En Occident, la foi a grandi et s’est développée au temps de l’Empire romain, et s’est donc imprégnée de la culture et de la langue latines. Elle s’est transmise de génération en génération à travers des expressions, des hymnes et des prières composées par nos prédécesseurs. Sans être attaché à la forme extraordinaire du rite romain, connaître ces locutions latines est une manière de découvrir la foi de nos ancêtres, de comprendre l’origine et le sens de la liturgie, et de s’inscrire dans cette longue chaîne de transmission de la foi. Et puis elles ont l’intérêt de contenir en très peu de mots toute une philosophie de vie chrétienne. Jean Paul II, qui a fait sien le "Totus Tuus" de saint Louis Marie Grignon de Montfort, en est un exemple éclatant.
AAd majorem dei gloriam
"Pour une plus grande gloire de Dieu"
Considérée comme la devise historique des jésuites, l’expression "Ad majorem dei gloriam" (ou AMDG) – dans son intégralité "Ad majorem Dei gloriam inque hominum salutem" : "Pour une plus grande gloire de Dieu et le salut de l'humanité" - est attribuée à saint Ignace de Loyola. Elle contient toute la pensée religieuse de la Compagnie de Jésus, selon laquelle chaque pensée, chaque parole, chaque acte, doivent être orientés vers une seule fin : la gloire de Dieu.
CCrux ave, spes unica
"Salut à la Croix, notre seul espoir"
Prière de dévotion à la Croix de Jésus, "Crux ave, spes unica" s’inscrit dans la tradition à la fois catholique et anglicane. L’expression vient d’un ancien hymne "Vexilla regis prodeunt" ("Au-delà des frontières flottent les bannières royales"), écrit par l’évêque de Poitiers saint Venantius Fortunatus au VIe siècle et chanté traditionnellement le Vendredi Saint. Il a été chanté pour la première fois en novembre 569 lors de la procession d'une relique de la Vraie Croix, envoyée d'Orient par l'empereur byzantin Justin II à la demande de sainte Radegonde, et transportée en grande pompe à Poitiers. Au XIXe siècle, l’expression latine a été choisie comme devise de la Congrégation de la Sainte-Croix, fondée au Mans par le bienheureux Basile Moreau.
DDeo Gratias
"Grâce à Dieu"
"Deo Gratias" permet de rendre grâce à Dieu pour les grâces reçues. Cette formulation apparaît d’abord dans les Écritures, chez saint Paul : "Rendons grâce à Dieu qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus Christ" (1Co 15, 57) et "Rendons grâce à Dieu qui nous entraîne sans cesse en son cortège triomphal dans le Christ, et qui répand par nous en tout lieu le parfum de sa connaissance" (2Co 2, 14). Elle a une place importante dans la liturgie, aussi bien dans la liturgie des heures que celle de la messe. Elle est en effet reprise plusieurs fois, par l’assemblée à la fin des lectures et à l’envoi, mais aussi par le prêtre lors du dialogue qui précède la prière eucharistique.
Prêtre : "Rendons grâce au Seigneur notre Dieu !"
Assemblée : "Cela est juste et bon."
Mais la formule "Deo gratias" a toute sa place également dans le langage courant, en signe de gratitude pour un bienfait reçu de Dieu. La règle de saint Benoît prévoyait même que le portier du monastère dise "Deo gratias" chaque fois qu'un étranger frappait à la porte.
GGloria Patri et Filio et Spiritui Sancto
"Gloire soit au Père, au Fils et au Saint Esprit"
Le "Gloire au Père" est une doxologie, c'est-à-dire une prière de louange célébrant la gloire de Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit. Dans la liturgie des Heures, le "Gloire au Père" conclut les Psaumes. Il est aussi récité, ou chanté, lors de la prière du Rosaire à la fin de chaque dizaine de chapelet. Une belle manière de glorifier la sainte Trinité.
MMagnificat anima mea Dominum
"Mon âme exalte le Seigneur"
Prière de louange par excellence, "Magnificat anima mea Dominum" est la première phrase de la prière prononcée par la Vierge Marie lors de sa visite à sa cousine Elisabeth. Dans ce cantique chanté au cours de l’office des Vêpres, Marie glorifie les multiples hauts faits de Dieu, ceux qu’il a opérés en elle et ceux qu’il a accomplis dans les nations. Voici la prière dans son intégralité :
"Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur !
