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Vos enfants n’écoutent jamais ? Commencez par les écouter !

Child; Mother; Scream; Obedience
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Edifa - publié le 14/02/21
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L’enfant a besoin d’entendre une parole, mais pour la recevoir, il a d’abord besoin d’être écouté. Conseils d’une spécialiste pour mieux s’ouvrir à l’écoute de ses enfants.

Les parents se plaignent que leur enfant n’écoute jamais… Et si c’était à eux de commencer par leur prêter attention ? Marie-Paule Mordefroid, mère de famille, psychologue, formatrice d’adultes en développement personnel, propose l’écoute active comme outil privilégié dans la relation éducative.

Aleteia : Les parents font souvent l’amer constat que leurs enfants ne les écoutent pas. Pourquoi ?
Marie-Paule Mordefroid : Je poserais la question dans l’autre sens : et nous, les écoutons-nous ? L’écoute a un pouvoir prodigieux, elle se transmet par contagion. C’est la base de la confiance entre parents et enfants, même si l’éducation ne passe pas seulement par là. L’enfant a aussi besoin d’entendre une parole, mais pour la recevoir, il a d’abord besoin d’être écouté.

Qu’est-ce que cette exigence d’écoute vient bousculer chez les parents ?
Dans un premier temps, ils ont à remettre en cause leur certitude de savoir tout ce qui est bon pour leur progéniture. Il s’agit de lâcher prise sur des solutions toutes faites, sur leurs projections… Sous l’effet de l’émotion, nous avons tendance à réagir instinctivement. L’écoute active n’est pas naturelle, elle vient à l’encontre de cette réaction. Notre nature blessée par le péché nous pousse à nous exprimer en fonction de notre ego. Cette attitude nous protège des autres, mais nous encombre et les encombre aussi. Revenir à notre expérience propre nous aide : moi aussi, un jour, j’ai eu besoin d’être écouté. C’est un besoin vital chez tout être humain.

Mais il y a bien des moments où il faut exercer l’autorité, faire respecter des règles…
Bien sûr, je ne dis pas qu’il faut devenir des parents éponges ou carpettes ! Il est souhaitable d’exercer l’autorité en écoutant de façon empathique, tout en faisant respecter les limites, voire appliquer des sanctions. L’éducation consiste à tenir ce paradoxe. Prenons l’exemple d’un enfant qui refuse d’aller se coucher à l’heure dite. Dans un premier temps, on le prévient : « Dans dix minutes, extinction des feux ». Dans un deuxième temps, si la lumière est encore allumée et que l’enfant joue toujours, on peut dire : “Je comprends que tu n’aies pas envie d’aller dormir [on rejoint l’enfant là où il est] et en même temps, c’est vraiment l’heure de se coucher. Je te demande donc d’éteindre ta lumière”. Faire en sorte que ces deux désirs coexistants soient exprimés. Ceci n’empêchera pas les parents de se mettre en colère, il est parfois bon de sortir ses tripes ! Nous ne pouvons pas être zen en permanence. Nos émotions disent quelque chose à l’enfant et nous permettent d’exprimer nos besoins légitimes.

Concrètement, comment mettre en œuvre une véritable écoute ?
À un premier niveau, l’écoute passive est une mise en disposition ; elle consiste à commencer par se taire, puis à laisser l’autre s’exprimer. Elle ne demande pas de compétence particulière. L’écoute active va plus loin. Elle permet à l’autre de dire ce qu’il a à dire. Par des moyens très simples. Des invitations : “Tu as besoin de me dire quelque chose ?” Des questions, non pas pour satisfaire notre curiosité ou projeter notre angoisse, mais de manière ouverte : “Que s’est-il passé ? Et alors ? Qu’est-ce que tu as ressenti ? Qu’est-ce que tu en as pensé ?” Des silences, une manière pour les parents de manifester qu’ils prennent le temps. Enfin, la reformulation : dire avec nos propres mots ce qu’on a saisi de plus essentiel dans ce que l’enfant a cherché à dire. S’il parle de “cet idiot de prof de maths”, nous pouvons dire “tu es en colère contre ce prof de maths ?”, ainsi l’enfant réalise qu’on le comprend vraiment. La suite de son expression s’en trouvera facilitée.

