Les cours d’empathie seront, si l’on en croit le ministre de l’Éducation nationale, bientôt dispensés dans les classes de maternelles et de primaire. L’annonce a suscité des réactions diverses. Elles vont de l’effarement au soulagement. Il y a de quoi être effaré : faut-il que l’éducation familiale soit défaillante à ce point ? faut-il que nos enfants soient à ce point en insécurité relationnelle à l’école ? Il y a de quoi être découragé : est-ce possible que l’empathie, ce minimum vital, ce socle premier qui rend la vie de famille vivable ait à ce point déserté la vie de nos enfants ? Car ce sont des enfants avant d’être des élèves. Il y a aussi de quoi être soulagé : enfin l’endurcissement des cœurs et la perte de repères moraux est prise au sérieux.
Face au harceleur
Y a t-il de quoi en rire ? Le cours d’empathie est-il la version habillée des albums de Barbapapa ? L’empathie vient-elle remplacer la bienveillance dont on commence déjà à fatiguer, et qui a elle-même ringardisé la tolérance des années quatre-vingt ? N’en déplaise aux ironiques, le programme adopté depuis vingt ans au Danemark, et testé depuis peu en France, mérite l’attention.
Il s’agit d’un vaste programme de lutte contre l’intimidation à l’école. Il se fonde sur une certitude : l’intimidation, celle qui peut être qualifiée de harcèlement, n’est pas un fait individuel, mais le résultat d’une dynamique sociale au sein d’un groupe. La cause du harcèlement n’est pas à chercher dans le comportement de la victime, et elle ne se réduit pas aux actes du harceleur. Un signe : les appels à l’aide arrivant sur la plateforme téléphonique dédiée au harcèlement proviennent pour 10% des familles d’enfants harceleurs, elles-mêmes désemparées. C’est un phénomène qui relève d’une carence comportementale et éducative globale. D’où la place de la famille et de l’école.
C’est pourquoi le processus développé au Danemark intègre une méthode de préoccupation partagée : face au harceleur, on ne commence pas par accuser l’enfant ou sa famille, qui adopterait un mécanisme de défense ou de déni. On s’adresse à son cœur capable de ressentir et de venir à l’aide : Untel soufre, qu’en penses-tu, que peut-on faire ? Et l’on consulte de la même façon le reste du groupe.
Décliner les actes de la charité chrétienne
Mais surtout, surtout, on relèvera que les conseils, testés et efficaces, donnés par l’organisation danoise Fri for Mobberi ("Délivrés du harcèlement") sont une déclinaison des actes de la charité chrétienne. Quels sont par exemple les conseils donnés aux parents ?
De toutes les vertus, seule la charité restera.
Encourager les enfants à jouer avec différents enfants, et des enfants différents… c’est Jésus entrant chez Mathieu. Parler avec courtoisie et en termes valorisant des autres enfants, des professeurs et des parents, et leur parler de cette manière… c’est saint Paul nous exhortant à être des hommes de bénédiction. Proposer à tous la fête ou l’anniversaire et pas seulement à quelques-uns : on reconnaît les invités à la noce, à la vigne, au festin ou le semeur qui distribue largement. Encourager votre enfant à réagir à une injustice dont il est le témoin : peut-être a-t-il déjà entendu parler… du bon samaritain. Un conseil au professeur ? Ne pas commencer une activité sans avoir accueilli et salué chacun. Tous les saints qui ont eu à cœur d’imiter Jésus connaissent ce regard : "Il le regarda et il l’aima" (Mc 10, 21) ; "Vos noms sont inscrits dans le cœur de Dieu" (Lc 10, 20).
De l’empathie à la charité
La morale évangélique, l’habitude de l’examen de conscience, les paraboles, le pouvoir réparateur de la confession, l’attention au plus pauvre, le caractère unique et infiniment respectable de toute vie humaine, tout ceci semble relever de l’évidence pour les chrétiens. Réjouissons-nous d’avoir su aimer et transmettre par fidélité au Christ ce que d’autres tentent de retrouver dans les contrées danoises, et qu’ils ont bien raison de chercher à enseigner. Il nous reste à faire connaître le Christ à tous les enfants. L’empathie est un sentiment qui en fera des personnes socio-compatibles, c’est déjà ça. La charité est une vertu qui les tournera vers les autres et vers le ciel, Jésus est une personne qui comblera leur cœur et guidera leurs actions tout au long de leur vie, et même après. Et de toutes les vertus, seule la charité restera.