Quatre mois : c'est le temps que se donne l'Église en France pour connaître l'état du patrimoine religieux catholique dans toutes ses dimensions. Le 22 novembre, dans le cadre des États généraux du patrimoine religieux (EGPR), une "grande enquête nationale" prenant la forme d'un questionnaire de 60 pages a été remise aux évêques. Celui-ci devra être complété au plus tard le 15 mars 2024. Lancés le 12 septembre 2023, les EGPR ont vocation à faire un état des lieux précis du patrimoine affecté au culte catholique, en déterminer les usages et empêcher sa désagrégation.
1Qui va mener cette enquête ?
Si les évêques ont reçu le questionnaire, les recherches seront généralement dirigées par les commissions diocésaines d'art sacré qui se verront confier la coordination de la réponse à cette enquête. Celles-ci auront quatre mois pour compléter l'inventaire autant que possible avant de le restituer.
2Pourquoi une telle enquête maintenant ?
L'Église en France est dotée d'un patrimoine inestimable, mais mal connu. À ce jour, aucun inventaire précis du patrimoine religieux n’est disponible, raison pour laquelle les EGPR se sont emparés de la question. On dénombrerait au total 100.000 édifices religieux, tous cultes confondus (catholiques, orthodoxes, protestants, juifs, musulmans…), actifs ou inactifs, et parmi eux, selon la Conférence des évêques de France (CEF), plus de 42.000 églises et chapelles. "Cette enquête est un des trois outils des États généraux pour mieux connaître le patrimoine religieux dans toute sa diversité, aux côtés des auditions et des rendez-vous de l'agenda. Nous avons des données parcellaires, voire manquantes sur de nombreux points", explique à Aleteia le père Gautier Mornas, responsable du département Art sacré de la CEF et coordinateur des EGPR. "Par exemple, nous n'avons pas de liste officielle des basiliques de France. Cette enquête devrait permettre de les recenser, ainsi que les demandes de transformation en basilique."
3Que va contenir l'enquête ?
Réparti en six volets, l'inventaire soumis aux diocèses de France entend s'intéresser au patrimoine religieux dans toutes ses dimensions : biens immobiliers, mobiliers, mais aussi le patrimoine immatériel.
Pour ce qui est du patrimoine immobilier, l'inventaire aura vocation à répondre aux questions suivantes : à qui appartiennent les édifices ? S'il s'agit d'une église construite avant 1905, la propriété est celle des communes, si tel n'est pas le cas, elle est diocésaine. Combien d'églises du diocèse ont subi les dommages des deux guerres mondiales ? Ont-elles été reconstruites a posteriori ? Ce volet permettra notamment d'aborder la question cruciale des éventuels nouveaux usages des édifices qui ont été désaffectés et d'en connaître le nombre exact. L'inventaire pose également la question de la sécurité des églises dans un contexte de regain d'actes de vandalisme et de profanation.
Notion introduite par l'Unesco, le patrimoine immatériel désigne en l'espèce "les traditions, les us et coutumes tirés de l'histoire de l'Église et rendues actuelles par une pratique contemporaine", détaille le père Mornas. Cette enquête est donc l'occasion d'en savoir un peu plus sur ces traditions qui font vivre la pastorale et la mission. Pèlerinages, ostensions, processions, pardons locaux, crèches vivantes, rogations... Tous sont des moyens, souvent multiséculaires, de transmettre la foi catholique. "Votre diocèse connaît-il des fêtes patronales au retentissement large ?", "Votre diocèse est-il traversé par un chemin de pèlerinage ?", "Comment l'ensemble de ce patrimoine est-il valorisé ?", sont autant de questions posées aux commissions diocésaines d'art sacré.
4À quoi vont servir ces informations ?
Si l'inventaire remplit bien évidemment une mission d'information et de connaissance pures du patrimoine catholique, l'idée est surtout d'appeler à la mobilisation interne sur cette thématique essentielle qu'est la préservation d'un patrimoine multiséculaire, où la foi doit pouvoir vivre. "L'objectif est de pouvoir exploiter les données recueillies pour la mission et la pastorale", rappelle le père Mornas. "Il s'agira par exemple de contribuer à des mises en réseaux entre des édifices liés par un point commun, comme les chapelles et églises décorées par des artistes de renom, ou encore celles consacrées au sport (Notre-Dame de l'Ovalie , la chapelle des sportifs pour les JO 2024, Notre-Dame du Ski à la Toussuire...). C'est un patrimoine qui vit sa pastorale souvent isolément, et dont la mise en réseau permettra de mettre en place une pastorale spécifique."
Autre issue concrète de cette enquête : aboutir à un guide du mécénat du patrimoine religieux en France. Les communes, majoritairement propriétaires des églises, sont chargées d'en assurer l'entretien et la restauration. Bien souvent, une partie des fonds nécessaires manque, ce qui les conduit à chercher une source de financement extérieure. "Elles sont perdues dans le maquis du mécénat. Publier un guide permettrait à tous les maires de savoir plus facilement qui solliciter pour boucler le budget", affirme le père Mornas.