"Le temps est ton navire et non pas ta demeure", écrivait Lamartine. Il file au rythme des saisons sur les flots plus ou moins agités de nos vies. Nous ne sommes que de passage ici-bas, avant d’arriver à bon port.
Certaines personnes regrettent le passé; d’autres désespèrent de l’avenir. Plusieurs sont incapables de s’arrêter, ne voulant rien manquer de ce qu’il faut voir. Elles restent branchées à leurs écrans en tout temps, comme sur un respirateur artificiel.
Le temps habité
Pour les chrétiens, le temps est un allié, car il mène au royaume de Dieu, notre véritable demeure. Nous ne sommes pas à la recherche du temps perdu, mais de Dieu venu dans notre temporalité. Tel est le sens du temps liturgique. Il ne nous enferme pas sur nous-mêmes, mais nous entraîne au cœur du mystère pascal. Le Christ ressuscité vient à nous, et nous allons à lui de jour en jour, de dimanche en dimanche, de fête en fête.
L’année liturgique débute avec le temps de l’Avent. Ce mot vient du latin adventus qui signifie l'acte d'arriver, d’apparaître. C’est le temps liturgique que je préfère. Cette joyeuse étape de quatre semaines vers Noël nous rappelle que nous marchons vers un but : notre naissance éternelle en Dieu. Nous y croisons de grands témoins comme Isaïe, Jean Baptiste, Marie, qui nous aident à vivre ensemble l’attente du Sauveur, au-delà de la rumeur marchande de décembre.
L’Avent est un temps d’éveil et de désir, d’attente et d’espérance. Il nous prépare à célébrer l’arrivée de la lumière qu'est l’avènement de notre Seigneur Jésus Christ. Ce dernier est venu humblement dans notre chair à Noël. Il vient mystérieusement chaque jour en nos âmes. Il viendra puissamment dans la gloire, que ce soit à la fin de notre vie ou à la fin des temps.
"Voici le temps du long désir où l’homme apprend son indigence", dit une hymne de l'Avent. Ce temps d’attente creuse la soif qui nous tourmente, réveille le désir qui fait vivre. C’est là, au fond de notre crèche intérieure, que l’Emmanuel, Dieu-avec-nous, partage son désir d’aimer et sa soif de nous rencontrer dans la prière et le service.
Veillons! Marchons vers la lumière! "La nuit est bientôt finie, le jour est tout proche" (Romains 13, 12). Donnons à l'amour l'occasion d'être en fête en nous aimant et en nous laissant aimer.
Le temps retourné
En écrivant mon autobiographie, En sa présence (Artège/Novalis), j’ai vraiment pris conscience que depuis l’incarnation du Dieu fait homme, le temps est retourné, inversé. Il n’est pas seulement chronos, temps physique et linéaire de nos horloges, mais kairos, événement, action, opportunité. Le temps m’est donné par le Père pour rencontrer le Fils dans l’Esprit. La parole de Dieu me révèle que chaque instant de ma vie a du sens et qu’il déborde d’éternité. "Le voici maintenant le moment favorable, le voici maintenant le jour du salut." (2 Corinthiens 6, 2)
"Dieu est à l’œuvre en cet âge", chante-t-on dans une autre hymne de l’Avent. Il retourne le temps en venant dans notre histoire pour que nous entrions dans la sienne. Cette immense aventure de la foi chrétienne, qui ne se résume pas seulement à la morale, me pousse à l’action de grâce. Comment imaginer ma route présente et future sans ce mouvement descendant du Père qui vient vers moi en son Fils Jésus pour me sortir de l’impasse et me ressusciter d’entre les morts ? Tel est le centre de la foi, le sommet de l’année liturgique, l’accomplissement du temps.
L’Avent n’est jamais loin du Carême, et Noël, de Pâques.