Le Pape a prononcé un long discours pour la clôture des Rencontres méditerranéennes, dans lequel il a, comme attendu, longuement évoqué la question migratoire. François a présenté huit propositions pour sortir de la crise.
Réinitialiser notre logiciel sur la Méditerranée
La première demande du pape est de changer notre regard sur une Méditerranée souvent perçue comme une mer de séparation. "La Mare nostrum est un espace de rencontres : entre les religions abrahamiques, entre les pensées grecque, latine et arabe, entre la science, la philosophie et le droit, et entre bien d’autres réalités", a rappelé le pontife de 86 ans. Il a assuré que la Méditerranée n'était pas en soi "une question conflictuelle, mais une réponse de paix".
Admettre que c'est un phénomène durable
Alors que les côtes italiennes font actuellement face à des arrivées record de migrants, le pape a déploré la fermeture de certains ports. "Deux mots ont résonné", s'est-il attristé : "invasion" et "urgence".
Le pape s'est voulu ferme : "Ceux qui risquent leur vie en mer n’envahissent pas, ils cherchent hospitalité." Il a par ailleurs balayé d'un revers de la main le caractère conjoncturel de cette crise : "Quant à l’urgence, le phénomène migratoire n’est pas tant une urgence momentanée, toujours bonne à susciter une propagande alarmiste, mais un fait de notre temps".
Que l'Europe prenne ses responsabilités
Le pape a alors appelé à une réponse européenne pour gérer ces difficultés "avec une sage prévoyance". Il a pointé du doigt les déséquilibres économiques structurels entre les rives de la Méditerranée. "D’un côté, règnent l’opulence, le consumérisme et le gaspillage et, de l’autre, la pauvreté et la précarité", s'est attristé le pape.
Il a rappelé les "trois devoirs" que le pape Paul VI avait déjà en son temps confiés aux nations les plus développées : "Devoir de solidarité, c’est-à-dire l’aide que les nations riches doivent apporter aux pays en voie de développement ; devoir de justice sociale, c’est-à-dire le redressement des relations commerciales défectueuses entre peuples forts et peuples faibles ; devoir de charité universelle, c’est-à-dire la promotion d’un monde plus humain pour tous".
Le pape a aussi averti que le critère principal dans cette crise ne pouvait être le maintien de son "bien-être" mais bien "la sauvegarde de la dignité humaine".
Assurer un "grand nombre" d'entrées légales et durables
Pour éviter le trafic et « l’exploitation des êtres humains » que le pape a qualifiés de « fléau », le chef de l'Église catholique a expliqué que la solution n'était pas de « rejeter ». Au contraire, il s'agit « d’assurer, selon les possibilités de chacun, un grand nombre d’entrées légales et régulières, durables grâce à un accueil équitable de la part du continent européen, dans le cadre d’une collaboration avec les pays d’origine ». Et le pape de prédire encore : "Fermer les porter pour "se sauver" se transformera demain en tragédie".
Intégrer "oui", assimiler "non"
Le pape a opéré une distinction entre l'assimilation des migrants et leur intégration. Cette dernière est difficile, a-t-il reconnu, mais "elle prépare l’avenir qui, qu’on le veuille ou non, se fera ensemble ou ne sera pas ».
L'assimilation au contraire est "stérile" car elle "ne tient pas compte des différences, […] fait prévaloir l’idée sur la réalité et compromet l’avenir en augmentant les distances et en provoquant la ghettoïsation". Ce phénomène finit par engendrer "hostilité et intolérance", a prévenu le pape.
Favoriser la circulation des étudiants en Méditerranée
Pour faire de la Mare Nostrum un "laboratoire pour la paix ", le pape François a aussi tourné son regard vers la jeunesse et le réseau des universités méditerranéennes. Il s’est réjoui que sur les 35.000 étudiants présents à Marseille, 5.000 soient étrangers.
Par ces rencontres, a-t-il souligné, "on abat les préjugés, on guérit les blessures et on conjure des rhétoriques fondamentalistes". Et d’ajouter encore : "des jeunes bien formés et orientés à fraterniser pourront ouvrir des portes inespérées de dialogue".
Etre "scandaleusement évangéliques
En conclusion de son discours de près de 35 minutes, François s'est adressé plus spécifiquement aux chrétiens, qu'ils ne souhaitent pas voir "en deuxième position en matière de charité". Leur confiant "l'Évangile de la charité" comme "magna charta de la pastorale", le pape leur a donné comme modèle saint Charles de Foucauld, qui avait choisi de tout quitter pour vivre en ermite dans le désert du Sahara aux côtés des Touaregs.
"Dans ce style de vie scandaleusement évangélique, l’Église retrouve le port sûr auquel accoster et d’où repartir", a-t-il promis. Sortant de ses notes, il a demandé que l’Église ne soit pas une "douane" mais une "porte d’Espérance pour les découragés".