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Séisme en Turquie et en Syrie : quand la solidarité mondiale fait face aux drames humains

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Jean-Baptiste Noé - publié le 09/02/23
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Le tremblement de terre qui a touché la Turquie et la Syrie lundi 6 février rappelle la dangerosité sismique de la région. Mais, observe le géopoliticien Jean-Baptiste Noé, il dit aussi beaucoup du développement des pays et des rapports au risque entretenus par les sociétés.

7,8 sur l’échelle de Richter, plus de 10.000 morts pour les premiers décomptes, appelés à croître ; tel est le premier bilan du séisme qui a frappé la Turquie et la Syrie lundi 6 février. Ce n’est pas la première fois que ces pays sont touchés de la sorte et ce n’est pas non plus le séisme le plus important des dernières décennies. Les dégâts qui frappent les personnes et les infrastructures sont révélateurs de l’état de développement des pays. 

Par ordre d’importance, les dix séismes les plus violents du siècle écoulé sont les suivants : Chili (1960 ; 9,5 sur l’échelle de Richter), océan Indien, Sumatra (2004 ; 9,3), Alaska (1964 ; 9,2), océan Pacifique, Japon (2011 ; 9,1), Kamtchatka, URSS (1952 ; 9), Équateur (1906 ; 8,8), Chili (2010 ; 8,8), Alaska (1965 ; 8,7), Alaska (1946 ; 8,6), Tibet (1950 ; 8,6). Des zones montagneuses, une prévalence forte au Chili et en Alaska, des séismes en mer profonde, qui ont déclenché des tsunamis particulièrement dévastateurs (comme en 2004 dans l’océan Indien) ; cette géographie des tremblements de terre illustre la géographie des failles sismiques et des ruptures terrestres. Le nombre de morts n’est en revanche pas en lien avec la force des séismes, compte tenu du fait que certains se produisent en zones peu peuplées.

Les séismes les plus meurtriers

C’est la Chine qui détient le record du séisme le plus meurtrier, en 1920 (7,8 ; 275.000 morts) et en 1976 (7,8 ; 240.000 morts). À force égale, deux séismes beaucoup plus meurtriers que celui qui a touché la Syrie et la Turquie. Le tsunami consécutif au séisme de 2004 a fait près de 230.000 morts, sur une grande partie des côtes de l’océan Indien. Le tremblement de terre chilien de 1960 n’a causé que 6000 morts, essentiellement parce qu’il s’est déroulé en zone peu habitée. Le séisme de 2011 au Japon, pourtant de magnitude 9,1 et proche de grandes zones urbaines, n’a engendré que très peu de morts, grâce à la qualité des infrastructures nippones. Si le bilan humain est monté à près de 18.000 morts, c’est à cause du tsunami qui a suivi. Mais là aussi, la robustesse des infrastructures et la qualité des alertes ont permis de réduire le nombre potentiel de victimes. 

Le bilan humain est une image de l’état de développement des pays. Le séisme chilien de 2010 (8,8 sur l’échelle de Richter) n’a fait que 525 morts, alors qu’il a touché des zones urbaines, dont la capitale. Quelques mois plus tôt, en janvier 2010, un séisme de magnitude moindre (7) toucha Haïti, engendrant un bilan humain beaucoup plus lourd : près de 230.000 morts. En cause, les installations urbaines inadaptées, ne respectant pas les normes antisismiques, des lacunes dans les secours et dans les soins, le développement des maladies et l’incompétence des services administratifs.

La mortalité liée aux séismes n’est donc pas tant le reflet de la géographie du monde que du développement de celui-ci. À Alep, le drame du séisme a été accentué par le fait que beaucoup de bâtiments disposent de structures fragilisées par les bombardements ; plusieurs immeubles se sont ainsi effondrés quelques heures après l’onde de choc. Cette catastrophe humaine a néanmoins des aspects positifs, comme l’action humanitaire mondiale qui se met en place. Voir Israël offrir son aide à son voisin honni syrien ou la Grèce mettre à disposition de la Turquie des hommes et du matériel de secours est tout à fait encourageant quant à la capacité humaine à passer outre les tensions et les oppositions afin de mener une cause plus grande. Cet élan de solidarité mondiale est l’un des aspects positifs de la mondialisation, qui a certes ses faces sombres, mais aussi ses dimensions réjouissantes. L’aide humanitaire peut être un levier pour contribuer à la paix en permettant aux pays divergents de s’entendre sur des dossiers communs.  

L’homme face aux risques

La grande majorité de la population humaine vit essentiellement en zone de risque moyen à fort : littoraux, bassins fluviaux soumis à inondations, flancs de volcans, etc. Une éruption volcanique, une tempête, une crue et ce sont les structures humaines qui sont touchées, engendrant morts et blessés. Mais depuis des siècles, les communautés humaines s’y sont établies, car ces zones offrent aussi de nombreuses possibilités. Conjuguées à la créativité et à l’inventivité humaine, les populations ont su tirer bénéfice de ces zones dangereuses, preuve que l’homme sait s’adapter aux risques. Les géopolitologues se partagent classiquement en déterministes et possibilistes ; ceux qui s’attachent au déterminisme de la géographie et ceux qui pensent que l’homme peut s’en affranchir. La réaction aux catastrophes naturelles et la capacité des sociétés à surmonter les risques donnent raison au second ; preuve que l’homme est maître de l’histoire, et de la géographie.

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