Il ne faut jamais bouder son plaisir. La cérémonie d’ouverture des Jeux de Paris, malgré une pluie solidement installée, ne fut pas un échec. Elle a compté des moments étonnants avec les miracles de la pyrotechnie, d’autres sublimes avec Céline Dion, et même des émotions profondément heureuses quand Zinedine Zidane, dans un style très Chirac, a communiqué son bonheur à la foule. Zidane, Chirac, oui, nos jeunesses ont été heureuses, nous étions en train de l’oublier !
Un pot-pourri arrogant
Mais quelque chose clochait, pourquoi ne pas le dire ? Quitte à passer pour un de ceux qu’Anne Hidalgo appelait élégamment ces dernières semaines les "peine-à-jouir", par ce qu’ils osaient l’interroger sur la logistique des Jeux olympiques, j’avoue que ce spectacle d’un soir, s’il ne m’a pas déçu, m’a déplu. Déplaire est une affaire autrement grave que décevoir.
M’a déplu la leçon de morale que l’Occident décadent a offert au monde entier. C’est toujours la même histoire, toujours le même colonialisme : on assène des principes moraux aux peuples inférieurs. Aujourd’hui, ces principes s’appellent LGBT. Qu’ils blessent des milliards de personnes, les personnes les plus pauvres et les plus nombreuses du monde, cela n’a pas fait hésiter les organisateurs. Il fallait sacrifier à l’air du temps tel qu’on le perçoit dans ce petit univers qu’est devenu notre société occidentale et urbaine. Les chorégraphies provocantes, la vulgarité, la violence dans l’affirmation des vérités libertaires ont conduit à présenter un pot-pourri arrogant. Je ne parle pas des scènes de décapitation censées figurer la liberté : tous les Samuel Paty du monde auront apprécié.
Les lubies du moment
La confusion des sexes, les hommes habillés en femmes, les femmes en hommes, les provocations transgenres sur les scènes de spectacles, saint Jean Chrysostome y avait déjà vu, au IVe siècle, le signe de la décadence de la civilisation romaine. Ce vendredi 26 juillet, elles figuraient la mort de la civilisation européenne offerte en spectacle au reste du monde, dont on s’étonne qu’il ait désormais envie de regarder ailleurs.
M’a déplu aussi cette obsession de vouloir trop dire et trop prouver quand j’espérais un peu de sobriété et d’humilité. Et aussi le refoulement brutal de cette vertu aujourd’hui méprisée qu’on appelle le bon goût. J’admets qu’on préfère présenter Olympe de Gouges et Louise Michel plutôt que Geneviève et Jeanne d’Arc quand il s’agissait de raconter Paris, mais je déteste la prétention impuissante à tout faire tenir dans les lubies du moment. La sororité, d’accord, mais avec un peu de douceur. La rage et la haine à quoi se résumait la chorégraphie mécanique des centaines de danseurs répartis sur des barges (il est vrai qu’ils sortaient tout juste d’un préavis de grève en ayant arraché à l’État tout ce qu’ils lui demandaient) m’a semblé interminable. Sans doute suis-je trop vieux pour goûter certaines gesticulations répétitives. La provocation ne remplacera jamais le talent.
Cette soirée brillante et humide a sonné comme le générique de fin de la culture française qui d’ailleurs n’existe pas, nous a-t-on expliqué.