Il aura fallu l’œil avisé d’un bénévole d’une association de protection du patrimoine pour détecter, dans ce tableau, la présence d’une œuvre d’importance. Et pourtant, il était classé au titre de monuments historiques depuis 1910. On l’avait peut-être un peu oublié, dans l’église paroissiale Saint-André de La Bastide-de-Besplas, comme on oublie un objet de son environnement quotidien. Il faut dire que les mauvaises conditions de conservation rendaient difficile une identification.
Le tableau nous montre le bourreau à la musculature puissante qui vient de décapiter Jean, sur ordre d’Hérode. Saint Marc rapporte l’épisode dans son évangile (Mc 6, 27-28) : "Il envoya un garde avec l’ordre d’apporter la tête de Jean. Le garde s’en alla décapiter Jean dans la prison. Il apporta la tête sur un plat, la donna à la jeune fille, et la jeune fille la donna à sa mère." Une servante est déjà prête avec un plateau. Hérodiade, qui avait dansé pour le roi et obtenu de lui le sacrifice du Baptiste, attend en arrière-plan de pouvoir apporter cette preuve atroce à sa mère.
À qui doit-on ce travail exceptionnel ? À Daniele Crespi, un artiste lombard, qui a vécu de 1597 à 1630. Mort à 33 ans de la peste, c’est donc à un tout jeune artiste que nous devons cette représentation du martyre de Saint Jean-Baptiste. La décapitation est appelé plus fréquemment "décollation" lorsqu’il s’agit du saint précurseur du Christ. L’œuvre a dû être offerte à la paroisse au XIXe siècle, certainement par un riche donateur de la région. Nous n’en savons pas plus. En 2017, la commune, propriétaire du tableau, se lance dans une campagne de restauration. Il aura fallu quatre ans pour lui donner une nouvelle jeunesse et lui fabriquer un cadre approprié à l’époque de création et au style de l’œuvre.
Trop humide et peu sécurisée, l’église de La Bastide-de-Besplas ne réunit actuellement pas les conditions nécessaires à la conservation d’une œuvre d’une telle qualité. La décapitation de Saint Jean-Baptiste n’y est pas retournée. Elle est actuellement visible au château de Foix, dans la chambre d’apparat où se trouve le lit d’Henri IV. Une réflexion est en cours. Pour voir cette toile retrouver sa vocation d’origine ? Celle-ci reste d’habiller les murs d’une église ou d’une chapelle. La chapelle du Bout-du-Pont (c’est bien le nom de la chapelle…), située sur le territoire de la commune, est évoquée pour ce transfert, après les travaux nécessaires. Une nouvelle à suivre. Nos trésors n’en finissent pas de circuler…