Des musulmans d’Arabie Saoudite se convertissent au christianisme, souvent au péril de leur vie. Témoignages.20/03/2014
Décidément, les voies du Seigneur sont impénétrables. Que des musulmans se convertissent au christianisme, cela n’a rien d'anormal. Mais que ces conversions aient lieu en Arabie Saoudite, l’un des pays les plus restrictifs au monde en termes de pratique religieuse, voilà qui est assez surprenant.
L’Arabie Saoudite est le berceau de la religion musulmane. C’est dans cette région du monde qu’est né le prophète Mahomet, et ce pays voit chaque année passer des millions de musulmans pour le pèlerinage à la Mecque. Mais c’est aussi le seul pays au monde où la pratique d’une religion autre que l’Islam est interdite. Les lois du royaume sont basées sur la Charia, la loi islamique. Il est donc impossible d'y manifester en public une foi différente que celle de la religion officielle. Quant à la pratique religieuse en privé, la loi n’est pas clairement définie. Son application demeure vague et dépend généralement des annonces officielles dans les médias.
Le nombre de chrétiens vivant en Arabie Saoudite était estimé à 1,25 million en 2011, soit environ 4% de la population. Ce sont en grande majorité des expatriés venus travailler dans le pays : Philippins, Indiens, Européens, Américains… Non seulement l’absence totale d’églises dans ce pays rend difficile la pratique de la foi, mais être chrétien peut aussi s'y révéler très dangereux.
Camille Eid, professeure à Milan et spécialiste du Moyen-Orient témoigne qu’en Arabie Saoudite « il est interdit d'avoir des bibles, des images religieuses et des chapelets ; s'ils sont détectés à l'aéroport, ils sont immédiatement confisqués. Je me trouvais un jour à l'aéroport de Djeddah avec une vidéocassette et ils ont demandé à la visionner. La vidéo était un film sur Spartacus. Brusquement, j'ai eu peur qu'ils voient l'image de la crucifixion. Mais l'agent a fermé les yeux parce que c'était un soldat qui était crucifié, pas Jésus-Christ. »
En mai 2013, deux hommes avaient été condamnés à recevoir 300 coups de fouets pour avoir encouragé une femme à se convertir au christianisme.
Il est donc assez difficile d’imaginer que, dans cet environnement déjà hostile pour les chrétiens, des musulmans se convertissent au christianisme. Et pourtant, c’est ce que nous rapporte un article paru sur le site egliserusse.eu, l’écrivain Grig Karnaham relate des témoignages de conversions d’autant plus poignants qu’il est quasiment impossible en Arabie Saoudite d’avoir accès à un évangile, et encore moins à un prêtre.
Mais ce serait oublier la puissance des médias. Beaucoup de musulmans se convertissent en regardant à la télévision des programmes chrétiens diffusés par satellite. Internet joue également un rôle important pour ces croyants, pour accéder à des documents en ligne sur le christianisme. Grig Karnaham cite de nombreux exemple. Ainsi, cette jeune femme qui « s’était convertie après avoir pris connaissance de la Bonne Nouvelle sur Internet et sans avoir rencontré de chrétiens dans sa vie. Aujourd’hui elle se prépare au baptême et compose des poèmes spirituels. »
Ou encore Yazid, qui a lui aussi fait la connaissance de Jésus par Internet. « Un jour en naviguant d’un site à l’autre il a fait une recherche pour « La Bible ». L’exégèse lui a paru « opaque » alors que l’Evangile l’a éclairé. La télévision l’a aidée : sur une des chaînes chrétiennes il a vu le numéro de téléphone d’un pasteur. C’est ce même pasteur qui l’a baptisé quelques temps après. »
D’autres conversions sont plus mystiques, comme celle de Nazim, « qui plaisante sur la ressemblance de sa conversion avec celle de l’apôtre Paul. Un jour en montant l’escalier il a vu une lumière et a entendu la voix d’un Ange : « Le Roi est avec toi ! ». Il a perdu l’équilibre et est tombé à la renverse ayant réalisé que le « Roi » était Jésus de Nazareth. Il s’est mis à prêcher l’Evangile et a fixé un crucifix dans sa voiture. »
Néanmoins, les relations avec la famille deviennent souvent difficiles, notamment pour les femmes qui sont obligées de cacher leur foi, sous peine d’être dénoncées et châtiées. Ce fut le cas pour Fatima Al-Mutairi : cette jeune femme, qui s’était convertie au christianisme, avait écrit un poème au Christ. Découvert par son frère, on lui a coupée la langue. Elle fut retrouvée morte quelques mois plus tard, en Août 2008. Son nom a rejoint la longue liste des martyrs chrétiens.
Ces conversions sont marginales, mais ces nouveaux chrétiens font preuve d’une foi à toute épreuve. En effet, comme le dit Camille Eid, « il est dur d'être catholique en Arabie Saoudite, car il faut avoir une foi profondément enracinée. Vous ne pouvez pas avoir d'exemplaires de l'Evangile chez vous. Vous ne pouvez pas avoir un chapelet. Vous ne pouvez avoir de contacts avec des amis chrétiens comme communauté […]. Vous devez avoir une foi intérieure forte ; être capable de prier sans livres de prières, prier seulement les prières apprises par cœur dans l'enfance. »