En reconnaissant Dieu comme le Père Tout-puissant dans le Credo, le chrétien pose une affirmation qui touche à la fois sa vie personnelle et la raison profonde du monde extérieur. Ces deux dimensions débouchent sur un appel à agir dans le monde. En effet, la récitation du Credo à la messe n’en reste pas à une simple affirmation théorique mais implique le croyant dans son existence concrète en l’appelant à l’action. Pourquoi ?
Un Dieu qui inspire confiance et rend libre pour agir
D’abord, l’aspect personnel de l’attestation "Je crois en Dieu, le Père tout-puissant" débouche sur un acte de confiance. En effet, en le récitant, le chrétien ne se contente pas de confesser l’existence de Dieu ("Dieu existe"), mais il Le reconnaît comme Père. À ce titre, sa relation à Lui n’est plus de l’ordre théorique mais relève de la foi et de la confiance. Un père inspire de la confiance et de l’amour. En tant que fils du Père, le chrétien est comme décomplexé vis-à-vis de Lui, libre de toute peur et de toute inhibition, si bien que nulle entrave psychologique ou spirituelle ne met d’obstacles entre ses désirs et leurs réalisations concrètes. Un enfant de Dieu n’est plus tétanisé par le Tout-Puissant.
Surtout, il sait que son Père céleste l’encouragera à se montrer créatif. Si Dieu est notre Père, nous devons agir comme des fils, à la fois aimants et respectueux de Celui qui nous donne la vie et nous aide à grandir. Le croyant aura d’autant moins d’appréhension de passer à l’action qu’en se remettant entre les mains de Celui qu’il reconnaît comme "tout-puissant", il est certain de réussir ! Un père ne peut pas abandonner son enfant ! Aussi la confiance en Dieu débouche-t-elle sur l’envie d’agir et de se lancer dans le monde avec assurance.
Le croyant, un initié de la Sagesse divine
La seconde raison pour laquelle la paternité de Dieu représente un formidable stimulant pour l’action tient dans le statut de Créateur qui est celui du Père. Vis-à-vis de Dieu, le chrétien ne se tient pas comme face à une réalité objective ordinaire. Dieu n’est pas seulement "le plus grand", il est aussi Celui qui a créé le monde et qui, en tant que tel, représente le fondement et la raison de toute réalité. Il ne constitue pas une réalité objective comme les autres. Par rapport au monde, Il est transcendant, c’est-à-dire qu’Il est d’un autre ordre que tout ce qui existe. Telle est d’ailleurs la seconde signification de sa paternité : un père fait moins corps que la mère avec son enfant. Aussi, appeler Dieu "Père", c’est le reconnaître comme étant d’une autre nature que Ses créatures.
En créant en tant que Père, Dieu dépose dans la réalité une trace de sa paternité en donnant aux choses créées une structure filiale.
Or, cette seconde dimension de la paternité de Dieu, plus générale et objective que la première qui était avant tout personnelle et subjective, nous invite elle aussi à l’action. En confessant Dieu comme le Créateur, nous discernons dans le monde d’innombrables traces de l’agir divin. En créant en tant que Père, Dieu dépose dans la réalité une trace de sa paternité en donnant aux choses créées une structure filiale. Pour les chrétiens, cela est évident puisque que le monde a été créé par et en Jésus-Christ qui est le Fils unique de Dieu. Le monde a donc vocation à être fils et à remonter vers sa source paternelle par le moyen de Jésus-Christ. Et ce d’autant plus que la toute-puissance de Dieu consiste à créer des êtres libres et créatifs comme Lui. Seul un Dieu transcendant et Père pouvait créer des êtres libres, non des esclaves soumis ou des automates. Nous sommes des êtres appelés à achever leur vocation filiale en Jésus-Christ.
Connaître le monde en Dieu pour agir sur lui
Mais pourquoi cette structure filiale du monde nous pousse-t-elle finalement à agir ? Tout simplement parce qu’en connaissant dans la foi la raison d’être des choses et leur soubassement filial, le chrétien est plus à même d’avoir un impact décisif sur elles. En effet, pour influer sur le cours des choses, il est nécessaire de connaître au préalable la constitution intime de celles-ci. Or, le croyant est précisément initié à leur raison d’être parce qu’il sait qu’elles ont été créées pour refléter la perfection du Créateur et qu’elles ne trouveront qu’en Dieu leur épanouissement final.
La foi, en conduisant à la connaissance profonde des réalités extérieures, permet au croyant d’avoir le maximum d’influence sur elles par l’action. On ne touche les êtres en profondeur qu’en les appréhendant, avec respect, dans leur structure intérieure, ce qui nécessite de les bien connaître. C’est ainsi que ces deux dimensions de la foi : la confiance en Dieu et la connaissance de la sagesse enfouie dans le monde par le Père tout-puissant, stimulent, chacune à son niveau, le chrétien à agir dans le monde afin de le rendre, conformément à la constitution de son être, le plus filial possible vis-à-vis de la source divine et de bâtir de la sorte le Royaume.