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Agir politiquement dans un monde qui ne croit plus

Affiche de campagne pour les élections législatives en approche le 30 juin 2024.

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Charles Vaugirard - publié le 20/06/24
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Comment être actif en chrétien dans une cité sans Dieu ? L’essayiste Charles Vaugirard, spécialiste de la pensée politique du bienheureux Frédéric Ozanam, développe plusieurs pistes inspirantes dans son dernier essai : "Agir en chrétien dans un monde qui ne croit plus".

Minoritaire ou non, le catholique demeure "dans le monde" sans être "du monde". Si son action politique est liée au poids réel du christianisme dans la société, sa mission dans la société relève en premier lieu de l’évangélisation, c’est ce qu’a compris Charles Vaugirard. Il explique à Aleteia comment la responsabilité politique du catholique trouve son sens dans le rapport de sa foi au monde et de la notion de Royaume de Dieu.

Aleteia : Dans un monde qui ne croit plus en Dieu, les chrétiens ont-ils toujours une mission politique ?
Charles Vaugirard : La mission politique des chrétiens est rendue beaucoup plus difficile dans la France déchristianisée d’aujourd’hui. Avec 29% de Français se reconnaissant comme catholiques, nous assistons à l’effondrement d’un catholicisme culturel. Le message chrétien est de moins en moins audible, surtout pour les graves questions dites de société (euthanasie, avortement, "mariage pour tous", etc.). La société a muté et par exemple l’avortement est devenu une sorte de dogme, qui a été récemment sacralisé comme un droit par sa constitutionnalisation à une écrasante majorité au Congrès. Bien sûr, s’engager en politique est toujours possible et cela reste un bel engagement, mais sans se bercer d’illusions. Quelles sont les priorités ? Se battre contre la légalisation de l’euthanasie et la GPA, bien sûr, pour témoigner. Mais il ne faut pas non plus "absolutiser" ces questions. Économie, action sociale, écologie, il y a d’autres thématiques politiques où nous pouvons agir, notamment dans les collectivités locales. Même isolé, en travaillant avec des groupes majoritairement non-chrétiens, on peut faire du bien. Pour être efficace, il faut aller plus en profondeur, à une strate moins "politicienne" et plus au cœur de la Cité. 

L’engagement politique des chrétiens aujourd’hui demande de "revenir aux fondamentaux", expliquez-vous. Que voulez-vous dire ?
Nous traversons une crise très grave qui questionne les chrétiens sur leur rapport à la société. C’est quand les choses vont très mal que nous devons revenir aux fondamentaux, c’est-à-dire à l’Évangile. Or, le cœur de la prédication n’est pas sans évoquer quelque chose de politique : le Christ est venu annoncer le Royaume de Dieu. Qu’est-ce que ce Royaume ? Non un "État chrétien", car il n’est pas de ce monde, mais il est bien dans le monde. C’est un Royaume invisible qui existe à travers nos actes, nos vies, y compris nos actions dans la Cité que ce soit en politique, dans la société civile ou dans notre voisinage. C’est justement dans cet enseignement biblique du Royaume de Dieu que se trouvent ces fondamentaux auxquels les chrétiens doivent revenir pour comprendre leur mission et leur juste place dans la France qui ne croit plus. 

Le vote est un acte important qu’il ne faut ni négliger, ni absolutiser. Quand on ne vote pas car on trouve les candidats trop imparfaits, on laisse en réalité d’autres choisir à notre place et cela profite souvent au pire.

Faute de pouvoir influencer la vie politique, dites-vous, les chrétiens doivent agir dans la société, mettre en œuvre une "amitié politique", être des "tâcherons de la charité", "servir la vérité". Quelles initiatives vous semblent répondre à cette nécessité ?
L’action des chrétiens dans notre société qui ne croit plus repose sur cet approfondissement de la notion de Royaume de Dieu. Cela repose sur la charité la plus concrète : d’abord avec nos frères chrétiens dans des communautés de base renforcées, plus organisées, plus fraternelles. La vie chrétienne ne se limite plus à une présence le dimanche matin au milieu d’inconnus où on file en vitesse après l’envoi ! Ce doit être une vraie communauté chrétienne chaleureuse qui donne envie aux convertis de s’y intégrer et d’y rester. Cette fraternité ressemble beaucoup à l’amitié politique d’Aristote, la philia. Une paroisse fraternelle, c’est déjà très politique. Ensuite, agir très concrètement dans la société. Ce que nous ne pouvons pas faire dans les institutions de la République, faisons-le dans la société civile. J’aime beaucoup la formule d’Erwan le Morhedec des "tâcherons de la charité" : si l’euthanasie est légalisée, nous devrons la combattre en visitant les malades en soins palliatifs, par une action humble et locale de la charité. C’est valable pour toutes ces questions sociétales qui sont la conséquence de l’individualisme : seule la charité peut y répondre, avec humilité. Enfin, le service de la vérité : la déchristianisation est la conséquence de la massive perte de foi de nos contemporains. Nous devons y répondre en agissant notamment sur les causes de cet athéisme : par la défense de la foi par la raison, nous pourrons les faire douter de leur incroyance. Si Dieu donne la foi, nous pouvons aider nos contemporains à accueillir cette grâce en leur donnant des raisons de croire, et il y en a beaucoup ! Cela s’appelle l’apologétique, l’Église l’a toujours pratiquée sauf depuis quelques décennies. Certains y reviennent, encourageons ce mouvement ! Tout ceci, le bienheureux Frédéric Ozanam l’a fait au début du XIXe siècle, quand la France était déchristianisée mais où l’Église s’est fortement renouvelée. Suivons donc la "méthode d’Ozanam". 

Comme tous les Français, les chrétiens vont être appelés à voter lors des prochaines élections législatives.  Quelle place le vote a-t-il dans leur responsabilité politique ?
Le vote est un acte important qu’il ne faut ni négliger, ni absolutiser. Quand on ne vote pas car on trouve les candidats trop imparfaits, on laisse en réalité d’autres choisir à notre place et cela profite souvent au pire. En votant on peut contribuer au bien… ou au mal, d’où l’importance d’un discernement sérieux. Le discernement pour ces élections législatives surprises est peut-être l’un des plus difficiles de ces dernières années. Je vois personnellement trois extrêmes : l’extrême-gauche, qui milite pour toutes les transgressions par des lois sociétales jusqu’à l’outrance, et qui entretient des liaisons dangereuses avec des dictateurs étrangers ainsi que des milieux islamistes et antisémites. L’extrême-centre d’Emmanuel Macron, qui défend une loi extrême sur l’euthanasie. L’extrême-droite, qui n’a pas hésité à voter la constitutionnalisation du droit à l’avortement, et qui tient un discours guère évangélique sur l’immigration, qu’il faut certes contrôler, mais sans non plus tout fermer. Ce qui rend l’exercice réalisable est qu’il s’agit d’un mode de scrutin uninominal : dans chaque circonscription, le contexte est différent. On vote plus pour une personne que pour un parti. Un candidat très libre dans son parti et qui donne certaines garanties sur de graves sujets peut être le bon candidat pour un électeur chrétien. En somme, il faut bien étudier le profil des candidats de sa circonscription.

Propos recueillis par Philippe de Saint-Germain.

Pratique :

Agir en chrétien  dans un monde qui ne croit plus, Pierre Téqui éditeur, mai 2024, 132 pages, 11,90€
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