Il y a cinq ans, le 23 mars 2018, mourait de manière héroïque le lieutenant-colonel de gendarmerie Arnaud Beltrame suite à une attaque terroriste dans une grande surface de Trèbes à côté de Carcassonne dans l’Aude. L’officier avait relevé le défi lancé par l’islamiste Radouane Lakdim de prendre la place d’une des caissières du magasin qu’il tenait sous son contrôle, sachant que le preneur d’otage avait déjà abattu deux personnes. En tentant de neutraliser l’assaillant, le gendarme est égorgé par le terroriste et mourra quelques heures plus tard à l’hôpital. Le père Jean-Baptiste Golfier, chanoine de l’abbaye Notre-Dame de Lagrasse qui le préparait à son mariage, lui donnera les derniers sacrements.
Le témoignage du prêtre qui l’accompagnait
Comment estimer la motivation d’Arnaud Beltrame et, cinq ans après, mesurer la fécondité de son geste ? Le père Golfier qui l’a bien connu, puisqu’il le préparait à son mariage, l’a expliqué. L’attitude héroïque de l’officier de gendarmerie, qui avait alors été saluée par la France entière (Jean-Luc Mélenchon qualifiant, à l’Assemblée nationale, son auteur de "héros de la condition humaine"), n’est pas séparable de sa foi catholique.
Pour lui, être gendarme et chrétien commandait une attitude chevaleresque.
Bien que baptisé après sa naissance en 1973, un 18 avril, il faudra à Arnaud Beltrame attendre l’année 2008 pour connaître une véritable conversion lors d’une retraite à l’abbaye de Timadeuc en Bretagne. Celle-ci fait suite à un long cheminement commencé une quinzaine d’années plus tôt sous l’influence d’un ami parachutiste. Certes, toutes les conversions ne conduisent pas à l’héroïsme mais il est clair que, dans l’esprit d’Arnaud Beltrame, le dépassement de soi, qui était déjà dans son tempérament, était consubstantiel à sa nouvelle vie de foi. Pour lui, être gendarme et chrétien commandait une attitude chevaleresque. Il avait d’ailleurs fait sienne la devise des Templiers : "Seigneur, non pas à nous mais à ton nom, donne la gloire" (Ps 113,9).
Des choix déroutants
Pour autant, Arnaud Beltrame a effectué, y compris après sa conversion, des choix déroutants. Tout d’abord, il a mené une vie sentimentale compliquée jusqu’à sa rencontre avec Marielle Vandenbunder, vétérinaire à la réserve africaine de Sigean, avec laquelle il s’est marié civilement en août 2016 et qu’il devait épouser religieusement en juin 2018. Nul doute qu’il avait enfin trouvé la femme de sa vie avec laquelle, elle-même convertie tardive, il avait engagé une préparation au mariage exigeante.
Plus étonnante est, l’année même de sa conversion, son entrée en maçonnerie au sein de la Grande Loge de France. Après sa mort, le grand maître de cette obédience lui a rendu hommage comme l’un de ses membres. Le père Golfier a rapporté qu’Arnaud Beltrame avait pris ses distances avec la franc-maçonnerie plusieurs mois avant sa mort. Il s’était engagé sans savoir qu’il y avait incompatibilité entre l’adhésion à celle-ci et l’appartenance à l’Église. Pour le chanoine de Lagrasse, cette ignorance exonère celui qui a commis ce qui doit être considéré comme une erreur, de l’excommunication applicable en pareil cas. Il faut savoir également que la franc-maçonnerie est très influente dans la gendarmerie où elle constitue bien souvent un accélérateur de carrière. Il est certain que ce point sera réexaminé avec soin si, un jour, devait être engagée une procédure de béatification d’Arnaud Beltrame.
Une belle postérité spirituelle
Car même si, a bien des égards, Arnaud Beltrame est déjà devenu une sorte de saint laïque — 450 villes ont donné son nom à l’une de leurs voies —, on peut aussi lui reconnaître une belle postérité spirituelle. Peu après sa mort, convaincu d’avoir reçu un message de sa part, une jeune fille du nom de Morgane se convertit et reçoit le baptême en 2021. La même année, un médecin de Rennes prie le colonel pour sauver un de ses malades atteint d’un cancer de la lymphe en phase terminale et est exaucé. On sait aussi qu’Henri d’Anselme, le jeune homme qui a sauvé un enfant d’une attaque terroriste à Annecy au début de l’année 2023, a dit avoir agi poussé par l’exemple d’Arnaud Beltrame. Mais le plus touchant reste la démarche entreprise par Julie, la caissière dont l’officier avait pris la place. Elle aussi s’est engagée dans un chemin de conversion, affirmant : "Arnaud a sauvé ma vie pour toucher mon âme." Une vie chaotique achevée de façon lumineuse ne peut pas rester sans conséquence. "La perle naît de la blessure de l’huître" lançait aux jeunes en 2017 le pape François.