Qui ne s’est jamais réjoui, après une randonnée harassante ou une journée de visite éreintante, de trouver un peu de fraîcheur et de quiétude en poussant la porte d’une église ? Ce petit réflexe, des millions de touristes l’ont chaque année. Visiter une ville ou traverser un village bien sûr, mais jamais sans oublier de s’arrêter dans la chapelle, l’église ou la cathédrale. Derrière cette habitude qui peut sembler une évidence, c’est l’investissement de centaines de laïcs qui se cache. Ouverture des édifices autant que possible, fraîcheur des fleurs disposées à l’intérieur, mise à disposition de supports pédagogiques… Tous les moyens sont bons pour favoriser une rencontre. "Beaucoup de gens qui ne se disent pas particulièrement croyants visitent l’église du coin, lors de leurs vacances. Ils aiment s’y rendre, même quelques minutes", assure à Aleteia Pascale de Barochez, chargée de mission à la pastorale des réalités du tourisme et des loisirs (PRTL). "Il y a un attachement sur lequel il faut capitaliser."
Peu connue du grand public – et même des fidèles – cette pastorale existe depuis les années 1950. Elle a été pensée peu après la Seconde Guerre mondiale avec pour objectif que les personnes profitent pleinement de leur temps libre, leurs vacances, pour se reposer, mais aussi pour grandir dans la foi. "L’Église considère que ce temps de vacances n’est pas un temps vide mais un temps habité, de réception, de perception et de transcendance." Elle compte aujourd’hui une cinquantaine de déléguée diocésains et on estime entre 800 et 1.000 le nombre de laïcs investis. Mais le travail de sensibilisation est loin d’être achevé. "Certains évêques estiment qu’ils ne sont pas dans un territoire touristique… mais au contraire ! Même si les touristes ne s’arrêtent qu’une après-midi, il est fort probable qu’ils passent visiter l’église."
Une "pastorale du dialogue"
La pastorale du tourisme, "c’est d’abord la pastorale du dialogue". Et pour que celui-ci puisse se nouer, il est d’abord essentiel… que les lieux en question soit ouvert ! Une nécessité dont le père René Cougnaud, prêtre du diocèse de Luçon (Vendée) est convaincue. "Je me suis toujours assuré que toutes les paroisses par lesquelles je suis passé comme curé étaient ouvertes tous les jours et toute la journée", assure-t-il. "J’ai demandé à des bénévoles de s’investir dans cette mission. Ils déterminent un tour d’ouverture et de fermeture." Actuellement curé de neuf églises et d’une chapelle, il ne déroge pas à sa règle ! "Quand je pars moi-même en vacances, je trouve cela désagréable de trouver porte close. Qu’est-ce qu’une église fermée dit de notre Dieu ?", s’interroge-t-il.
Dans un petit village du Loiret, faute de bénévoles disponibles, c’est au gérant du café situé en face de l’église, de confession musulmane, que les clefs de l’église avaient été confiées il y a quelques années. "Et cela fonctionne encore aujourd’hui", confirme Pascale de Barochez. "On peut admettre que l’église ne soit pas tout le temps ouverte mais il doit y avoir un panneau d’affichage indiquant les horaires et les jours d’ouverture. Car même si les personnes qui trouvent porte close le jour de leur visite ne pourront s’y rendre plus tard, elles savent que l’église en question est vivante." Dans un petit village de Bretagne Simone, septuagénaire jamais avare d'un bon mot ou d'un coup de main, veille depuis trente ans sur une chapelle consacrée à saint Joseph qui se trouve à quelques mètres de sa maison. Elle nettoie, ouvre et fleurit tous les jours que Dieu fait ce lieu auquel elle est profondément attachée. Un dévouement simple, discret mais ô combien précieux.
Responsable du service de la pastorale du tourisme des réalités du tourisme et des loisirs du diocèse de Clermont Ferrand, Anne Lhospitalier souscrit pleinement à cette nécessité et y voit un profond enjeu d’évangélisation. "Quel est l’enjeu ? Que les églises soient ouvertes mais qu'il y ait aussi une présence", résume-t-elle. "Quand un touriste entre dans une église, il a une attente, elle est plus ou moins consciente et plus ou moins spirituelle mais elle existe." Au sein de son diocèse, elle s’est assurée que chaque paroisse, qui peut compter plusieurs clochers, dispose d’une personne référente, soit une trentaine de personnes au total. "C’est parfois difficile de trouver des bénévoles mais celles et ceux qui s’engagent le font avec passion." Ils assurent l’ouverture et la fermeture du bâtiment mais se rendent aussi disponible pour fournir quelques explications sur l’architecture, le mobilier… "Il y a une forme d’évangélisation et de transmission : nous semons des petits cailloux sur le chemin de la quête spirituelle des visiteurs mais nous constatons aussi que ces derniers n’ont bien souvent plus les codes et les connaissances, ils ne savent pas forcément ce qu’est un tabernacle, un autel etc."
Anne Lhospitalier s’est aussi occupée, au sein de sa paroisse, du fleurissement de l’église. "Lorsque je faisais un bouquet, je me mettais à l’entrée de l’église", se rappelle-t-elle. "C’est un matériau agréable à regarder et cela incitait souvent au dialogue. Et puis, cela donne une impression de vie, d’une communauté vivante !". Au niveau du diocèse, elle gère l’édition et la diffusion de plusieurs dépliants présents dans toutes les églises. "À Noël le petit dépliant donne une explication de la crèche, de Noël, l’étoile du berger, les santons... Dans celui de Pâques, les explications portent sur la Semaine sainte ou encore la résurrection", détaille-t-elle. "L’été, nous proposons un dépliant "Découvrez nos églises" qui liste les églises avec les horaires d’ouverture ce qu’il y a de caractéristique dans chacune ainsi que les numéros de téléphone à contacter pour des visites plus fouillées."
Et elle ne manque pas d’idée pour dynamiser son diocèse. "Les touristes qui entrent dans les églises aujourd’hui n’attendent plus les mêmes choses qu’il y a dix ans. Ils n’ont plus les mêmes codes. Il faut leur proposer des choses plus ludiques, plus modernes", confie-t-elle. Son projet ? Monter un site sur lequel des podcasts seront déposés avec des commentaires architecturaux et spirituels des éléments à voir. Dans les églises en question, les touristes n’auront plus qu’à scanner les QR code. De nouvelles manières de faire connaître sa foi et son patrimoine qui viennent habilement compléter celles qui existent déjà. À Orléans, Pascale de Barochez est aussi bénévole à l’église Saint-Aignan. "Il n’y avait pas de messe le dimanche mais uniquement lors de quelques grandes fêtes", confie-t-elle. "L’évêque m’a donc missionné avec d’autres bénévoles pour en assurer l’animation. Cela passe par l’organisation d’expositions, de concerts, de conférences autour de la culture chrétienne", détaille-t-elle. "Nous avons également réalisé un dépliant en sept langues pour accueillir au mieux les touristes." Avant de conclure : "Nous avons tant de trésors à partager ! Pourquoi les cacher ?"