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Traverser la dépression sans perdre la foi

DEPRESSION
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Edifa - publié le 05/06/20
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La dépression s’accompagne souvent d’une nuit de la foi. Elle peut alors se révéler être une vraie épreuve spirituelle pour le malade. Quelques conseils pour la traverser sans perdre sa foi. La dépression est une maladie, et le chrétien n’est pas exempté de la maladie ! La Foi sauve, elle ne guérit pas, pas toujours, en tout cas. Elle n’est pas un médicament, encore moins une panacée ou un antidote magique. En revanche, elle offre à celui qui accepte de s’y ouvrir, la possibilité de vivre autrement cette épreuve et un chemin d’espérance, ce qui est énorme, puisque la dépression mine l’espérance. Conseils du père Jean-François Catalan, psychologue et jésuite, pour traverser cette difficile épreuve.

Est-ce normal de douter de sa foi, voire l’abandonner, quand on souffre de dépression ?

Père Jean-François Catalan : Les grands saints furent nombreux à traverser d’épaisses ténèbres, ces « nuits obscures » comme le disait saint Jean de la Croix. Ils ont éprouvé, quelquefois jusqu’au désespoir, le découragement, la tristesse, l’angoisse, le dégoût de vivre… Saint Alphonse de Liguori a passé sa vie dans l’obscurité tout en réconfortant les âmes (« Je souffre un enfer », disait-il parfois), comme le curé d’Ars. Pour sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, à la fin de sa vie, « un mur la séparait du Ciel ». Elle ne savait plus si Dieu et le Ciel existaient. Or, elle a vécu cette épreuve dans l’amour. Cette « dépression » n’a pas empêché ces saints de tenir dans la nuit grâce à un acte de Foi. Et ils ont été sanctifiés par cette Foi elle-même, dans la nuit.

On peut vivre la dépression dans une attitude d’abandon à Dieu. À ce moment-là, le sens de la maladie est changé ; s’ouvre une brèche dans le mur, même si la souffrance et la solitude ne sont pas supprimées. C’est le fruit d’un combat constant. C’est aussi une grâce reçue. Il y a deux mouvements. D’un côté, on fait ce que on peut, même si c’est minime et apparemment inefficace, mais on le fait, en acceptant de prendre des médicaments, de suivre une psychothérapie s’il le faut, en essayant de renouer des contacts amicaux – c’est parfois très difficile, car les amis s’en sont allés, les proches sont souvent découragés. De l’autre côté, on compte sur cette grâce de Dieu, qui aide à ne pas désespérer.

Vous évoquez les saints, mais pour les gens ordinaires ?

C’est vrai que l’exemple des saints nous paraît parfois lointain. Nous vivons souvent davantage dans la grisaille que dans la nuit… Mais nous expérimentons, comme les saints, que toute vie chrétienne est, d’une manière ou d’une autre, un combat. Un combat contre le découragement, contre les formes de repli sur soi, d’égoïsme, de désespérance… Ce combat est de tous les jours et il concerne tout le monde.

Chacun doit se battre en lui-même contre des forces de destruction qui s’opposent à une vraie vie, qu’elles soient de nature physique (maladies, infection, virus, cancer…), psychique (toutes les formes de processus névrotiques, conflits intimes, frustrations diverses…), ou spirituelle. Il faut rappeler que si les états dépressifs peuvent avoir des causes physiques ou psychologiques, ils peuvent aussi avoir des causes spirituelles. Il y a dans l’âme humaine de la tentation, de la résistance, du péché. On ne peut passer sous silence l’action de l’Adversaire, le Satan, qui cherche à nous « mettre des bâtons dans les roues » pour nous empêcher de progresser vers Dieu. Il peut jouer et profiter de l’état de déréliction, de désolation, de dépression. Son but est de décourager et de désespérer.

La dépression peut-elle être un péché ?

Certainement pas, c’est une maladie ! Mais une certaine forme de laisser-aller dans la dépression peut ne pas être sans rapport avec une démission, un manque de Foi, une désespérance, qui peuvent être de l’ordre du péché. Les Pères du désert dénommaient cette démission « acédie ». Ce fléchissement spirituel dont on est complice, cette tiédeur consentie, conduisent à une tristesse profonde qui peut provoquer un état dépressif.

Toutefois, toutes proportions gardées, le déprimé peut vivre sa maladie comme un chemin d’humilité. Il est au fond du gouffre, il a perdu ses repères, il expérimente douloureusement sa fondamentale pauvreté, il sait qu’il n’est pas tout-puissant, et qu’il ne peut pas se sauver lui-même… Cependant, même au fond de l’affliction, il demeure libre. Libre de vivre sa dépression dans l’humilité… ou dans la révolte ! Toute vie spirituelle suppose une conversion, mais cette conversion, au moins au départ, n’est rien d’autre qu’une conversion du regard, ce mouvement par lequel on regarde vers Dieu, on se tourne vers Lui. Ce retournement est le fruit d’un choix et d’un combat. Le dépressif n’en est pas exempt.

Cette maladie peut être un chemin de sainteté ?

Certainement. Nous avons évoqué quelques exemples de saints. Il y a aussi tous ces malades, cachés, qui ne seront jamais canonisés mais qui ont vécu leur maladie dans la sainteté. Je trouve très justes ces phrases du père Louis Beirnaert, un religieux psychanalyste : « Dans une vie cahotée et misérable, la respiration secrète des vertus théologales (Foi, Espérance, Charité) se manifestera. Quant aux névrosés, sans jugement et parfois obsédés, nous en connaissons dont la simple fidélité à tenir dans la nuit la main divine qu’ils ne sentent pas est d’un éclat aussi insoutenable que la magnanimité d’un Vincent de Paul ! ». Ce qu’il dit ici des névrosés peut, bien sûr, s’appliquer à tous les déprimés.

C’est ce qu’a vécu le Christ à Gethsémani ?

Oui, d’une certaine façon. Il a vécu intensément le découragement, l’angoisse, l’abandon, la tristesse de tout l’être : « Mon âme est triste à en mourir » (Mt 26, 38). Des états que connaît la personne dépressive. Il a même supplié son Père d’éloigner la coupe (Mt 26, 39). Quel combat, quelle agonie ! Jusqu’à cette « conversion », ce retournement de l’acceptation « Cependant, non pas comme moi, je veux, mais comme toi, tu veux » (Mt 26, 39).

La déréliction absolue culmine dans son « Mon Dieu, pourquoi m’as-Tu abandonné ? » Mais le Fils dit cependant « Mon Dieu… » C’est l’ultime paradoxe de la Passion : Jésus a foi en son Père au moment même où son Père semble L’abandonner. L’acte de Foi pure, lancé dans la nuit ! C’est ainsi que nous devons vivre, parfois. Avec sa grâce. En suppliant : « Seigneur, viens à notre aide ! »

Propos recueillis par Luc Adrian


Girl - Woman - Sad - Depression - Comforted - Friend
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