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Au Liban, “l’État s’effondre mais le pays tient”

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Manifestation au Liban, mars 2023.

Cécile Séveirac - publié le 23/03/23
Au Liban, la situation politique, économique et sociale ne cesse de se détériorer. La population survit, portée à bout de bras par les organisations chrétiennes et les congrégations religieuses présentes sur place, qui tâchent de combler le vide laissé par l'État.

"Le Liban, pays du cèdre, choyé par la nature, chanté par les poètes; le Liban terre de saints, loué par la Bible, est en train de s'effondrer", se désole ce jeudi 23 mars sœur Marie-Antoinette Saadé, supérieure générale de la Congrégation des Sœurs Maronites de la Sainte-Famille au Liban, lors d'une conférence de presse organisée par l'Œuvre d'Orient. "Nous assistons en direct à son agonie." Miné par une crise multidimensionnelle qui va s'aggravant, le pays tout entier souffre. "Il s'agit de l'effondrement de tout un pays, de ses structures, de son système bancaire, judiciaire, monétaire, provoqué par une classe politique mesquine et sournoise, par une corruption patente, par un système alambiqué et inefficace, par un Etat construit sur le clientélisme et les petits intérêts", martèle encore sœur Marie-Antoinette.

"Depuis plusieurs mois, le Liban est sans président de la République, donc sans gouvernement légitime. La situation est chaotique à tous les niveaux", abonde Mgr Essayan, vicaire apostolique latin au Liban. D’un point de vue économique, la livre libanaise subit une dévaluation sans précédent, jour après jour. Aujourd'hui, plus de 90% de la population libanaise vit en dessous du seuil de pauvreté, affaiblie par l'inflation et la baisse drastique du pouvoir d'achat. Les manifestations de 2019 n'ont rien changé, selon Mgr Essayan, qui fustige les dirigeants et la corruption dont ils sont les vecteurs. "La corruption est toujours présente, et la lutte contre celle-ci est tellement timide qu'elle en est devenue insignifiante", selon l'évêque. La jeunesse du pays, particulièrement nombreuse, est touchée de plein fouet par cette crise économique et financière sans fin. 50% des jeunes sont au chômage, et beaucoup "sombrent dans la drogue, l’alcool, la violence, la débauche", déclare encore Mgr Essayan.

Un avenir incertain

Quant au secteur éducatif, "il ne fonctionne plus", alerte quant à lui Vincent Gelot, directeur de l'Œuvre d'Orient Liban. Depuis trois ans, 50% des enfants ne vont plus à l’école. Subsistent, tant bien que mal, les écoles privées, essentiellement chrétiennes. On en dénombre près de 330 écoles sur tout le territoire, qui portent sur leurs épaules toutes les absences de l'État, dont 129 sont soutenues par l'Œuvre d'Orient grâce à un fonds, créé en janvier 2020 par le président de la République et abrité au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. Salaires de professeurs, électricité... Tout doit être payé par les organisations chrétiennes comme l'Œuvre d'Orient ou les congrégations religieuses. Beaucoup menacent de fermer face aux besoins immenses et pourtant impossibles à combler. La situation des centres spécialisés comme les orphelinats ou les centres d'accueil pour personnes handicapées est également une source d'inquiétude. Nombre d'entre elles sont au bord de la fermeture, et certains sont même "contraints de renvoyer chez eux les bénéficiaires, condamnés à rester chez eux seuls et à mourir". "Je suis triste et inquiet par rapport à la santé mentale de nos partenaires : je vois des responsables d’écoles, de centres, au bord du burn-out ou déjà en burn-out", rapporte encore Vincent Gelot.

Les communautés chrétiennes, source d'espérance

Face à ce tableau dramatique, les congrégations religieuses et autres communautés chrétiennes sont une véritable source de paix, d'échange et de dialogue, estiment les différents intervenants. "L'Église se bat et se débat avec une situation difficile et sans issue, mais elle a une mission particulière", déclare sœur Marie-Antoinette. "Mais si l'État s’effondre, le Liban tient. La volonté libanaise de construire est forte"

Pour Mgr Gollnisch, directeur de l'Œuvre d'Orient, l'Église est un acteur clé dans cette crise et prend à bras le corps ses responsabilités pour aider la population, sans distinction de classe sociale ni de religion. Ce rôle, quoique fondamental, ne peut cependant pas remplacer le fonctionnement de l'État, ni de la communauté internationale, qui "doit se mobiliser pour faire ce que l'État ne peut pas faire". Et de conclure : "Si le Liban s’écroule, ce sera un drame pour l’ensemble du Moyen-Orient, mais aussi pour l’Europe, qui ne s'en sortira pas indemne."

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