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La course à la performance a-t-elle une fin ?

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Pierre d’Elbée - publié le 04/07/24
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La mesure de la performance est un casse-tête : faut-il mesurer les résultats ou les compétences ? S’il faut un équilibre, estime le consultant Pierre d’Elbée, il est urgent de réconcilier le monde de l’entreprise et du travail avec la vulnérabilité des personnes pour entrer dans une performance qui sert le bien de tous.

Qu’y a-t-il de commun entre l’athlète Louise Boulent qui "signe une performance majuscule" avec un saut à la perche de 4 mètres 35, "les indicateurs de performance" des entreprises et le spectacle de Renaud Capuçon avec son violon imprimé en 3D qui, selon France Info, "enchante le Jardin des plantes lors d’une performance exceptionnelle" ? Le mot est utilisé partout, dans le monde sportif, économique, artistique et même politique ! Il provoque pourtant des réactions contrastées : certains détestent le concept, estimant qu’il ne laisse aucune place à la vulnérabilité, l’erreur, l’imperfection, et qu’il s’attache au résultat sans tenir compte des personnes. D’autres le servent avec conviction, car ils y voient une condition sine qua non de qualité pour être reconnus, exister et progresser. 

Le cheval de la performance

Voici déjà quinze ans, la société Caminno avait demandé à des chefs d’entreprise, des sportifs de haut niveau, des éducateurs, des écrivains, des psychologues ou encore des philosophes, d’apporter leur témoignage et leur réflexion sur le sujet. Tout récemment, elle leur a proposé de relire et commenter leurs points de vue sur la performance, pour les rassembler dans un livret titré Slow ! De la quête de performance à la quête de sens et de vie. Cette démarche est unique et passionnante. 

La performance est la conséquence d’une excellence. 

Savez-vous que pour le Littré, le mot performances provient de l’anglais et se met toujours au pluriel ? Il est d’abord "employé dans la langue du turf pour indiquer le tableau des épreuves subies dans l’hippodrome par un cheval de course". Des courses de chevaux, il s’est étendu au sport, puis aux véhicules, en particulier aux avions, et finalement à toutes les machines dont il évalue le rendement. La performance concerne le résultat d’une épreuve, le succès du cheval qui arrive le premier, la quantité et la qualité de feuilles produites par une imprimante, l’exploit visible du sportif, les indications chiffrées et factuelles d’un véhicule, sa vitesse, sa reprise, sa consommation, sa sécurité, etc. En ce sens, la performance désigne la mesure observable d’un résultat, exprimée sous la forme d’indicateurs pour évaluer la vitesse d’un coureur, la longueur ou la hauteur d’un saut ou la rentabilité d’un projet. La performance est la conséquence d’une excellence. 

Le management par la performance : des moyens ou des résultats ?

Comment aborder la performance managériale ? Le livret de réflexions Slow ! distingue le management par les moyens et le management par les résultats. La performance d’un collaborateur doit-elle être évaluée sur les moyens qu’il a engagés ou sur les résultats obtenus ? Pas facile d’arbitrer : le collaborateur peut "faire tout ce qu’il peut" sans résultats valables, ce qui n’est pas vivable sur le long terme. Il peut à l’inverse obtenir d’excellents résultats en travaillant en solo, au détriment de l’équipe, ce qui détruit la solidarité et risque fort de nuire à la performance globale… La performance la meilleure est forcément un équilibre entre les deux, même si l’on remarque que la culture anglo-saxonne privilégie la performance du résultat et la culture européenne celle des moyens. Cet équilibre sert une performance globale qui vise le succès de tous et pas seulement celui de quelques-uns. 

Quid des personnes jugées "non performantes" ?

Les personnes handicapées ne peuvent pas être évacuées d’une philosophie de la performance. Certaines personnes ne pourront jamais faire valoir des capacités opérationnelles exceptionnelles, d’autres seront toujours inadaptées à un monde d’efficacité pure : c’est là un obstacle sérieux à une vision humaine de la performance. On observe que notre monde s’est durci. On y fait volontiers l’apologie de l’indépendance, de l’autonomie. "Les entreprises ont “processisé” et “désaffectivé” les relations pour plus d’efficacité. Face à cette déshumanisation, les personnes se clivent, le monde se réfugie dans le virtuel" remarque à juste titre François de Montfort dans Slow !

Il est urgent de réconcilier le monde de l’entreprise et du travail avec la vulnérabilité des personnes. Des initiatives existent déjà sur le sujet. Cette réconciliation établit une nouvelle connexion avec tous les autres, mais aussi avec soi-même. On ne travaille plus en solo pour des résultats, mais avec des personnes pour un collectif. On sort de la performance sélective et implacable des process pour entrer dans une performance qui sert le bien de tous. Une façon de rappeler que la performance, parce qu’elle est de l’ordre des moyens, ne devient légitime que si elle sert un bien commun supérieur. N’oublions jamais le savoureux proverbe africain : Seul, on va plus vite. Ensemble, on va plus loin ! 

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