Depuis plus de cinq siècles, chaque 30 juillet que le Ciel fait, des pèlerins sillonnent les petits chemins pyrénéens entre Montbolo et Arles-sur-Tech, au cœur du Haut-Vallespir, fidèles à la tradition de la Rodella qui dure depuis 1465. La Rodella, mais de quoi s’agit-il ? Aleteia vous explique !
L’histoire commence en 1465. Un berger de Montbolo connu sous le nom de Noguer de Gasnach fait paître son troupeau dans la montagne. Soudain, un orage terrible surgit et le fait craindre pour sa vie. Coincé en pleine montagne au milieu de cette violente tempête mâtinée de grêle, en proie aux pires terreurs, il se réfugie à l’abri d’un rocher et invoque le Ciel. Rentré au village, il conte sa mésaventure autour de lui et les habitants mettent cette protection inespérée sur le compte des saints Abdon et Sennen, honorés dans les lieux. Aucun doute, ce sont les deux saints qui ont sauvé la vie de leur pâtre et qui ont protégé le village ! En signe de reconnaissance, ils décident de porter chaque année un cierge aux deux saints le jour de leur fête, le 30 juillet. L’offrande sera déposée dans l’église de l’abbaye d’Arles-sur-Tech, où sont conservées les reliques des deux martyrs. Ainsi est née la Rodella. Un peu semblable à une roue, il s’agit d’une longue chandelle en cire d'abeille roulée sur elle-même et placée sur une croix chrétienne, portée comme un étendard. Elle est composée d’un cordon en mèche de coton roulé en spirale et entouré de cire d’abeille. Celle-ci était initialement produite à Montbolo. En effet, à l’époque le village produisait sa propre cire. Mais puisqu’aujourd’hui les abeilles ont quitté Montbolo, ce sont à présent les bénédictines de l’abbaye Notre-Dame-de-Belloc, dans les Basses-Pyrénées, qui fournissent la cire nécessaire à la confection du cierge.
Chaque 30 juillet, à sept heures du matin, une procession s’élance de Montbolo en direction d’Arles-sur-Tech, à une heure de marche de là. Il faut en effet favoriser la fraîcheur matutinale pour éviter que la cire ne fonde. Sont présents des habitants des deux villages mais aussi des pèlerins venus d’ailleurs. Excepté une année où les intempéries y ont fait obstacle, la procession a toujours eu lieu depuis plus de cinq siècles. "Les gens sont attachés à cette tradition qui leur permet de manifester leur foi et de la faire rayonner. Pour moi, ce qui compte, c’est leur témoignage", explique à Aleteia le père Dominique Razafindrabe, curé d’Arles-sur-Tech.
Peu importe que les pèlerins soient des piliers d’église ou pas : ce jour-là, la Rodella les ramène à leur foi et leur rappelle l’essentiel. Une fois à Arles-sur-Tech, la procession est bénie par le curé des lieux, puis fait le tour du village avant de gagner l’église de l’abbaye Sainte-Marie, où une messe est célébrée. Andrée Pagès, 80 ans, participe à la procession depuis qu’elle est née. "Quand j’étais enfant, c’était quand même de bons moments de ferveur", raconte-t-elle en évoquant la musique et les danseurs catalans qui animaient le village. Si aujourd’hui cette tradition ne rassemble pas autant de monde que dans son enfance, elle continue à toucher les cœurs et pas question de la laisser tomber en désuétude ! "Bien sûr, cela a été transmis aux enfants et je pense qu’ils auront à cœur de le continuer. Tant que je pourrai, j’y participerai."
Après les festivités, la Rodella reste exposée toute l’année, et à l’approche du 30 juillet suivant, la grosse rondelle est coupée en quatre morceaux. Le premier quart est envoyé à l’église tandis que les trois autres quarts sont fondus afin d’en faire de petites rodellas qui sont bénies puis vendues. L’argent récolté permet d’acheter la cire nécessaire à la confection de la Rodella suivante. Ces petites bougies en cire d'abeille peuvent être allumées dans les familles comme une expression de la foi des uns et des autres. "Les gens la mettent sur leur fenêtre en cas de mauvais temps. On peut également allumer sa Rodella quand il y a un malheur dans la famille", explique Andrée Pagès, qui évoque la période du Covid durant laquelle le besoin de se raccrocher à la foi était plus présent que jamais. Quoi qu’il en soit, la tradition est bien vivante. Rendez-vous le 30 juillet !