Vous semblez dire qu’il vaut mieux accueillir ce que ressent l’enfant, plutôt que de s’attacher à ce qu’il dit ?
Oui, car le plus souvent, l’essentiel, c’est l’émotion. La nommer a un effet très apaisant. Je me souviens d’une mère dont le mari devait partir plusieurs mois à l’étranger. Quinze jours avant son départ, leur fils de 4 ans était insupportable. La maman l’a pris près d’elle : “Tu es triste que papa parte. C’est ça ?” L’enfant s’est mis à pleurer longuement. La tristesse qu’il ressentait se traduisait par de l’agitation, des caprices. Énoncer la juste émotion lui a permis de s’apaiser avant le départ de son père.

L’enfant s’exprime souvent au travers d’un langage “non-verbal”. Comment le décoder ?
L’étymologie du mot “enfant” (infans) signifie bien celui qui est privé de parole. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne s’exprime pas autrement. Déjà, les parents sont à l’écoute des signaux du tout-petit. Une maman est en empathie avec son bébé qui pleure quand elle lui dit : “Tu as faim” ou “tu as eu peur”, c’est une manière de reformuler un message non-verbal. L’attention doit porter sur toutes les attitudes corporelles de l’enfant, sa gestuelle (expression du visage, ton…), ses actes : porte qui claque, papier déchiré avec frénésie… et la somatisation.



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L’enfant s’exprime en permanence. Les parents ont à lui faire confiance pour trouver le moyen de dire ce qui ne va pas. Il se débrouillera toujours pour attirer l’attention, et parfois au moment où ça dérange le plus. Il ne s’agit pas de rechercher psychologiquement la cause du comportement, mais d’être réceptif à ce que l’enfant dit, là, maintenant, ou voudrait dire. Nous sommes alors dans
l’ordre de la rencontre.

Pourquoi cette forme d’écoute est-elle à privilégier ?
L’écoute des émotions permet de faire place à l’expression des besoins intimes. S’ils sont satisfaits, ils entraînent joie, ardeur, enthousiasme, etc. Sinon, l’angoisse, la colère, la jalousie s’enclenchent comme un signal d’alerte. Grâce à l’aide du parent qui l’a écouté, l’enfant met des mots sur ce qu’il vit, il peut alors se connecter avec lui-même. Il n’est pas identifié à ce qu’il ressent, ni envahi. Ce véritable travail d’unification intérieure l’autorise à s’accepter tel qu’il est. Cette écoute lui permet aussi d’entrer dans une relation de confiance. Ainsi, il est capable de vivre sa vie, en s’appuyant sur ses parents : ils n’ont pas à résoudre ses problèmes, mais à le comprendre.

En lui permettant d’assumer ses émotions, ses parents lui donnent les moyens de trouver ses propres solutions.

Après avoir accueilli le sentiment de l’enfant comme sa manière propre de réagir, on peut continuer le dialogue : « Comment vas-tu faire pour que cela ne se reproduise pas ? » Le psychologue américain Thomas Gordon, promoteur de l’écoute active, propose de se demander : à qui appartient le problème ? Si c’est à l’enfant, c’est donc à lui de le résoudre. Bien sûr les parents peuvent apporter leur concours, en proposant : « De quoi as-tu besoin ? Est-ce que je peux t’aider ? » En lui permettant d’assumer ses émotions, ses parents lui donnent les moyens de trouver ses propres solutions, et d’être acteur de sa propre vie.

Comment savoir si l’enfant s’est senti écouté ?
Son attitude donne un retour immédiat : sa détente corporelle, un sourire, un regard de connivence… Il va avoir envie de poursuivre le dialogue, si l’on reste disposé à l’écouter. Cela prend du temps et comporte un risque. On ne sait jamais jusqu’où cela mène.

