Un simple minuteur serait-il le secret d’une prière réussie ? Le fait de consacrer cinq, dix, trente minutes à la prière ou à l’oraison, à l’aide d’un minuteur, permettrait-il de se concentrer davantage sur son cœur-à-cœur intime avec Dieu ? Sans doute. C’est en tout cas les bienfaits vantés et prouvés par la méthode Pomodoro qui consiste à fractionner son temps de travail en périodes de 25 minutes. Une manière efficace d’éviter les distractions en tout genre et de rester concentré sur une seule tâche.
À première vue, cette méthode, en facilitant la concentration, pourrait révolutionner sa vie de prière. En effet, personne n'échappe aux distractions, pas même les saints ! Sainte Thérèse d’Avila en parle comme d’une vraie "infirmité". Elle rapporte que parfois, même dans la solitude, son esprit ressemblait à "un fou que personne ne peut enchaîner". Elle ne pensait "à rien de mauvais, mais seulement à des choses indifférentes". Elle se surprit ainsi, un jour, à compter les clous sur la chaussure de la religieuse qui priait devant elle. Un dossier compliqué, un souci avec un enfant, le menu du prochain repas, des pas chez la voisine du dessus, une notification sur son téléphone (alors qu’on tentait de se concentrer sur la Parole de Dieu sur son appli préférée), tout ceci contribue à nous éloigner non pas de Dieu Dieu merci mais de notre objectif initial qui était de passer un temps "de qualité" avec le Seigneur.
Une prière parfaite avec Pomodoro… ou peu s’en faut !
Or quand on découvre les bienfaits de la méthode Pomodoro, on se dit que ça y est, c’est gagné, plus rien ne pourra nous détourner de nos rencontres avec le Seigneur ! Il s’agit d’une méthode de travail, inventée dans les années 1980 par un Italien, Francesco Cirillo, alors qu’il était étudiant et révisait ses examens. Il utilisait un minuteur (de cuisine, oui oui) en forme de tomate (d’où le nom de la méthode) afin de se focaliser à 100% sur son travail, par tranches de 25 minutes. L’une des conditions pour que la méthode soit efficace ? Ranger son téléphone. Les instructions pourraient sortir tout droit d’un manuel de prière : "Ne gardez pas votre téléphone près de vous. Mettez-le hors de portée, il doit être silencieux et hors de votre vue. Chaque notification, vibration, appel ou message va venir vous extirper de votre bain de concentration", peut-on lire sur le site officiel. Une méthode qui s’est répandue dans le monde entier, et qui est tout particulièrement indiquée aux personnes qui ont tendance à se laisser distraire par les sollicitations extérieures ou à remettre au lendemain ce qu'elles peuvent faire le jour-même. Si un minuteur en forme de tomate résout ces deux problèmes, notre vie spirituelle n’est-elle pas sauvée ?
"Partir à la chasse des distractions serait tomber dans leurs pièges."
L’expérience de vivre une prière parfaite, entièrement tournée vers le Seigneur, sans distraction aucune, est tentante. Néanmoins, l’essentiel n’est pas là. Vouloir à tout prix chasser les distractions de son esprit n’est pas le but de la prière. Il vaut mieux prier avec elles. Sainte Thérèse de Lisieux, qui n’était pas exempte de ces pensées récalcitrantes, montre la voie. Dans son autobiographie, elle avoue humblement qu’il lui arrivait de s’endormir pendant ses oraisons quotidiennes au Carmel, et qu’elle se laissait souvent distraire en pensant à des personnes de son entourage. Dans ce cas, elle en profitait pour prier pour elles : "J’ai aussi beaucoup de [distractions] mais dès que je m’en aperçois, je prie pour ces personnes dont la pensée détourne mon attention, et de cette façon elles récoltent le bénéfice de mes distractions". Une manière de revenir finalement vers Dieu.
"Partir à la chasse des distractions serait tomber dans leurs pièges, alors qu’il suffit de revenir à notre cœur : une distraction nous révèle ce à quoi nous sommes attachés et cette prise de conscience humble devant le Seigneur doit réveiller notre amour de préférence pour lui, en lui offrant résolument notre cœur pour qu’il le purifie", souligne le Catéchisme de l’Église catholique (paragraphe 2729). L’essentiel est de revenir à son cœur et de l’offrir au Seigneur. Là se situe le combat. "Car là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur" (Mt 6, 21).