La basilique Saint-Pierre se prépare à vivre une cérémonie qui participe à dessiner un peu plus l'avenir de l'Église catholique. Samedi à 16h débutera un consistoire ordinaire public au cours duquel seront élevés 20 nouveaux cardinaux. Un à un, après avoir prêté serment de fidélité au Pape, ces prélats venus des quatre coins du monde s'agenouilleront devant l'évêque de Rome qui leur remettra la fameuse barrette cardinalice – cette coiffe rouge de forme carrée – ainsi qu'un anneau symbolisant la communion avec le successeur de Pierre.
François prononcera alors cette formule : "Reçois cette pourpre en signe de la dignité et de l’office de cardinal, elle signifie que tu es prêt à l’accomplir avec force, au point de donner ton sang pour l’accroissement de la foi chrétienne, pour la paix et l’harmonie au sein du Peuple de Dieu, pour la liberté et l’extension de la Sainte Église catholique et romaine."
Cet événement empreint d'émotion et auquel assistent souvent les proches des nouveaux cardinaux n'est pas si rare. Pour maintenir autour de 120 le nombre de cardinaux électeurs censés aider le Pape dans son gouvernement et élire son successeur en cas de conclave, le chef de l'Église catholique doit recourir régulièrement à des nominations - un cardinal n'étant plus électeur passé l'âge de 80 ans.
Pour ce huitième consistoire depuis le début de son pontificat, le Pape a choisi d'élever 20 cardinaux dont 16 ont moins de 80 ans. Si chaque promotion est toujours décortiquée minutieusement par les vaticanistes, celle de ce consistoire d'août 2022 retient particulièrement l'attention. Il faut dire que le contexte a changé depuis le dernier consistoire (2020) et qu'un parfum de fin de pontificat règne désormais sur la ville de Rome. En cause : la santé du Pape qui s'est dégradée ces derniers mois, le pontife apparaissant régulièrement en fauteuil roulant en raison de douleurs au genou.
Démissionner ? "La porte est ouverte, ça c’est vrai"
Fin juillet, dans l'avion qui le ramenait du Canada, il a lui même reconnu qu'il ne pouvait "pas faire les voyages dans cet état" et que, même s'il n'a pas souhaité encore pousser "la porte" de la renonciation, "cela ne veut pas dire qu’après-demain je ne vais pas commencer à y penser".
Avec ces déclarations, la création de ces nouveaux cardinaux prend une nouvelle dimension. Analyser les personnalités et les sensibilités de ces hommes qui auront sans doute à trouver un jour un successeur à François peut aussi indiquer ce que le pape argentin souhaite pour l'Église de demain.
Néanmoins, à la question de savoir s'il prépare sa succession, le Pape s'est montré très ferme à son retour du Canada. "Moi je n’y penserai jamais. L’Esprit saint sait le faire mieux que moi et mieux que nous tous", s'est-il immédiatement défendu.
Un collège cardinalice moins européen qu'en 2013
Reste qu'il est possible d'étudier l'état du collège cardinalice après neuf années de pontificat et de rendre compte d'évolutions notables. Depuis 2014 et son premier consistoire, le Pape a nommé 63% des cardinaux actuellement électeurs. Les cardinaux électeurs nommés par son prédécesseur Benoît XVI ne sont plus que 29% et seuls 11 cardinaux électeurs (8%) le sont grâce à Jean-Paul II.
Si le poids de l'Europe est encore important, avec plus de deux cardinaux sur cinq, le premier pape sud-américain de l'histoire a fait passer la part des cardinaux européens de 52% en 2013 à 42% aujourd'hui.
C’est l’Asie qui a connu la plus forte augmentation sous ce pontificat. Le continent représente aujourd’hui 15% du collège des cardinaux électeurs alors qu’il ne pesait que 9% lors du dernier conclave. Quant à l’Afrique, qui représentait 10% en 2013, elle pèse désormais 12% aujourd’hui. Samedi, deux nouveaux Africains feront d'ailleurs leur entrée dans le collège, Mgr Peter Okpaleke, 59 ans, évêque de Ekwulobia (Nigeria) et Mgr Richard Baawobr, 62 ans, évêque de Wa (Ghana).