Si j’écoute ainsi mon enfant, ne vais-je pas lui donner le sentiment d’adhérer à tout ce qu’il dit ?
Chassons tout de suite cette idée fausse qui prétend qu’écouter, c’est se nier soi-même ou approuver l’autre. Une bonne écoute nécessite de se centrer sur l’autre tout en restant soi-même : quand l’autre me parle, sa parole retentit en moi. Chacun de nous écoute avec ce qu’il est, donc aussi avec ses failles. Il n’existe pas d’écoute parfaite. Apprendre à écouter, c’est seulement tendre vers une compréhension de ce que vit l’autre, sans assentiment ni jugement. Nos freins à l’écoute peuvent se manifester par un jugement hâtif (“tu n’aurais pas dû”), un bon conseil, ou par la consolation (“ne sois pas triste”). Au lieu de dire à ma fille qui me vantait ses petites victoires du jour, un “c’est bien, ma chérie” (jugement), j’ai préféré lui dire : “Tu as senti que c’était ce qu’il fallait que tu fasses” (compréhension), ce qui lui a permis de s’approprier complètement son action.

Existe-t-il des moments et des lieux privilégiés pour pratiquer cette écoute ?
Oui, des instants à saisir. Quand on est seul avec un enfant, par exemple le matin en l’habillant, sur le chemin de l’école, lors des trajets en voiture, etc. Un soir, au moment de débarrasser la table, je me suis retrouvée seule avec mon fils de 14 ans, qui m’a lancé : “Maman, si je sors avec une fille, ça te fait quoi ?” On y a passé la soirée… Mais cela ne suffit pas. Prendre du temps est une décision. Personnellement, je m’étais fixée de me retrouver au moins une fois par jour seule avec chacun, au moment de leur dire bonsoir dans leur chambre. J’ai eu des surprises. Un enfant peut confier ce qui aurait pu passer complètement inaperçu dans d’autres circonstances.


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Il est difficile d’être tout le temps disponible. Comment faire, lorsqu’on n’est pas en mesure d’écouter ?
On peut faire preuve d’empathie “ce que tu me dis me semble très important” et demander à différer le rendez-vous. Pourvu qu’on tienne ensuite sa promesse ! Le parent accuse réception de la demande, mais fait place aussi à son propre besoin. S’il ne se sent pas en mesure d’écouter, il peut s’appuyer sur son conjoint. Le rôle de la mère est parfois de proposer que certaines confidences soient faites au père. Et si, au sein de la famille, l’écoute n’est pas possible (les parents restant toujours les premiers éducateurs), pourquoi ne pas passer le relais : chef scout, parrain ou marraine, grands-parents, prêtre, spécialiste compétent… Tous ces acteurs ont-ils été en relation naturelle avec leurs enfants ? Si c’est le cas, la relation s’établira plus facilement. Enfin, c’est peut-être le signe que le parent a besoin d’être lui-même écouté. Le plus grand service que nous pouvons rendre à nos enfants, c’est de satisfaire nos propres besoins. Je crois beaucoup à la vertu des réseaux d’amis et de soutien entre pairs.

Cette écoute est-elle plus fondamentale à vivre pour les chrétiens ?
Non, elle est une exigence pour tous, pas besoin d’être chrétiens pour ça. Mais c’est un moyen privilégié de vivre la charité avec son prochain. Dans une famille, mon mari, mes enfants sont mes plus proches, mon prochain. L’écoute est un amour juste qui permet de se sentir proche de l’autre tout en restant soi-même.


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En tant que chrétiens, nous avons la chance de disposer du modèle de Jésus, de la manière dont il a pratiqué cette écoute. Dans l’Évangile, ses questions ouvertes : “Que veux-tu que je fasse pour toi ? De quoi parliez-vous en chemin ?” permettent d’exprimer le désir, le sentiment ou la foi. Regardez sa manière d’accompagner les disciples d’Emmaüs. Ils quittent Jérusalem, pour un chemin d’errance, une manière de montrer qu’ils se fourvoient. Jésus ne leur fait pas la morale, il chemine à côté d’eux de manière inconditionnelle. Il prend le temps, laisse place à l’expression de l’état dans lequel ils se trouvent : tristesse, déception. Jésus commence par les écouter jusqu’au bout, alors seulement il se met à les instruire, et les disciples sont en mesure d’écouter à leur tour. Au contraire, les parents que nous sommes mettent souvent des conditions : “Je veux bien t’écouter, mais avant, je veux que tu ranges ta chambre”… La technique de l’écoute reste du domaine humain, nous n’en ferons pas l’économie. Mais la grâce vient de Dieu.

Propos recueillis par Raphaëlle Simon.


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