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Mode d’emploi d’une bonne dispute en couple

COUPLE; DISPUTE
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Edifa - publié le 23/02/20
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Attention, ce n’est pas parce qu’il se dispute qu’un couple est en péril ! Dans la vie à deux, le conflit étant incontournable, l’essentiel étant de savoir « bien » se disputer. La dispute fait partie de la vie conjugale à cause des différences de personnalité, d’éducation, de rythmes et de goûts, mais il est possible de gérer les petites tensions du quotidien, sans violence physique et avec un minimum de violence verbale. Le conflit ne signifie pas l’échec, contrairement à ce que beaucoup pensent. On peut s’aimer et se disputer. Les disputes permettent de se débarrasser des vieux ressentiments, des non-dits accumulés, ou de signaler que le couple a besoin d’un changement dans son fonctionnement. Psychothérapeutes, Serge et Carolle Vidal-Graf, nous livrent les secrets d’une bonne dispute en couple.

Pourquoi la colère est-elle incontournable dans la dispute ? Ne pourrait-on pas seulement discuter ?
Serge et Carolle Vidal-Graf : La dispute ne peut être froide, parce qu’elle contient une composante émotionnelle, la colère. Elle signifie que quelque chose ne va pas. Le « je » reprend du poil de la bête et affirme qu’il n’est pas satisfait. Être en colère, c’est dire avec émotion un désaccord. La réaction émotionnelle n’est pas forcément le hurlement ni la violence.

Quelle est l’utilité de la colère ?
La colère a mauvaise réputation. Pourtant, c’est une magnifique énergie de vie. Elle permet de remettre les compteurs à zéro. Chez les gens qui ne se disputent pas, les compteurs sont élevés ! Comme une marmite à vapeur dont on ouvrirait le couvercle après un an, la pression s’est accumulée et elle risque d’exploser. Une dispute non exprimée, c’est comme une blessure qu’on ne nettoie pas et qui s’infecte. Il vaut mieux dire peu à peu ses difficultés, ses désamours, on évite ainsi l’explosion. Haut et fort, mais sans violence.



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La colère permet de mettre la relation à plat et d’ouvrir sur une négociation qui satisfasse l’un et l’autre. La colère est un cadeau pour le couple. Elle indique que la relation compte, qu’on n’y est pas indifférent.

Pourquoi la colère fait-elle si peur ?
Parce qu’on la confond avec la violence. Nous avons tous des expériences de colères violentes, d’un parent ou d’un employeur volcanique, qui nous ont humiliés verbalement ou physiquement. Résultat, nous pensons : « Si c’est ça la colère, non merci ! Je ne veux ni l’exprimer ni la recevoir ».

“Dans la technique de communication non-violente, on apprend l’importance du « je ».”

Dans notre enfance, nos parents nous envoyaient peut-être dans notre chambre nous calmer, avec des commentaires du style : « Je ne t’aime pas du tout quand tu cries, si tu voyais ta tête ! » Pour garder l’amour de nos parents, il nous fallait alors tout refouler. C’est ainsi que s’est ancrée en nous l’idée que l’amour et la colère sont incompatibles.

Comment bien exprimer ses colères ?
Dans la technique de communication non-violente, on apprend l’importance du « je ». C’est capital : parler de soi, de la façon dont on ressent les situations, plutôt que de dire « tu » et d’accuser l’autre. C’est d’autant plus important que la colère a souvent pour objectif de s’affirmer face à l’autre. Passer du « tu » au « je » prend un certain temps et l’abandon total de la violence verbale est difficilement réalisable.


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Autre objectif : rester sur le sujet et ne pas partir dans des reproches plus généraux sur les personnes qui sont chères à l’autre, ses échecs. Comme on connaît bien son conjoint, on sait exactement là où ça fait mal, il est préférable de s’arrêter avant. Cela implique de faire le deuil de la vengeance quand l’autre nous a blessé. C’est une vraie leçon d’humanité que d’apprendre à se disputer.

