La vertu d’effacement est assurément une vertu évangélique. Saint Joseph en est le modèle par excellence : les évangiles signalent sa présence chaque fois que Jésus et Marie ont besoin de lui, mais une fois sa mission achevée, il disparaît complètement. Sa vie sur terre a laissé bien peu de traces, mais existe-t-il aujourd’hui un saint plus vénéré, glorieux (et efficace !) que saint Joseph ? Marie elle aussi est un modèle d’effacement dans le récit biblique, et Jésus lui-même s’efface devant le Père dont il dit n’être que l’envoyé. Il se cache pour ne pas être porté en triomphe, il demande toujours la discrétion après les guérisons miraculeuses. Je suis venu, dit-il, non pour être servi mais pour servir.
S’effacer devant les autres, occuper la dernière place, voilà le modèle proposé par la Sainte Famille. Cette vertu d’effacement, synonyme d’humilité, est parfois bien difficile à mettre en place, car l’amour-propre réclame toujours sa part, et tente sans cesse de revenir sur le devant de la scène. Que veut dire s’effacer exactement ? Est-ce ne rien faire, rester toujours en retrait et laisser aux autres toute la charge et les responsabilités ? Absolument pas. Tout comme l’écolier ne peut effacer son ardoise que s’il a auparavant inscrit quelque chose, on ne peut s’effacer qu’après avoir agi. L’humilité consiste à ne pas s’admirer ou se faire admirer après une œuvre accomplie. Elle consiste aussi à s’intéresser davantage aux qualités des autres qu’à nos propres qualités ; à reconnaître ce que les autres font de bien, et surtout ce qu’ils font de mieux de nous-mêmes.
S’effacer, c’est aussi tuer l’égoïsme
Comme cette petite vertu est exigeante ! Pendant qu’on écoute une nouvelle fois les exploits du cousin Jules au tennis, on souffre de ne pouvoir raconter avec force détails nos propres exploits à la pétanque, ceux de cette année, mais aussi ceux de l’année dernière, car rien ne vaut une petite étude comparative pour bien saisir la subtilité d’un carreau parfait. Oui, on espérait recevoir beaucoup de compliments pour notre merveilleux gratin, ou tian, ou ratatouille. Personne ne s’extasie sur la cuisson parfaite, le découpage original des légumes, l’originalité des épices utilisées. Mais la rapidité avec laquelle le plat est englouti révèle cependant sa qualité gustative, ou du moins son efficacité nutritionnelle.
S’effacer, c’est aussi tuer l’égoïsme, ne pas se précipiter sur le fauteuil le plus confortable, l’abricot le plus mûr. Au contraire, c’est prendre immédiatement ce qui est moins agréable pour avoir la joie de voir les autres apprécier le confort. Au sein du couple et de la famille, la vertu d’effacement, c’est se demander en premier ce l’autre souhaiterait faire, et supprimer le règne du « moi d’abord ». Rendre les autres heureux est la première source de bonheur.
Pratique