Une coalition éclectique au service de la protection des femmes et des enfants, de la dignité humaine, de la justice et de l’éthique ! Voilà résumé en quelques mots l’événement le plus récent sur le front de la GPA. Oui, une fronde mondiale continue de prendre vie. Et c’est une bonne nouvelle. Début avril, s’est tenue la conférence de Rome pour l’abolition universelle de la gestation pour autrui. Car même si les pays qui la tolèrent ou l’ont légalisé sont peu nombreux, nous sommes, par cette pratique, face à un réel défi. Cette rencontre dans la Ville éternelle s’inscrit dans la suite et la droite ligne de la déclaration de Casablanca du 3 mars 2023, signée par 100 experts de 75 nationalités, qui appelle les gouvernements à condamner la maternité de substitution, à dépasser la résignation et à prendre des mesures concrètes pour mettre fin à ce commerce qui devrait atteindre 129 milliards de dollars d’ici 2032. Un livre qui détaille les importants travaux de cette coalition, signé du coordinateur de la déclaration de Casablanca Bernard Garcia Larrain, vient de paraître aux éditions Rhin et Danube dans une collection dirigée par Aude Mirkovic, porte-parole de Juristes pour l’enfance, elle-même pierre angulaire de cet édifice précieux.
Mobilisation contre une régression
De plus en plus de voix se lèvent, dans de très nombreux pays, contre cette indigne pratique. Fait notable, on observe une salutaire forme de convergence des luttes. Le programme et les temps d’échanges de cette conférence de Rome des 5 et 6 avril derniers auront uni des personnalités de tous horizons. Des progressistes aux conservateurs, des féministes, des gens de droite comme de gauche, des apolitiques, des athées… "Quand les catholiques, les musulmans, les marxistes et les féministes s’opposent à un même sujet, on sait que c’est très grave !", a posté sur Instagram avec une pointe d’humour et une photo prise dans un restaurant, la féministe suédoise de gauche Kajsa Ekis Ekman. L’auteur de L'Être et la Marchandise : prostitution maternité de substitution (M Editeur, 2013) était l’une des oratrice de ce colloque affichant dans son programme une quarantaine d’intervenants et experts issus d’une vingtaine de pays et des cinq continents (France, Italie, Bulgarie, États-Unis, Allemagne, Suède, Autriche, Nigeria, Colombie, Espagne, Jordanie, Pologne, Chili, Argentine, Uruguay, Vatican...)
Nous sommes évidemment face à un sujet qui devrait rassembler et transcender les clivages politiques, philosophiques ou autres. Peut-on se dire humaniste quand on est favorable à une pratique qui regarde l’humain — femme et enfant — comme un moyen ? Peut-on se dire progressiste quand on est favorable à une pratique entraînant une telle régression humaine ? Peut-on se dire féministe quand on est favorable à une pratique qui mine les droits des femmes ? Soyons clairs, les conditions qui préexistent à un contrat de GPA n’en effacent jamais les contraintes pour les femmes : violences médicales pour mettre en place ces grossesses atypiques, atteintes à leurs libertés, leur intimité, risques accrus d’hypertension, de complications, de souffrances physiques, psychiques, sexuelles, anxiété, dépression… Au fond, tolérer la GPA, c’est accepter les mécanismes d’exploitation des femmes et des enfants qu’elle exige. Et pas seulement des mères porteuses, mais aussi, on les oublie souvent, de celles qui, pour satisfaire ces processus de fabrication, deviennent pourvoyeuses d’ovocytes, la majorité du temps pour de l’argent, au péril de leur santé.
Le témoignage d’Olivia Maurel
C’est ainsi que ce sont retrouvées côte à côte à Rome, malgré leurs prévisibles désaccords sur d’autres sujets, des personnalités comme Julie Bindel, militante lesbienne, féministe radicale anglaise, auteur, cofondatrice du groupe de réforme du droit Justice for Women qui lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants, la jordanienne Reem Alsalem, rapporteuse spéciale des Nations-Unies sur la violence à l'égard des femmes, Jennifer Lahl, fondatrice du Centre for Bioethics and Culture Network, et co-fondatrice du mouvement Stop Surrogacy Now ou encore la militante américaine Katy Faust, chrétienne et conservatrice. La principale porte-parole de la déclaration de Casablanca est désormais la franco-américaine Olivia Maurel, féministe et athée, influente tiktokeuse, elle-même née d’une mère porteuse il y a trente-et-un ans. Depuis qu’elle a enfin compris et découvert la réelle histoire de sa venue au monde, Olivia s’est levée pour militer contre la GPA. Elle raconte avec tout son cœur les souffrances et traumatismes qu’elle porte, et dénonce avec force cette injustice à laquelle elle doit la vie, vie que malgré tout aujourd’hui cette jeune maman de trois enfants chérit.
Son témoignage hors norme possède cette qualité indéniable : il est incontestable. D’autant plus, comme elle l’explique, que beaucoup d'enfants nés de mères porteuses ne s'exprimeront jamais :
Nous, les enfants nés de mères porteuses, avons un énorme conflit de loyauté. Nous avons été achetés, voulus, désirés, fabriqués, et donc, pour la plupart des gens, nous n'avons pas le droit de souffrir et d'être malheureux. Nous devrions nous taire et remercier la GPA pour notre existence, pour être en vie. Non, je ne suis pas d'accord. Nous avons le droit de dire que pour beaucoup d'entre nous, cela nous a foutu en l'air ! Je suis consciente qu'il y a de belles histoires, et je dis même heureusement. J'ajoute qu'aucun enfant n'est absolument condamné à rater sa vie, quelles que soient les circonstances de sa naissance, mais la maternité de substitution inflige une véritable blessure à l'enfant. Le fait que cette blessure puisse être surmontée — ce qui n'est pas facile et demande beaucoup d'efforts et de soutien — n'est pas une raison pour ignorer qu'elle aura été infligée pour satisfaire un désir.
La GPA n’est pas inéluctable
Au parterre éclectique qui l’a écouté, Olivia a partagé sa conviction : "Parfois, les alliances les plus improbables sont celles qui apportent les plus grands changements. Il est temps que nous commencions à forger davantage d'alliances sur ce sujet, pour être plus forts ensemble." Elle a raison. La GPA n’est pas inéluctable. C’est une question de volonté politique, mais, avant cela, d’un combat culturel. Il n’y a pas de sens de l’histoire, juste des hommes et des femmes qui font, ou défont, l’histoire. Continuons ce juste combat, aucun petit pas n’est dérisoire. Et là, de grands pas ont même été accomplis pour réveiller les consciences endormies.