Le président de la République française Emmanuel Macron va participer ce dimanche à Rome à un sommet pour la paix, en tant qu’invité de l’organisateur, la communauté de Sant’Egidio. Et ce avant même de rencontrer le pape François le lendemain : un signe de l’importance qu’accorde le chef d’État français à l’association catholique italienne, qu’on surnomme "petite ONU du Trastevere" – le quartier de Rome où elle a vu le jour.
Dans les ambassades auprès du Saint-Siège à Rome, nul n’ignore son nom. En quelques années, Sant’Egidio, une petite association fondée en 1968 autour de la paroisse du même nom par l’historien Andrea Riccardi, est devenue incontournable. Nombre de ses représentants occupent des fonctions prestigieuses à la Curie, et l’un d’entre eux, l’évêque de Bologne Matteo Maria Zuppi, est même cardinal et donc susceptible de devenir un jour Pape.
Diplomatie informelle
Le credo de cette association : la promotion du multilatéralisme, du dialogue interreligieux et de la paix. Pour cela, elle peut s’appuyer sur une expérience réussie dans les années 1990 au Mozambique – même si la médiation opérée par l’alors père Matteo Maria Zuppi n’a pas pu empêcher que l’ancienne colonie portugaise retombe dans le chaos depuis lors – puis plusieurs actions en Algérie, au Guatemala, en Côte d’Ivoire, au Tchad, en Centrafrique ou encore au Kosovo.
À Paris, on apprécie tout particulièrement le profil de l’association catholique du Trastevere. "C’est un acteur crédible, transparent et sain", confie une source diplomatique. San’Egidio, qui s’est fait une spécialité d’une forme de diplomatie informelle, est perçue avant tout comme "une instance de dialogue" plus que comme un "médiateur" – rôle qu’elle avait assumé à ses débuts au Mozambique. "Ils n’ont pas d’agenda caché et savent se mettre à leur place", estime encore la source diplomatique.
Une organisation très ouverte sur la société civile, sur le monde intellectuel et sur le dialogue entre les religions.
À l’Élysée, on décrit encore Sant’Egidio comme une organisation "très ouverte sur la société civile, sur le monde intellectuel et sur le dialogue entre les religions". La participation d’Emmanuel Macron à l’inauguration de la grande conférence de trois jours organisée dans un centre des congrès ultramoderne du quartier EUR de Rome, en même temps que le président italien Sergio Matarella et le président du Niger Mohamed Bazoum, sera suivie d’une réception organisée autour du président français. Ce dernier marche d’ailleurs dans les pas de l’ancienne chancelière allemande Angela Merkel, venue l’année précédente au même événement peu de temps avant de prendre sa retraite.
Un diplomate à Rome note qu’une forme de "rivalité" s’est instaurée ces dernières années entre la diplomatie du Saint-Siège et Sant’Egidio, qui semble avoir les faveurs du pape François. "Ils font de l’ombre au réseau des nonces", assure-t-il, affirmant que le fait que le président se rende d’abord chez eux avant d’aller voir la diplomatie pontificale est significatif.
Une rencontre en juin autour de l'Ukraine
En juin dernier, Emmanuel Macron a pris le temps de rencontrer le fondateur Andrea Riccardi et une délégation de Sant’Egidio pour évoquer la guerre en Ukraine. Ils avaient aussi évoqué la question africaine, pour laquelle la France voit l’association comme un "partenaire stratégique" dans un cadre où l'Hexagone jouit parfois d’une "mauvaise image" – par exemple actuellement avec le Mali, qui ne cesse de dénoncer l’action française sur la scène internationale. Des responsables de Sant’Egidio échangent régulièrement avec des responsables du quai d'Orsay.
Sant’Egidio, pour sa part, semble apprécier collaborer avec la France, notamment sur les questions africaines, mais aussi sur les solutions à la crise migratoire. Lors d’une conférence organisée le 11 octobre dernier, le président de l’association Marco Impagliazzo n’a pas été avare d’éloges vis-à-vis du chef d’État français, rappelant l’importance de son discours aux Bernardins ou soutenant sa proposition de saisir l’opportunité des migrations pour régler la question du dépeuplement des zones rurales en France.
Un autre point de concordance semble être la question de la guerre en Ukraine. Marco Impagliazzo souligne "le rôle que le président français a recouvert en cette période" et la "pertinence" de sa posture diplomatique à l’intérieur de l’Union européenne. Il salue le fait qu’Emmanuel Macron soit un de ceux qui parlent avec Poutine et considèrent qu’un "dialogue ouvert" soit nécessaire pour mettre fin au conflit.