Le Tro Breiz, le pèlerinage des Sept Saints de Bretagne, renaît de ses cendres. Ses origines remontent au Moyen Age. Tombé en désuétude durant quatre siècles, il connaît un bel essor depuis quelques années, et plus précisément depuis 1994, date à laquelle l’association "Les Chemins du Tro Breiz" lui a donné un nouveau souffle. Trois Saint-Politains, parmi lesquels Philippe Abjean, ont en effet décidé de ressusciter cet ancien pèlerinage. "Le Tro Breiz, affirmaient-ils, deviendra un Saint-Jacques-de-Compostelle breton !" Depuis lors, ils organisent des tronçons parcourus de manière collective, passant par les sept cités épiscopales, à raison d’une étape chaque été. Cette année, du 29 juillet au 3 août, 600 pèlerins sont attendus pour marcher de Redon à Nantes : un parcours élargi à la Loire-Atlantique pour célébrer les 30 ans de la renaissance du Tro Breiz.
Comme son nom l’indique, faire le Tro Breiz, c’est faire le tour de la Bretagne ("tro" : tour et "Breiz" : Bretagne). L’une de ses particularités réside dans son parcours circulaire, reliant les sept évêchés bretons fondés par sept saints : saint Corentin à Quimper, saint Paul Aurélien à Saint-Pol-de-Léon, saint Tugdual à Tréguier, saint Brieuc à Saint-Brieuc, saint Malo à Saint-Malo, saint Samson à Dol-de-Bretagne et saint Patern à Vannes. Gaële de La Brosse, fine connaisseuse des chemins de pèlerinage, a effectué le Tro Breiz en 1996, et vient de publier une édition actualisée de son livre Tro Breiz, les chemins du paradis, chez Salvator.
Aleteia : D’où vient cette tradition du Tro Breiz ?
Gaële de La Brosse : L’expression "Tro Breiz" apparaît seulement à la fin du XIXe siècle. Elle a remplacé les appellations "Circuitus Britanniae" et "pèlerinage des Sept Saints". Mais la dévotion aux Sept Saints est bien antérieure au pèlerinage. Elle est apparue à l’aube du second millénaire. Quant au pèlerinage, on est sûr qu’il a été pratiqué des XIIIe au XVe siècles, notamment aux quatre temporaux : Pâques, la Pentecôte, la Saint-Michel et Noël. Au Moyen Age, ce pèlerinage "à domicile" remplaçait les pèlerinages lointains. Il a été freiné par les guerres de la Ligue au XVIe siècle puis supplanté par de nouvelles dévotions, notamment la dévotion mariale au XIXe siècle. Puis il a été remis à l’honneur par des historiens à la fin du XIXe siècle, tel l’abbé Luco à qui on doit l’appellation actuelle "Tro Breiz".
Et aujourd’hui ?
Il connaît un nouvel essor, notamment grâce à l’association "Les Chemins du Tro Breiz" qui organise chaque été, depuis 1994, une marche d’une semaine entre deux des cathédrales du parcours : un événement annuel qui donne une belle visibilité à ce pèlerinage. Cet essor correspond par ailleurs à la période où le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle connaît un développement exponentiel. Dans ce sillage, beaucoup de régions souhaitent avoir "leur pèlerinage" à domicile. Ne dit-on pas en effet que, traditionnellement, le pèlerin est celui qui part de chez lui ? À l’instar des chemins de Saint-Jacques, l’association Les Chemins du Tro Breiz a donné aux pèlerins bretons un emblème (l’hermine), un passeport (le "tremen-hent", qui est l’équivalent de la credencial), et un diplôme qui atteste l’accomplissement du "périple sacré breton". Mais elle leur a aussi trouvé un nom ! Les pèlerins de Saint-Jacques s’appellent les "jacquets", ceux de Rome les "romieux", ceux du Mont-Saint-Michel les "miquelots". Désormais, ceux qui effectuent le Tro Breiz s’appellent les "trobreiziens".
Les chemins sont-ils balisés ?
Le Tro Breiz n’a pas, contrairement aux chemins de Saint-Jacques, d’itinéraire historique précis. Il y a, en revanche, des points de passage obligés : les sept cathédrales, bien sûr, et deux points de passage historiquement attestés : Saint-Avé, près de Vannes, et Locmaria-an-Hent (Notre-Dame-du-Chemin), à Saint-Yvy, près de Quimperlé. Le balisage est en cours de finalisation. Par ailleurs, un guide, publié par les éditions Lepère, décrit un itinéraire en 30 étapes (780 km).
Pourquoi le pèlerinage relie-t-il ces sept cathédrales ?
En reliant ces sanctuaires, le pèlerin du Tro Breiz va vénérer ceux qui furent nommés "les fondateurs de la Bretagne", les sept premiers évêques bretons : deux autochtones, Patern et Corentin, et cinq moines originaires de la Bretagne insulaire, Paul Aurélien, Tugdual, Brieuc, Malo et Samson. La légende raconte qu’une voix leur aurait intimé de traverser la mer pour venir christianiser la Bretagne, qui s’appelait alors Armorique. Arrivés sur cette terre, ils ont bâti des ermitages et accompli de nombreux miracles : le peuple a donc voulu les proclamer évêques. Ce qu’ils ont accepté, sans doute un peu malgré eux ! En effet, formés à l’école du christianisme celtique, ils étaient davantage adeptes de ce que l’on appelle aujourd’hui la sobriété. C’est d’ailleurs à cette valeur que je rattacherais le Tro Breiz. Les chemins de Saint-Jacques mettent en avant l’hospitalité, ceux d’Assise le respect de la nature, ceux de saint Martin le partage… Le Tro Breiz, en puisant sa source dans la spiritualité du christianisme celtique, appelle, quant à lui, au dépouillement. C’est cette invitation que j’ai ressentie en faisant le Tro Breiz.
Avez-vous ressenti autre chose de différent, sur le Tro Breiz, par rapport aux autres chemins de pèlerinage que vous avez parcourus ?
Le Tro Breiz se singularise par son tracé circulaire. Or, dans de nombreuses civilisations, notamment chez les Celtes, le cercle est un symbole de perfection, de purification et de protection. Ayant effectué auparavant de nombreux pèlerinages linéaires, j’ai expérimenté la spécificité de ce parcours circulaire : on n’a pas un lieu à gagner mais une boucle à boucler en reliant sept évêchés. A l’arrivée, on a un sentiment d’accomplissement, et on ne ressent donc pas la nécessité de le refaire. En effectuant le tour de la Bretagne, on a fait un grand pas dans notre pèlerinage de la vie. Pour ma part, bien que je sois Bretonne, j’ai découvert une Bretagne intérieure que je ne connaissais pas, qui ne passe ni par les circuits touristiques, ni par le sentier du littoral. J’ai particulièrement apprécié la traversée des monts du Mené et des monts d'Arrée, régions assez désertiques qui portent à la méditation. Ce Tro Breiz est donc bien plus qu’une randonnée : c’est une magnifique invitation au voyage intérieur.
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