Parmi les nouveautés apportées à cette cérémonie, remontant dans son essence au XIe siècle, l’on notera la présence de représentants des religions juive, musulmane, hindoue, bouddhiste, sikh, jaïne, bahaïe et zoroastrienne. Cette décision de Charles III veut refléter la diversité religieuse de son royaume et manifester son désir, connu depuis longtemps, d’être le "protecteur de toutes les fois et croyances". Reste que le sacre du souverain britannique est une liturgie éminemment chrétienne, qu’elle l’institue défenseur de l’Église d’Angleterre, et fait de lui le serviteur de Dieu. C’est ce que l’onction vient signifier de façon toute particulière.
Origine biblique
Dans l’Ancien Testament, le geste de l’onction est mentionné pour la première fois dans le livre de Samuel. Sur ordre de Dieu, le prophète s’avance vers le jeune David, fils de Jessé, "prit la corne pleine d’huile et lui donna l’onction au milieu de ses frères. L’Esprit du Seigneur s’empara de David à partir de ce jour-là" (1 S 16, 13). Succédant à son père, Salomon est sacré roi de la même manière : "Le prêtre Sadoc prit dans la Tente la corne d’huile et donna l’onction à Salomon. On sonna du cor et tout le peuple dit : “Vive le roi Salomon !”" (1 R, 1, 38).
Depuis lors, l’onction sera toujours associée à la fonction royale dans l’ancien Israël. Elle fait du roi l’Oint de Dieu, son messie, son élu. C’est pour cela que la figure du souverain, tout comme celle du Grand-Prêtre, est considérée comme une préfiguration du Christ-Jésus lui-même.
Le choix, pour la monarchie anglaise – et, en son temps, la monarchie française –, de s’approprier cette pratique obéit à des raisons politiques : c’était une manière d’ancrer son pouvoir dans la continuité des premiers rois d’Israël, de l’entourer d’une sacralité religieuse, et donc, de lui conférer une certaine légitimité.
Déroulement
Après le chant du Veni Creator, l’archevêque de Canterbury, Mgr Justin Welby, se verra présenter l’huile sainte, fabriquée à partir d’olives récoltées sur le mont des Oliviers, notamment au monastère de Sainte-Marie-Madeleine – là où est enterrée la grand-mère de Charles III, la princesse Alice de Battenberg, convertie à l’orthodoxie en 1920 ; son fils, le prince Philip, élevé dans cette tradition, a dû y renoncer afin de pouvoir épouser la future reine Élisabeth II en 1947. Le précieux liquide, parfumé aux huiles essentielles de rose, de sésame, de cannelle, de néroni, de benjoin, d’ambre et de fleur d’oranger, a ensuite été béni en mars par le patriarche grec-orthodoxe de Jérusalem, Théophile III, et l’archevêque anglican de la Ville sainte, Hosam Naoum, en la Basilique du Saint-Sépulcre. Une manière de symboliser l’importance de ces deux confessions pour Charles III ; mais aussi de souligner le lien unissant la monarchie britannique à la Terre Sainte.
Alors que la chorale entonnera l’hymne magistrale de Zadok the Priest, mise en musique par George Frederick Haendel et jouée lors de tous les couronnements depuis 1727, le roi enlèvera une partie de ses vêtements et prendra place sur la Chaise du Couronnement afin de recevoir l’onction proprement dite. À l’aide d’une cuillère, l’archevêque versera de l’huile sur la tête, la poitrine et les paumes de Charles III. Il sera toutefois impossible pour l’assemblée et les téléspectateurs d’observer ce rite, car le roi sera protégé par un écran de tissu préalablement béni. Il s’agit en effet d’un moment d’intimité. Derrière cette tenture – figurant "le pouvoir enveloppant de Dieu et sa présence en cet instant", précise le Lambeth Palace –, se noue une relation spéciale, presque mystique entre Dieu et le roi. Ce dernier devient un personnage sacré. Sous la conduite de l’Esprit, il s’engage à pratiquer le droit et la justice, à régner avec sagesse et miséricorde sur ses peuples, une charge dont il aura à répondre devant Dieu, dont il est désormais le serviteur, et cela, jusqu’à la fin de son règne.