Fleurissent ici ou là, dans les diocèses, à la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre et d’autres sanctuaires ou communautés, une neuvaine à l’Esprit saint entre l’Ascension et la Pentecôte. Les neuf jours qui séparent ces deux solennités et clôturent le temps pascal s’y prêtent assez naturellement. Mais, en fait, la liturgie n’a-t-elle pas déjà intégré cette neuvaine, sans le dire, dans les textes de ce temps ? Après avoir regardé le Christ monter à la droite du Père, les fidèles sont ainsi invités à creuser en eux le désir de recevoir l’Esprit saint à la Pentecôte. Promesse de Jésus pour ses disciples, troisième personne de la Trinité, il est ce Défenseur qui inscrit la loi d’amour dans les cœurs et atteste la présence du Sauveur auprès des rachetés.
Cette inflexion de la liturgie est perceptible, certes discrètement, dans les préfaces dites à la messe. Du jeudi de l’Ascension au samedi, le prêtre prie :
Sans quitter notre condition humaine, le premier, il entre au ciel, tête de l’Église et commencement de toute chose ; il donne aux membres de son corps l’espérance de le rejoindre un jour.
À partir du dimanche et pendant une semaine, la demande concerne plus clairement l’attente du maître intérieur, Dieu en nous : "il s’éleva au ciel pour nous rendre participants de sa divinité."
Une place spéciale dans la liturgie des heures
Le désir de recevoir l’Esprit saint s’aiguise aussi dans la liturgie des heures. Dès le matin, la première antienne des psaumes est explicite : "Alléluia, Jésus est vainqueur, il nous a promis l’Esprit saint". Le soir, à vêpres, le bréviaire prévoit que l’on prenne une hymne à la troisième personne de la Trinité, dont la plus connue est le Veni creator, "Viens, Esprit créateur". L’attente est enfin rendue perceptible par le répons : "L’Esprit Paraclet vous enseignera toute chose."
Lire les oraisons quotidiennes des neuf jours qui séparent l’Ascension et la Pentecôte permet aussi de voir comment devient plus intense le désir d’être rempli de l’Esprit du Seigneur. Le lendemain de la montée au ciel de Jésus, le célébrant dit : "Dirige nos regards vers Celui qui siège à ta droite" mais, dès le samedi : "En montant au ciel, ton fils a promis l’Esprit saint aux Apôtres ; nous t’en prions […] répands maintenant sur nous les dons de l’Esprit." Une demande renouvelée chaque jour au début de la messe. Il est celui qui un jour donne la force, un autre rassemble l’Église, le suivant exprime la bonté de Dieu. Jusqu’à jour de la Pentecôte : "Répands les dons de l’Esprit saint sur l’immensité du monde, et continue dans le cœur des croyants l’œuvre divine entreprise au début de la prédication évangélique."
Enfin, la Parole de Dieu elle-même tourne le regard des fidèles vers le Saint-Esprit. Ces neuf jours, l’Église termine la lecture de l’évangile de Jean. Du chapitre 16, verset 20, à la fin du chapitre 17. L’occasion d’entendre les dernières paroles de Jésus à son Père avant la Passion : "Je leur ai fait connaître ton nom, et je le ferai connaître, pour que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux, et que moi aussi, je sois en eux." (Jn 17, 26). Une prière du Fils qui fait écho à l’épisode lu les vendredi et samedi avant la Pentecôte où le Christ demande à Pierre, pauvre renégat et pourtant premier des apôtres, de quel amour il l’aime en réponse à l’infinie miséricorde du ressuscité (cf. Jn 21, 15-25). Puissions-nous recevoir à la Pentecôte cet Esprit saint, l’amour du Père et du Fils, qui nous fait aimer sans partage notre Créateur et Sauveur.