Il s’est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse.
Le Puissant fit pour moi des merveilles ; Saint est son nom !
Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent.
Déployant la force de son bras, il disperse les superbes.
Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles.
Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides.
Il relève Israël son serviteur, il se souvient de son amour, de la promesse faite à nos pères, en faveur d’Abraham et sa descendance à jamais." (Lc 1, 46-55)
PPax Vobiscum
"Que la paix soit avec vous"
Ce sont les paroles du Christ Ressuscité, mentionnées dans les Evangiles de Luc et de Jean, lorsqu’il revient parmi ses disciples après sa mort. "La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie." (Jn 20, 21). Formule reprise dans la liturgie à plusieurs reprises. Après la prière eucharistique, les fidèles sont ainsi invités, dans la charité du Christ, à se donner la paix. Paix du Seigneur que le prêtre invite à partager au monde à la fin de la messe : "Allez dans la paix du Christ !"
RRequiescat in pace
"Qu'il repose en paix"
La locution "Requiescat in pace" ou "RIP" est issue de la prière catholique pour les défunts. Cette expression latine a été employée pour la première fois au VIIIe siècle. Par cette prière, on demande que l’âme du défunt puisse accéder au Ciel, au repos éternel. Cette phrase est encore prononcée aujourd’hui à l’occasion des enterrements catholiques :
Requiem æternam dona ei, Domine
Et lux perpetua luceat ei :
Requiescat in pace.
Amen.Donne-lui le repos éternel, Seigneur,
Et que la lumière éternelle l’illumine.
Repose en paix.
Amen
sSalve Regina
"Salut, ô Reine"
La prière du "Salve Regina" est sans doute l’antienne la plus célèbre adressée à la Vierge Marie. Elle aurait été composée par Adhémar de Monteil, évêque du Puy-en-Velay au XIe siècle, et c’est saint Bernard de Clairvaux qui a ajouté au XIIe siècle les trois dernières invocations (O Clemens, O Pia, O Dulcis Virgo Maria) qui étaient accompagnées de trois génuflexions.
La Vierge Marie y est dépeinte comme une Reine mais aussi une Mère de miséricorde dont les yeux et le cœur sont tournés vers l’humanité. Cette prière marque le temps liturgique de la fête de la Trinité jusqu’à l’Avent (les trois autres antiennes étant le Regina Caeli, l’Ave Regina Caelorum et l’Alma Redemptoris Mater). Elle est traditionnellement chantée la nuit à la fin des complies, mais peut aussi clôturer une célébration.
sSursum corda
"Élevons notre cœur"
Si, dans le langage courant, "sursum corda" signifie "haut les cœurs", l’expression puise ses origines dans la liturgie. "Sursum corda", de 'sursum' (= vers le haut) et 'corda' issu du mot ‘cor‘ (= cœur) est l’invitation faite par le prêtre lors du dialogue avec l’assemblée, juste avant la prière eucharistique :
Prêtre : Élevons notre cœur !
Assemblée : Nous le tournons vers le Seigneur.
Le "Sursum corda" a été commenté par saint Cyprien et saint Augustin. Pour ces derniers, l’expression fait référence à l’attitude fondamentale du chrétien appelé à ancrer sa vie dans les cieux selon l’invitation de saint Paul : "Si donc vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les réalités d’en haut : c’est là qu’est le Christ, assis à la droite de Dieu." (Col 3, 1) Pour manifester cette élévation des cœurs, le prêtre élève les mains vers le ciel.
tTotus tuus
"Tout à toi"
Popularisée par saint Jean Paul II qui en fit sa devise épiscopale puis pontificale, l’expression "Totus tuus" provient d’une prière à Marie rédigée par saint Louis Marie Grignon de Montfort dans son Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge : "Totus tuus ego sum, et omnia mea tua sunt. Accipio te in mea omnia. Praebe mihi cor tuum, Maria." ("Je t'appartiens entièrement, et tout ce que j'ai est à toi. Je te prends pour mon tout. Ô Marie, donne-moi ton cœur").
Saint Louis Marie Grignon de Montfort explique que c’est par Marie que nous allons au Christ. "Totus tuus" est ainsi la plus simple expression de la consécration au Christ, à travers la consécration à Marie. Deux mots qui ont occupé une place centrale dans la vie du pape polonais : il en annotait ses manuscrits, et les répétait continuellement, jusqu’à son dernier souffle.