Après la colère, vous conseillez l’écoute silencieuse, comme moyen de mettre à plat la difficulté. Qu’est-elle réellement ?
C’est un outil très utile, si la colère n’a pas suffi à apaiser le litige. Bien sûr, il faut attendre que chacun soit calmé. Ce qui est difficile, c’est de revenir vers l’autre après la dispute en mettant son orgueil dans sa poche. Chacun parle à son tour, autant de temps qu’il le désire, sans être interrompu. On peut s’arrêter, marquer des silences qui permettent de se livrer vraiment. Une fois que vous estimez avoir terminé, vous le dites à votre conjoint. Il peut prendre la parole à son tour, sans chercher à répondre, mais pour confier ce qu’il ressent.


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C’est un exercice difficile. Il a le mérite d’éviter le débat stérile des accusations et des dénégations. Il permet de se dire en profondeur, calmement, d’aller au-delà du reproche, jusqu’à l’émotion. Le reproche met le conjoint sur la défensive, l’expression de la sensibilité le touche. Il faut faire ces écoutes au rythme de chacun, pas seulement après les conflits. La régularité permet d’échanger aussi sur le positif.

Qu’en est-il de la négociation ?
C’est une méthode surprenante qui peut être utilisée. Elle montre que dans un conflit, on peut éviter d’avoir un gagnant et un perdant. Elle se pratique aussi à froid : on revient vers l’autre, quelques heures après la querelle, pour lui suggérer un arrangement où chacun devra céder sur un point afin que les deux y trouvent leur compte. L’avantage de cette négociation est que chacun exprime ses besoins, chacun a été reconnu et écouté. Voilà un excellent apprentissage pour exister en tant que personne et pour construire son couple, au prix de quelques concessions qui ne sont pas à sens unique.

“La colère est une émotion de base, on ne peut pas l’éviter.”

Les disputes répétitives sont-elles révélatrices d’un problème de fond ?
Elles ne sont pas plus graves sur la forme que les disputes anecdotiques, mais ce qui alerte, c’est leur fréquence : elles reviennent presque tous les jours. Elles révèlent un climat de tension et un problème sous-jacent, comme une souffrance d’enfance non résolue. Elles sont un signal d’alarme : peut-être faut-il prendre une décision, renégocier plus profondément un choix, comme avoir un nouvel enfant, un changement professionnel, autant de situations laissées en suspens qui enveniment la relation.

Lorsqu’un des conjoints est colérique et l’autre l’est moins. Comment les disputes de ce couple peuvent-elles évoluer ?
Nous sommes convaincus que les non-colériques n’existent pas. La colère est une émotion de base, on ne peut pas l’éviter. Le non-colérique est une personne qui refuse la colère, souvent parce qu’il la confond avec la violence. Sans en être conscient, il transforme sa colère en culpabilité : « Je n’aurais pas dû… », ou en tristesse : « Comment peux-tu être si dur avec moi ? » Le non-colérique ne sait pas exprimer sa colère. Il va donc faire toutes sortes d’actes manqués pour pousses son conjoint colérique à la dispute et ainsi utiliser la colère de l’autre pour se plaindre et vider son sac de ressentiments. Pour un non-colérique, c’est un énorme effort que de parvenir à exprimer cette émotion, d’où l’intérêt pour lui de l’écoute silencieuse qui va l’obliger à dire ce qu’il ressent.

Quelle importance accordez-vous au pardon ?
Il est capital d’être convaincu qu’une relation peut se réparer. Quand on a blessé l’autre, on peut déjà présenter ses excuses. Même si la blessure n’était pas intentionnelle, elle lui a fait mal. Parfois la parole ne suffit pas, tout dépend de l’offense : il faut alors réparer par des actes concrets, inviter l’autre au restaurant, lui offrir des fleurs, proposer une démarche qui lui fasse plaisir.

Florence Brière-Loth

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