1/5e des cardinaux de François vient de pays qui n'avaient jamais eu de cardinal
Beaucoup ont dit que François est le Pape des périphéries. Les statistiques le confirment puisque près d'un cardinal sur cinq nommé par l'Argentin provient d'un pays qui n'avait jamais bénéficié de cardinal jusqu'alors. Depuis 2013, ce sont 18 pays qui ont été honorés par les choix de l'évêque de Rome.
Samedi 27 août, trois cardinaux habilleront ainsi de pourpre leur pays pour la première fois : Mgr Virgilio Do Carmo Da Silva, archevêque de Dili, au Timor Oriental, un État indépendant depuis 20 ans ; Mgr William Seng Chye Goh, archevêque de Singapour ; et Mgr Adalberto Martínez Flores, archevêque d’Asunción, au Paraguay.
Il aurait d'ailleurs été justifié d'ajouter un quatrième nom, celui de Mgr Giorgio Marengo. Cet Italien qui s'apprête à devenir le plus jeune cardinal du collège (48 ans) est missionnaire en Mongolie depuis près de 20 ans et est aujourd'hui à la tête de la toute petite communauté catholique de ce pays - entre 1.300 et 1.400 baptisés.
La notion de "siège cardinalice" s'est effacée
Dans le "cru" de ce consistoire, une autre tendance de François apparaît : le fait de ne plus pourvoir systématiquement les gros archidiocèses de cardinaux. Ainsi, des "sièges cardinalices" historiques ont une nouvelle fois été délaissés, et ce même en Italie où les prestigieux archidiocèses de Venise, Turin ou bien encore Milan n'ont actuellement pas de cardinal en poste. En revanche, le Pape a choisi d'élever ce samedi au rang de cardinal l'évêque du petit diocèse de Côme, Mgr Oscar Cantoni.
Même constat outre-Atlantique avec une barrette cardinalice conférée lors de ce consistoire à Mgr Robert McElroy, évêque de San Diego, diocèse sufragant de l'archidiocèse de Los Angeles, dont l'archevêque Mgr Gomez, qui préside la conférence épiscopale américaine, n'est toujours pas cardinal. Une décision forte et largement commentée aux États-Unis où, dans cette Église divisée, Mgr Robert McElroy défend une ligne libérale sur les sujets de société.
Mgr Aveline, seul cardinal français en activité en France
La cérémonie de samedi verra aussi l'archevêque de Marseille recevoir la pourpre. Mgr Jean-Marc Aveline, 63 ans, rejoint les quatre autres cardinaux français âgés de moins de 80 ans et qui auraient donc la charge d’élire un nouveau pape en cas de conclave – Dominique Mamberti, Philippe Barbarin, Jean-Pierre Ricard et André Vingt-Trois.
Mais parmi ces quatre personnalités, seul le cardinal Mamberti est en activité - le Corse occupant le poste de préfet du Tribunal suprême de la Signature apostolique.
En choisissant d’élever au plus haut rang de l’Église catholique Mgr Aveline, natif d’Algérie, le Pape veut sans doute signifier son estime pour un prélat défenseur d’une "Méditerranée heureuse" et envoyer un signal supplémentaire pour penser autrement la crise des migrants dont il se fait l'écho depuis les premiers jours de son pontificat.
Des cardinaux appelés à se mettre immédiatement au travail
Le choix de la date de ce consistoire a étonné bon nombre d’observateurs. Placé à la fin du mois d’août, la veille d’un déplacement du Pape à L’Aquila, la ville du pape Celestin V - qui fut le dernier Pape à renoncer volontairement avant la démission de Benoît XVI en 2013 -, ce consistoire a déjà fait couler beaucoup d’encre. Dimanche, les regards seront donc fixés sur les gestes du Pape dans cette ville italienne frappée par un tremblement de terre en 2009.
Et lundi 29 et mardi 30 août prochains, tous les cardinaux se retrouveront, à la demande du Pape, pour réfléchir ensemble à la nouvelle Constitution de la Curie romaine. Une réunion quasiment inédite depuis le début du pontificat sur laquelle rien n'a filtré et qui devrait permettre aux cardinaux de mieux se connaître et penser à l'avenir.