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Où la mort a passé, passera bien la grâce

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Xavier Patier - publié le 01/03/23
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Les morts volontaires sont un mystère. L’écrivain Xavier Patier ne craint pas de les rapprocher du sacrifice de ceux qui ont accepté la mort sans avoir perdu l’espérance. Aux purs, et à ceux qui restent, le dernier mot est à la miséricorde.

Dans sa "présentation de la Beauce à Notre-Dame de Chartres", Charles Péguy consacre les dernières strophes de ce long poème à un ami fauché par le désespoir : 

Nous venons vous prier pour ce pauvre garçon [...]
Ô Vierge il n’était pas le pire du troupeau
Il n’avait qu’un défaut dans sa jeune cuirasse,
Mais la mort qui nous piste et nous suit à la trace
A passé par ce trou qu’il s’est fait dans la peau
C’était un être pur [...]
Et nunc et in hora nous vous prions pour nous
Qui sommes plus grands sots que ce pauvre gamin,
Et sans doute moins purs et moins dans votre main,
Et moins acheminés vers vos sacrés genoux. 

Une vie assoiffée d’absolu

Il fallait Charles Péguy pour écrire ces mots en un temps où l’Église refusait les funérailles aux suicidés. Au moment où la Présentation de la Beauce a été publiée, Charles Péguy venait de mourir, lui aussi. Mort jeune. De mort violente. Il avait été tué par une balle allemande au tout début de la Grande Guerre. Quand le jeune poète était parti au front avec les appelés, peu de jours plus tôt, la mère de Jacques Maritain à qui il faisait ses adieux l’avait trouvé "éblouissant de lumière intérieure". Pour certains de ses compagnons, sa mort au front, debout sous le feu, alors qu’il refusait de se courber pour saluer les balles ennemies, fut l’accomplissement mystérieux d’une vie assoiffée d’absolu. "Où la mort a passé, passera bien la grâce", avait-il écrit à propos de son ami. 

Charles Péguy était habité par la petite fille espérance. Il ne désira pas la mort par désespoir. Ses derniers mots, selon ce qu’ont rapporté ses camarades, furent : "Mon Dieu !" La mort acceptée n’est pas la mort provoquée. Il n’empêche, il existe un mystère de ces morts volontaires ou au moins désirées, mystère de ces jeunes garçons qui, dans leur faiblesse, ont offert à leurs proches une lumière inouïe avant de prendre brutalement congé de ce monde. Sont-ils si éloignés de la lumière intérieure qui illuminait le glorieux officier Charles Péguy ? Le garçon à qui je pense souriait. Il ne clamait pas sa faiblesse. Il épargnait son tourment à ses proches. Il ne donnait pas le change : il rayonnait déjà de la miséricorde qu’il allait recevoir.

La dernière place

Le mystère du mal est une des voies empruntées par le bien. Péguy dit du jeune qui s’est tué : "Il était notre race." Ce jeune disparu nous précède dans la douce miséricorde de Dieu, nous qui sommes encore là, à durer, à vieillir, à nous endurcir, et ne demandons rien d’autre que la dernière place "pour pleurer longuement notre tragique histoire".

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