Odile de Vasselot de Régné avait 18 ans lorsque la France est entrée en guerre contre le régime nazi. "Si vous saviez comme je ne suis qu’un tout petit pion de la grande Histoire !", répète cette grande dame au caractère qu’on imagine bien trempé. Depuis, quatre-vingt-cinq années ont passé. Dans son confortable appartement parisien situé derrière le musée d’Orsay, elle replonge dans ses mémoires de guerre. "En 1940, je venais tout juste d’avoir mon bac, c’était une époque effroyable. Je me souviens des croix gammées dessinées sur les murs des rues de Paris, de la musique allemande, aussi, jouée sur les Champs Élysées."
Un certain 18 juin, dans l’appartement parisien qu’elle a rejoint avec sa mère et ses sœurs, la jeune femme entend l’appel du Général de Gaulle, diffusé sur les ondes de la BBC. "Je crois que je suis immédiatement devenue gaulliste", sourit-elle. Dans les semaines qui suivent, elle entend parler de réseaux de résistance, et rêve secrètement de devenir espionne. Devant la salle Pleyel où un inconnu lui donne un jour rendez-vous de nuit, Odile rencontre une mystérieuse madame Poirier, "une personne un peu étrange, à l’air très sophistiqué". Elle lui confie sa toute première mission de résistante.
Désormais agente de liaison, "Danielle", de son nom d’emprunt, est chargée de transporter clandestinement du courrier sensible entre Paris et Toulouse. "Personne ne savait que j’étais entrée dans la résistance. J’ai dû mentir à ma mère, qui ne m’aurait jamais laissée faire une chose pareille ! Elle avait bien quelques soupçons, mais croyait surtout que je filais un mauvais coton en côtoyant des garçons", rie-t-elle aujourd’hui.
Pendant des mois, Odile prend chaque vendredi soir un train de nuit direction Toulouse, où un résistant l’attend dans un café gardé secret. Lorsque le réseau est découvert, elle change d’identité pour devenir "Jeanne", et guide des aviateurs anglais alliés à la France à travers le réseau de résistance Comète, à la frontière Belge. Elle n’est jamais arrêtée, jusqu’à la fin de la guerre en 1945. Odile estime aujourd’hui avoir eu beaucoup de chance.
"J’aurais très bien pu tomber du côté du maréchal Pétain, comme d’autres personnes de ma famille. Mais mon grand-père avait un esprit parfaitement juste, et il a tout de suite su que la voie à suivre était celle du général De Gaulle et me l’a montrée. Et bien sûr, j’ai aussi eu de la chance de ne pas avoir été arrêtée."
Du service de la France au service de Dieu
En 1947, Odile de Vasselot de Régné sent grandir en elle un appel à la vie religieuse. Elle rejoint comme laïque consacrée la communauté des Sœurs de Saint François Xavier, fondée par Madeleine Daniélou. "Je crois que j’avais toujours voulu être religieuse depuis mon enfance", se souvient-elle, sans pourtant pouvoir expliquer pourquoi. S’ouvre alors pour l’ancienne résistante une nouvelle période de vie, tournée vers l’éducation des jeunes filles et des femmes.
Elle est envoyée en Côte d’Ivoire, où elle fonde le premier collège pour jeunes filles d’Abidjan. Une époque sur laquelle elle ne s’étend plus aujourd’hui : "On dit que Dieu a un plan de vie pour chacun… J’espère simplement avoir fait ce qu’Il voulait !". Après avoir servi avec fougue son pays, elle se met au service de Dieu. "Lorsque j’ai été décorée pour mon action dans la résistance, je me suis dit une chose : “Mon Dieu, faites que je fasse autant pour Vous ici que j’ai fait pour la France !”"
« Nous avons le devoir de ne pas céder »
Odile de Vasselot de Régné continue aujourd’hui de sillonner les établissements scolaires de France pour encourager les jeunes générations à s’engager dans le monde. "La seule chose que je vous demande, c’est de ne jamais baisser les bras", leur intime-t-elle inlassablement. "Je confie souvent aux jeunes ,dit-elle dans un sourire : Vous êtes à l’aube de votre vie, et des problèmes, vous en aurez. Il faut les affronter ! Qui que nous sommes, nous avons le devoir de ne pas céder."