Le 20 février 1920, Jacinthe s’envole vers le Ciel. Elle n’a pas encore 10 ans. François et Jacinthe Marto sont les premiers enfants non martyrs à avoir été canonisés par l’Eglise catholique. Frère et sœur, ils sont nés respectivement en 1908 et 1910. Enfants d’une grande famille de onze enfants, ils passaient leurs journées à garder leur troupeau aux alentours de Fatima, au Portugal. Ils sont surtout connus pour les apparitions dont ils ont bénéficié à partir de 1915, d’un Ange se présentant comme l’Ange de la Paix, puis de la Sainte Vierge.
De l’avis de ses parents, François était un petit garçon « doux, patient, enclin à la contemplation », mais aussi « pas toujours docile ». Sa sœur Jacinthe était vive, enthousiaste, un brin capricieuse, et appréciée de tous pour son grand cœur. Ils ont vécu une vie ordinaire d’enfant de leur époque et de leur milieu social, mais aussi une vie extraordinaire en raison des apparitions et des dures conséquences pour eux : rejet de leurs parents et de leur entourage, insultes, menaces de morts, et même incarcération…
François et Jacinthe sont morts de la grippe espagnole en 1919 et 1920. Ils avaient respectivement 10 et 9 ans. Leur témoignage admirable de foi nous a été transmis grâce à leur cousine Lucie, elle aussi témoin des apparitions de l’Ange et de Notre Dame de Fatima. Devenue carmélite, elle n’a eu de cesse jusqu’à sa mort à l’âge de 97 ans, de répandre la dévotion au Cœur Immaculé de Marie et de faire connaître la sainteté de ses petits cousins.
L’émerveillement, le secret de sainteté de Jacinthe et François
Selon Jean-François de Louvencourt, auteur de plusieurs ouvrages sur les bergers de Fatima, le secret de sainteté de Jacinthe et François de Fatima, au-delà de leur profonde humilité et de leur ardent amour de Dieu, réside dans leur capacité à s’émerveiller. Cet émerveillement, clé de leur spiritualité, les a conduits à une étonnante maturité spirituelle.
Bien que leur vie n’ait pas toujours été facile, loin de là, Jacinthe et François rayonnaient partout de joie. Ils étaient reconnaissants pour tout ce que Dieu accomplissait dans leur vie. Les témoignages vont même jusqu’à dire que François est « mort en souriant ». Durant leur courte vie, ils se sont émerveillés devant trois grands mystères :
1Les beautés de la nature
Leur cousine, Lucie, rapporte dans ses Mémoires, que la nature fut pour Jacinthe et François une source constante d’émerveillement. François s’enthousiasmait devant le soleil, le ciel immense et la paix d’une nuit étoilée. Jacinthe, quant à elle, raffolait des fleurs et des belles nuits avec un clair de lune. Elle aimait tout particulièrement ses agneaux qu’elle appelait chacun par son nom. Tous les jours, elle en portait un dans ses bras afin qu’il ne se fatigue pas.
A la vue des merveilles de Dieu, Jacinthe et François se sont réjouis au quotidien. Comme Saint François d’Assise, leur émerveillement naissait dans la contemplation des œuvres de Dieu pour se prolonger et s’intensifier dans leur esprit.
2La beauté surnaturelle de l’Ange de la Paix, de Notre Dame et de la lumière de Dieu
Des visions de l’Ange de la Paix jusqu’à celle de Notre Dame et finalement de la « lumière de Dieu », les petits bergers vont d’émerveillement en émerveillement. Suite aux apparitions de leur « petite Maman du Ciel » selon leurs termes, Jacinthe ne cesse de répéter : « Oh ! la belle Dame ! Oh ! la belle Dame ! ».
Leurs dernières visions les amènent à contempler « la lumière divine » qui touchera particulièrement le cœur sensible de François, si bien que comme sa sœur, on l’entendra souvent s’exclamer : « Comme Dieu est beau ! Comme Dieu est beau ! ».
3La haute valeur du sacrifice sur le Cœur de Dieu
Les petits bergers sont émerveillés par les visions de Notre Dame et par ses promesses, dont celle du « triomphe de son Cœur Immaculé ». La « belle Dame » leur demande de dire des chapelets et de faire des sacrifices pour la conversion des pécheurs. François et Jacinthe ne perdent pas une occasion de la contenter. Ils ont en effet été touchés au cœur par la « tristesse de Dieu » qu’ils veulent à tout prix « consoler », mais aussi par la perdition des âmes éloignées de Dieu.
Loin de se replier sur leur tristesse, ils décident au contraire de tout faire avec Amour pour répondre aux demandes de leur « maman du Ciel ». On peut dire que le dernier « émerveillement » de leur vie est de comprendre, avec une maturité étonnante, la haute valeur du sacrifice sur le Cœur de Dieu.
Ils iront jusqu’à offrir des sacrifices héroïques pour leur âge, comme de donner leur repas de midi à des enfants pauvres, confiants sans l’ombre d’un doute dans l’efficacité surnaturelle de leur offrande.
Une joie ineffable
L’art de s’émerveiller suppose de s’arrêter en silence, de prendre le temps de la contemplation. C’est aussi savoir saisir le beau dans l’instant, puis transformer ce moment éphémère de ravissement en un état spirituel d’émerveillement. C’est s’éloigner de plus en plus de la vulgarité et de la vanité pour privilégier la recherche de la beauté et la gratitude. Jacinthe, au milieu de ses jeux, avait coutume de dire à François et à Lucie : « Vous n’avez pas oublié de dire à Notre Seigneur que vous l’aimez pour les grâces qu’il nous a faites ? »
En s’émerveillant, les petits bergers de Fatima sont entrés dans le secret du Christ lui-même : se donner, s’offrir au Père entièrement, tout faire par Amour. Comme tout autre enfant de leur âge, ils avaient leurs faiblesses et leurs défauts. Mais ils ont découvert, comme l’écrit le prêtre et philosophe Maurice Zundel, qu’il y a « un autre moi possible que le moi viscéral, possessif, égocentrique, qu’il y a un autre moi qui est un moi oblatif ». Et le poète d’ajouter : « C’est l’émerveillement qui nous fait décoller de nous-mêmes et nous suspend à cet Autre en qui notre admiration se repose ».
Pratique
Aliénor Strentz est fondatrice du blog « Chrétiens heureux » et Missionnaire de l’Immaculée - Père Kolbe. Elle est aussi docteur en ethnomusicologie et formatrice pour adultes.