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Nettoyage social dans le Paris des Jeux olympiques

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Des grilles ont été installées dans Paris pour délimiter des zones de sécurisation des Jeux olympiques, juillet 2024.

Benoist de Sinety - publié le 21/07/24
Curé-doyen de la ville de Lille, le père Benoist de Sinety dénonce le "nettoyage social" pratiqué en Île-de-France pour cacher les pauvres de la capitale. 

Dans le camp retranché parisien, s’ouvrent donc bientôt les Jeux olympiques. Cela fait des semaines que la flamme traverse nos villes et nos campagnes, dans une émotion collective entretenue avec brio par les images qui, depuis l’arrivée marseillaise à bord du Belém, prouvent le savoir-faire des preneurs de vue et des réalisateurs. La messe célébrée ce vendredi 19 juillet dans une église de la Madeleine devant l’élite olympique, fut un moment où se dit bien le vertige de notre époque : devant un parterre réduit mais sans doute beaucoup de téléspectateurs et auditeurs, la célébration débuta par la lecture d’un message du Pape dans lequel il était rappelé la joie du Saint-Père que l’Église à Paris n’ait pas "oublié les personnes les plus vulnérables, en particulier celles qui se trouvent dans une situation de grande précarité, et que l’accès à la fête locale leur soit facilitée".

"Nettoyage social"

Il est vrai que l’Église diocésaine a déployé, ainsi que dans d’autres diocèses accueillant les épreuves, une grande énergie pour permettre aux plus modestes de goûter à quelque chose de la liesse à venir. Mais il y a cependant une question dont on se garde bien, en France, de se faire l’écho. Sans doute pour ne pas gâcher le plaisir qui s’annonce... Coïncidence probable : ces derniers mois, ce sont plus de 12.000 personnes qui ont été expulsées de la capitale, notamment les plus précaires, parmi lesquels nombre de migrants. Le 3 juin dernier, le collectif "Le revers de la médaille" dénonçait la volonté d’invisibiliser la pauvreté par un "nettoyage social". 

Toutes les métropoles accueillant des évènements prestigieux font ainsi la chasse aux pauvres, mendiants, errants.

Contre leur gré, et donc en contravention avec le droit le plus élémentaire, exactement 12.545 personnes dont 3.434 mineures, ont été dispersées en dehors de la région Île-de-France. Des témoignages publiés dans le New York Times ces derniers jours le signalent avec gravité : non seulement les personnes ont été déplacées de force, mais nombre d’entre elles se sont retrouvées, du fait de leur situations irrégulières, encore plus abandonnées là où on les a envoyées et où nul ne les attendait. Parmi elles, nombre de familles avec des jeunes enfants. Le phénomène n’est pas nouveau : toutes les métropoles accueillant des évènements prestigieux font ainsi la chasse aux pauvres, mendiants, errants. Ils gâchent un peu le lustre dont nous rêvons de nous parer et entachent aussi la frivolité de cette fête que nous aimerions ne jamais avoir à regretter. Les bouquinistes ont eu droit à la grâce présidentielle : les plus pauvres en ont été exemptés. 

Sans aucune concertation

Ce que reproche le collectif, c’est surtout la non-préparation de ces départs : aucune concertation. On ne prend plus le temps de parler, de rencontrer et d’abord d’écouter. C’est sans doute le plus frappant dans la violence systémique dans laquelle notre pays s’est enfermé : il n’y a plus de temps pour la rencontre, pour l’écoute, pour la discussion. On agit sur l’individu avec une brutalité souriante, protégée par une lumière médiatique qui se refuse à dévoiler les ombres pour ne se focaliser que sur le brillant. C’est sympa de voir une ministre glisser dans la Seine et une maire finir par y faire quelques brasses, le long de quais débarrassés des centaines de tentes qui les recouvraient, il n’y a pas si longtemps, et dont personne ne songe à s’interroger sur la destinée de ceux qui s’y réfugiaient alors. C’est chouette de voir ces magnifiques plans en plongée et contre-plongée des monuments parisiens couverts de couleurs et de fastes... Mais personne ne s’interroge sur la disparition du brave gars qui, il y a quelques mois de cela, tendait la main aux touristes et clients des restaurants chics et chers qui les peuplent désormais.

Le prochain le plus précieux

En septembre, nous applaudirons les athlètes handicapés qui accompliront des prouesses sous nos yeux éberlués, mais aurons-nous encore la mémoire des estropiés qui frappaient aux fenêtres de nos voitures Porte de la Chapelle ? C’est la grâce de l’Église de ne pas se laisser impressionner par ce qui scintille et de rappeler à une société que l’on veut décerveler, que l’essentiel ne se trouve ni dans l’or ni dans l’argent, ni même dans le bronze, mais dans le cœur de nos vies. "Là où se trouve votre trésor, là aussi se trouve votre cœur" (Mt 6,21), rappelle Jésus à ses disciples. Le prophète est celui qui rappelle à temps et contretemps, y compris dans les péchés de sa vie, que c’est bien le prochain qui est le plus précieux. Et que le plus pauvre est aussi le plus prochain. "Quand tu donnes un déjeuner ou un dîner, n’invite pas tes amis, ni tes frères, ni tes parents, ni de riches voisins ; sinon, eux aussi te rendraient l’invitation et ce serait pour toi un don en retour. Au contraire, quand tu donnes une réception, invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles ; heureux seras-tu, parce qu’ils n’ont rien à te donner en retour : cela te sera rendu à la résurrection des justes" (Lc 14,12-14).

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