Que sait-on communément du VIe siècle ? En général, pas grand-chose. En regardant de plus près la vie de saint Césaire, honoré par la liturgie catholique le 26 août, l’on note avec étonnement ou désespoir que l’âme humaine du chrétien d’alors n’était pas si différente d’aujourd’hui. Césaire, mort en 542, évêque d’Arles pendant quarante ans, est en effet connu pour deux choses. D’abord, parce qu’il est l’auteur d’une règle monastique assez proche de celle de saint Augustin, évêque d’Hippone un siècle plus tôt.
Ensuite, parce qu’il présida à la demande de Rome plusieurs conciles régionaux. Ces réunions locales d’évêques avaient pour but de débattre de problèmes doctrinaux. Certaines de leurs décisions ont eu une résonnance à l’échelle de l’Église universelle. En 529, à Arles, préside ainsi un concile qui doit se prononcer sur le semi-pélagianisme. Le pélagianisme est l’idée de Pélage qui estime que le libre arbitre seul permet de se déterminer à faire le bien ; un chrétien peut devenir saint par sa propre persévérance. Saint Augustin, arguant que la doctrine du moine breton va contre celle du péché originel, combattit avec force pour rappeler que la grâce est première.
Libre arbitre, conversion et grâce
Le semi-pélagianisme en est une altération : le libre arbitre détermine le commencement de la conversion, la grâce lui permet de persévérer. Mais, à Orange en 529, les pères estiment, condamnant aussi cette doctrine subsidiaire : "Rien de bien, l'homme ne peut sans Dieu. Beaucoup de bien, Dieu fait en l'homme, que l'homme ne fait pas ; aucun bien l'homme ne fait, sinon celui que Dieu veut."
Voilà une conclusion qui rejoint l’avis du pape François, lequel estime que le semi-pélagianisme est d’une "préoccupante actualité". Dans son encyclique Gaudete et Exsultate, le Saint-Père définit le semi-pélagianisme comme un "ennemi subtil de la sainteté" auquel il consacre plusieurs paragraphes. Attribuer le pouvoir de devenir saint à la volonté est un obstacle à la vie en Dieu : "L’absence de la reconnaissance sincère, douloureuse et priante de nos limites est ce qui empêche la grâce de mieux agir en nous […]. La grâce, justement parce qu’elle suppose notre nature, ne fait pas de nous, d’un coup, des surhommes. […] Car si nous ne percevons pas notre réalité concrète et limitée, nous ne pourrons pas voir non plus les pas réels et possibles que le Seigneur nous demande à chaque instant, après nous avoir rendus capables et nous avoir conquis par ses dons." (§50)