président, le catholicisme est consubstantiel à la France. La religion doit continuer à inspirer les lois civiles et humaines. (…) C’est au nom de la laïcité que devons assumer l’héritage judéo chrétien de la France et de l’Europe. (…) L’adversité est positive. Les années à venir seront un révélateur pour notre identité française. Nous voulons porter un message d’espérance pour notre pays : aimons notre France, ne la dénigrons pas. La société dans sa morosité actuelle nous attend. Elle attend des personnes qui brûlent d’un carburant différent. Nous prouverons que nous pourrons bouger les lignes, patiemment, subtilement. La France mérite notre persévérance, la France attend notre espérance."

Reconstruire le système éducatif français
Pour le jeune et talentueux maire adjoint de Versailles, François-Xavier Bellamy l’éducation constitue le plus grand défi à relever.
"Il n’y aura pas de reconstruction de la société française sans reconstruction du système éducatif. Beaucoup d’entre nous ont été des privilégiés, qui ont survécu au naufrage de l’éducation nationale. Malgré les efforts des enseignants et parents, il suffit de constater les chiffres : chaque année, 45000 jeunes quittent le système sans aucune qualification, et 18% de jeunes sont en situation d’illettrisme. Même leur langue leur est hostile et leur demeure étrangère."
À partir de ce constat,  François-Xavier Bellamy a souhaité partager trois intuitions avec l’assistance de Sens Commun : "Tout d’abord, il faut réussir à réouvrir le débat sur la question éducative, enfermée dans des réflexes idéologiques. Comment est-ce ce possible de ne pas remettre en question la méthode globale ? Aucune question ne doit rester taboue, il faut avoir l’humilité de regarder autour de nous ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. C’est tout simple et déjà immense." Deuxième point :  réaffirmer le rôle spécifique de l’école et la relation entre l’école et la famille. "Dans l’éducation nationale, la crispation dans le rapport à la famille a été poussée à un point inimaginable par l’ancien ministre, qui disait qu’il faut arracher l’enfant aux déterminisme familiaux. C’est insoutenable, comme si les parents étaient suspects. Il faut réaffirmer que les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants, ce qui ne veut pas dire que les parents doivent s’ériger en surveillants des enseignants de leurs enfants."
Troisième point : pourquoi les parents sont-ils soupçonnés, écartés ? "Nous avons révoqué l’idée même de la transmission entre générations. L’année dernière, avec la loi Taubira, nous avons vécu la révocation de ce que nous avons reçu. Il faut réaffirmer que l’école est là pour transmettre. J’ai lu la lettre envoyée par le précédent ministre, une lettre de 4 pages : le mot savoir arrive en troisième page. Là-dedans, quel est le véritable métier des enseignants : transmettre un savoir ou réformer la société à des fins idéologiques, enseigner l’ABCD de l’égalité, ou transmette l’ABC, tout simplement ? Dans la famille politique de droite, nous avons trop voulu réduire l’école à une préparation à la vie professionnelle : c’est beaucoup plus que cela. Mes 850 000 collègues de l’éducation nationale vont peut-être comprendre que la droite ne leur est pas hostile, si on leur dit qu’on ne veut pas qu’ils servent une énième réforme, un projet idéologique, mais juste transmettre un savoir, la plus belle des missions."

La loi Taubira a aggravé la défaite de la gauche
Puis Madeleine Bazin de Jessey a poursuivi en traitant rapidement de la vision de l’Europe portée par Sens Commun, à la veille de ces élections européennes : "il est temps que nous cessions de subir l’Europe, ayons à coeur de nous passionner pour elle. L’Europe de demain sera sociale, citoyenne et démocratique ou elle ne sera pas." Faraj Camurat est quant à lui revenu sur la perte d’une partie de l’électorat par la gauche : "Mitterrand a eu une idée pour s’en sortir en cas de gros temps : naturaliser, changer le corps électoral, l’étape n°2 étant de faire monter le FN, de diviser la droite. François Hollande, depuis qu’il est au pouvoir, a appliqué la méthode à la lettre. Ils ont cru qu’ils feraient monter le FN et perdre la droite avec la loi Taubira. Cette loi a aggravé la défaite de la gauche, comme l’a lui-même dit Mennucci. La gauche a traité les immigrés dans un but politique, elle les a régularisés en se disant qu’ils allaient voter pour elles. Les municipales ont montré qu’il n’y avait pas de fatalité, que le sens de l’histoire n’est pas à sens unique. La gauche a prétendu aider des français modestes, mais investi toute son énergie à faire une loi catégorielle sur le mariage homosexuel. Ces Français qui habitent dans des zones rurales, en banlieues, ces jeunes qui enchaînent les CDD, ces seniors qui voient autant d’énergie à faire loi sociétale pour une infime minorité, ils n’en peuvent plus."

Quel est l’enjeu, pour Sens Commun, tous ces jeunes anciens manifestants devenus militants en battant le pavé l’an passé ? "L’enjeu est que cet UMP sente que nous pesons en son sein. C’est ce grand cortège d’adhérents qui va faire que ce parti prendra en compte notre vision de la société. Il faut aussi que nous nous présentions aux élections internes de ce parti, que nous n’en manquions pas une." Un discours également tenu par Sébastien Pilard, jeune papa d’un petit Louis et président de Sens Commun, qui a pour sa part insisté sur la nécessité de transformer les militants en élus, d’abord au sein des élections internes des fédérations départementales de l’UMP : "plus nous serons nombreux, plus nous pèserons sur les orientations des fédérations. Deuxième échéance en 2015, les élections régionales : Sens Commun souhaite y prendre toute sa place, être force de proposition programmatique, à chaque tête de liste ; ensuite proposer des candidats pour être sur ces listes."

Cette soirée de lancement du manifeste "la droite que nous voulons" proposé par Sens Commun s’est achevée sur un petit mot impromptu du député Philippe Gosselin : "Je dois vous dire toute ma joie de vous voir aussi nombreux avec une moyenne d’âge aussi basse. C’est réjouissant, c’est du sang neuf ! Ce soir il se passe vraiment quelque chose, je mesure à cet instant le cadeau que la gauche a pu nous faire. En effet, si il y a 18 mois, il n’y avait pas eu ces manifestations en se mêlant les pinceaux dans les compteurs, une cécité d’état, un échec politique avec le mariage pour tous, nous ne serions pas aussi nombreux. Je me réjouis de vous voir vivifier ce grand parti qui en a bien besoin. Nous avons trop longtemps abandonné ces questions de société à la gauche. Il n’y a pas de fatalité, il n’y a que des renoncements. Je vous invite à ne jamais renoncer !"

Au-delà du dynamisme, des bonnes intentions, d’un discours réfléchi et structuré et d’une parfaite maîtrise des codes de la communication politique, Sens Commun parviendra-t-il à faire bouger les lignes au sein du parti dirigé par Jean-François Copé ? La politique étant avant tout fondé sur les rapports de force, c’est d’abord par le nombre de ses adhérents que le mouvement issu de la Manif pour Tous verra son entrisme assumé et affiché couronné de succès.

 

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