Révélation de l’année 2013, le selfie buzze, fait du « like », et est devenu aujourd’hui un véritable phénomène de mode. Décryptage de cette tendance 2.0.
30/04/14
Les jeunes, les célébrités, du Pape à Barack Obama, pourquoi le monde entier est-il accroc aux selfies ? Du simple selfie au selfie Duck Face, en passant par la petite moue ou la bouche en cœur, les réseaux sociaux regorgent d’autoportraits photographiques. D’où vient ce phénomène si tendance qui rappelle le mythe de Narcisse, amoureux de sa propre personne ? Pourquoi connait-il un tel succès ?
L’histoire du selfie
Dans son livre The Self-Portrait : A cultural History, James Hall essaye de répondre à cette question. Il rappelle que l’art de l’autoportrait a pris son envol dès le Moyen Age, période préoccupée par l’introspection et le salut personnel. A travers les siècles, l’homme, et notamment les artistes, ont cherché à se représenter eux-mêmes. De Vincent Van Gogh à Gustave Courbet, en passant par Goya, la représentation de soi ne date pas d’hier.
Miroir, mon beau miroir…
Le critique et historien James Hall s’est penché sur le changement radical de la façon dont les artistes se sont peints au fil des siècles. L’autoportrait doit son existence à la Renaissance et l’émergence des miroirs. L’on peut, dès lors, inspecter son apparence dans les moindres détails. La grande-duchesse Anastasia (1901-1918) n’a-t-elle pas fait un selfie lorsqu’elle s’est photographiée seule devant son miroir en 1914 ? Peu à peu, au-delà de l’artistique, l’apparence devient obsessionnelle, un véritable fait de société.
Aujourd’hui, le « selfie » a gagné sa place du mot de l’année 2013 dans le Oxford English Dictionary. Les selfies se sont emparés de notre société et de notre culture, simultanément à l’émergence des Smartphones. Car, si le miroir nous reflétait notre propre image, le Smartphone la renvoie au monde entier via les réseaux sociaux. Pourquoi ne peut-on pas résister à cette tendance du selfie ? Le boom de ce dernier est devenu universel : présidents, Pape, tous se prennent au jeu. Un récent sondage mené par le Pew Internet & American Life Project a ainsi établi que 54% des utilisateurs d’Internet ont posté des photos d’eux en ligne et l’on ne dénombre pas moins de 62 millions de photos avec le tag « selfie » sur Instagram.
Les réseaux sociaux en sont les principaux protagonistes. Pamela Rutledge, psychologue et directrice du Centre de recherche de psychologie média américain, explique au Huffington Post : « Je pense que [le selfie] influence notre perception des liens sociaux, de la même façon, par exemple, que lorsque vous allez à une soirée et que les gens s’exclament ‘Oh j’adore ta robe !’. La validation sociale, biologique est un vrai besoin et il y a même une région du cerveau dévolue à l’activité sociale ».
Le selfie est-il mauvais ?
Selon certains experts, ces photos autoportraits, souvent prises à notre avantage, peuvent façonner l’estime de soi et s’avérer bénéfiques pour certains adolescents. La psychologue Peggy Drexler, par exemple, affirme que les selfies peuvent être valorisants, s’ils sont considérés de la bonne manière. Mais une récente étude anglaise a démontré que partager trop de photos personnelles peut nous faire du tort et nous rendre moins appréciable aux yeux des autres. A force de commentaires, de ‘likes’ et de flatteries de la part de nos 500 « amis » sur Facebook, la réalité prend une autre dimension et tombe dans une existence virtuelle qui risque de fausser notre perception de la vérité et de nous faire basculer dans une toute autre réalité. « Nos recherches ont montré que ceux qui postent fréquemment des photos sur Facebook risquent de le faire aux dépends de leurs relations dans la vraie vie », a expliqué le docteur David Houghton, en charge de l’étude.
La théorie de l’ascenseur : les bénéfices du juste équilibre
Il s’agit finalement d’une question d’équilibre et d’ouverture d’esprit, selon Pamela Rythdelge . « Pour se sentir bien, on doit se connaître soi-même et les selfies fournissent un nouveau rituel pour le faire », affirme t-elle. Pour expliquer son point de vue, elle n’hésite pas à suggérer la « règle de l’ascenseur » : « Vous ne voudriez pas dire quelque chose dans un ascenseur que vous, ou quelqu’un d’autre, n’aimerait pas entendre – le monde entier des réseaux sociaux est un ascenseur. Soyez conscient de l’ampleur de la plateforme. C’est facile de croire que vous partagez une photo avec quelques personnes, mais Instagram est public et n’importe qui peut tomber dessus ».