Née à Vérosvres-en-Brionnais le 22 juillet 1647, fille du notaire du bourg, Marguerite Alacoque n’aura pas une jeunesse facile. Elle a sept ans quand son père meurt. Dès lors, sa grand-mère et une tante imposent à la veuve et aux orphelins une tutelle tyrannique dont la fillette, très sensible, souffre beaucoup. L’unique consolation qu’elle trouve à ses malheurs et humiliations est dans la prière et la pénitence. Toute petite, sans bien comprendre à quoi elle s’engage, elle fait vœu de chasteté, se jurant de n’avoir jamais d’autre amour que le Christ. Ce vœu, elle s’y tient en grandissant, attirée par la vie contemplative, attirance que des apparitions de Jésus sous les traits de l’Ecce Homo, l’homme des douleurs, ne fait que renforcer.
Épouse de Jésus
Ses frères, désormais majeurs, ne l’entendent pas de cette oreille et décident de la marier. À 17 ans, Marguerite court donc bals et soirées en quête du beau parti que cherche sa famille. Elle a oublié son engagement enfantin, que le Christ, Lui, a pris très au sérieux, comme Il le lui dit : "Je t’ai choisie pour mon épouse et nous nous sommes promis fidélité lorsque tu as fait vœu de chasteté." Interloquée, Marguerite s’étonne que Dieu "puisse être jaloux de ce misérable cœur" mais il l’est, et ne "se rebute pas de tant de défauts et d’infidélités". Finalement, après avoir résisté aux pressions de ses frères qui l’accusent d’être responsable de la maladie de leur mère par les chagrins qu’elle occasionne en refusant le mariage, la jeune fille, grâce à l’aide d’un prédicateur de passage obtient, en mai 1671, d’entrer à la Visitation de Paray-le-Monial. Elle y prend l’habit le 25 août. Très vite, les extases de la novice dérangent et les supérieures, qui préfèrent "les voies plus ordinaires", l’accable de tâches matérielles pour la ramener sur terre. Elles hésitent à la laisser prononcer ses vœux. Quand elles l’y autorisent, le 6 novembre 1672, Jésus lui affirme qu’elle est désormais son épouse et lui révèle les mystères de sa Passion.
Alors que le monde se refroidit
La vie mystique de la religieuse s’intensifie, déconcertante. Exceptée pour le nouveau confesseur de la communauté, un jeune jésuite, Claude La Colombière, qui prend en charge en 1673 la direction de cette âme à part. À temps pour gérer les apparitions dont Marguerite-Marie bénéficie, à compter du 27 décembre. Ce jour est la fête de saint Jean l’évangéliste et l’anniversaire d’une révélation faite à sainte Gertrude en 1320, selon laquelle la dévotion au cœur de Jésus doit être "réservée à une époque où le monde commencera à se refroidir", concernant le débordant amour du Christ pour l’humanité, symbolisé par la vision de ce Cœur sacré "rayonnant de tous côtés, plus brillant que le soleil et transparent comme du cristal. La plaie qu’il reçut sur la croix y paraissait visiblement. Il y avait une couronne d’épines autour de ce divin cœur et une croix au-dessus". Cette vision s’accompagne de ces mots :
"Mon divin cœur est si passionné d’amour pour les hommes que, ne pouvant plus contenir en lui-même les flammes de son ardente charité, il faut qu’il les répande par ton moyen et qu’il se manifeste à eux pour les enrichir des précieux trésors qui contiennent les grâces dont ils ont besoin pour être tirés de la perdition. Je t’ai choisie comme un abîme d’indignité et d’ignorance pour l’accomplissement d’un si grand dessein, afin que tout soit fait par moi."
On la traitera de folle
Puis le Christ embrase le cœur de sa confidente de l’ardente flamme qui dévore le sien et animera désormais la visitandine d’un amour inextinguible pour son Seigneur, le salut des âmes et la mission qu’il lui donne. D’autres apparitions suivront, en 1674, 75 et 89. Marguerite-Marie paiera ces grâces au prix fort, surtout après le départ du père La Colombière pour l’Angleterre en 1675. On la traitera de folle, et même de possédée. Ses compagnes lui jetteront de l’eau bénite mais Jésus le lui affirme : « Il règnera malgré ses ennemis », victoire qui ne s’obtient pas sans souffrir.
À l’heure où l’esprit scientiste, et les rigueurs jansénistes, veulent discréditer le catholicisme ou le dessécher de l’intérieur, la jeune visitandine, "si sotte que l’on ne croira jamais qu’elle a pu inventer tout cela", ainsi que le lui dit en souriant son Bien-Aimé, est celle à qui revient d’aider à réchauffer un monde qui, bientôt, privé de l’amour divin, mourra littéralement de froid. Une certitude plus de jamais d’actualité qu’il convient de garder à l’esprit à l’approche du 350e anniversaire de la première apparition !