Onze jours après l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale qui a plongé le pays dans l’incertitude, les évêques de France ont finalement décidé de prendre la parole, ce jeudi 20 juin. À l’image de la société française, beaucoup de catholiques pris de court par les événements sont tiraillés par les enjeux de ce scrutin qui s'annonce historique. Certains attendaient la parole de leurs évêques, espérant obtenir des clés de discernement pour les aider à faire leur choix. D'autres la redoutaient. Jusque-là, seuls quelques évêques, individuellement et timidement, avaient osé le faire. Dès le 10 juin, les évêques du Nord (Arras, Lille, Cambrais) cosignaient un communiqué invitant les fidèles à ne pas tomber “dans la nostalgie, la victimisation de soi ou la quête d’un bouc émissaire”. Mgr Bruno Valentin, évêque de Carcassonne et Narbonne, de son côté, s’était exprimé sans donner de consignes de vote, encourageant surtout à "renoncer à toute attente messianique vis à vis de nos élus".
A travers son Conseil permanent, la Conférence des évêques de France (CEF) a publié une courte déclaration "au sujet de la situation en France" introduisant une prière pour le pays. La CEF se garde bien de donner une consigne de vote aux fidèles et les indices laissant transparaître une inclinaison particulière sont bien maigres. Les évêques respectent là scrupuleusement la liberté de conscience des fidèles. Une attitude qui diffère quelque peu de ses positions antérieures, et qui lui ont souvent été reprochées, en particulier lors du second tour de l'élection présidentielle de 2022 qui opposait Jean-Marie Le Pen (FN) à Jacques Chirac, le président sortant. Sans être explicite, la CEF avait subtilement appelé les fidèles "à la sérénité plutôt qu'à la peur".
Se tourner vers la prière
Cette fois, pour les élections législatives, alors que le vote des catholiques, réputé modéré, aux élections européennes semble s'être durci, à l'instar de celui de tous les Français, la CEF préfère appeler les catholiques à se responsabiliser comme citoyens et ne pas attribuer "le malaise social" uniquement "à des décisions politiques". Pour l'institution, ce malaise "tient aussi à l’individualisme et à l’égoïsme dans lesquels nos sociétés se laissent entraîner depuis des décennies, à la dissolution des liens sociaux, à la fragilisation des familles, à la pression de la consommation, à l’affaiblissement de notre sens du respect de la vie humaine, à l’effacement de Dieu dans la conscience commune". Plus que des consignes, c'est donc plutôt à une analyse de la situation que se livrent les évêques, osant même se projeter au delà du second tour dont les résultats sont toujours aussi incertains selon de premiers sondages : "Demain, le 8 juillet, quels qu’auront été nos choix électoraux, nous tous Français, nous aurons encore et toujours à respecter nos concitoyens qui auront d’autres opinions que les nôtres et à œuvrer ensemble à la continuité et à l’amélioration de notre vie sociale commune."
Rappelant que ces élections "ne résoudront pas tout", et que "les parlementaires et responsables politiques ne peuvent pas tout" les évêques invitent d'abord les fidèles à l'espérance, en se tournant en premier lieu vers la prière. Demandant l'intercession de sainte Thérèse de Lisieux et sainte Jeanne d'Arc, patronnes de la France, les catholiques sont incités à demander à Dieu "de discerner correctement ce qui est juste". "Viens, Esprit-Saint, éclairer ceux et celles qui seront choisis comme députés ou auront à gouverner notre pays", poursuit la prière jointe au message. "Qu’ils puissent ensemble chercher le meilleur pour nous tous. Imprime en eux un grand sens du service du bien commun". Chacun est appelé à s'associer à cette prière, qui sera imprimée sur les feuilles paroissiales et lues au cours des messes dans les prochains jours.