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Aux pèlerinages des pères, les armures se fendent et les masques tombent

Pèlerinage des pères de famille à Cotignac, juillet 2019.

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Arnaud Bouthéon - publié le 01/07/22
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En ce premier week-end de juillet, environ 15.000 hommes participent à un pèlerinage des pères de famille partout en France. Des hommes venant rendre grâce pour un évènement heureux mais aussi des hommes épuisés, écartelés par une vie de tracas. Ces compagnons de marche viennent puiser de l'authenticité, de l'écoute et de la fraternité.

Le premier week-end de juillet, de nombreux sanctuaires de France accueillent les marches d’hommes et pères de familles. Par chapitres, les pèlerins convergent vers ces sanctuaires de prière et de paix que sont le Mont Saint Michel, Vézelay, Montligeon, Sainte Anne d’Auray, Cotignac et de nombreux autres lieux de ferveur et de piété. Chaque année, près de 15.000 hommes se retrouvent ainsi autour de 60 lieux, selon une multitude de formats de pèlerinage.

Ces initiatives, portées par des hommes laïcs depuis plus de 40 ans, se déploient sous des modes d’organisation informels. A l’invitation spontanée des pèlerins, les membres du clergé, prêtres, évêques et religieux rejoignent les chapitres pour écouter, épauler, confesser et partager des moments de détente qui décapent. Aujourd’hui, ces marches d’hommes enregistrent une attractivité croissante.

La cohorte des pèlerins est souvent joyeuse et souffrante. On y retrouve les camarades de l’été passé, venant rendre grâce pour tel évènement heureux ou intention exaucée. On y croise aussi des hommes épuisés pour avoir beaucoup donné. Ils sont souvent rincés et perdus, écartelés par une vie de tracas. Ces compagnons de marche viennent y puiser de l’authenticité, loin des miroirs et des façades d’un monde de performance et de paraître. La diversité sociale et spirituelle est de mise. Les bigots y côtoient les parpaillots. Le lieu de départ importe peu car seul le but compte : avancer, le regard tourné vers le Christ et repartir vers ses pénates pour essayer d’être une personne plus dense et un peu meilleure. 

Un lieu où se vit la fraternité

Les pèlerins ne se jugent pas car ils ont souvent perdu le temps de se contempler. Beaucoup ont le cuir tanné. Ils ont souffert dans l’Église et parfois par l’Église mais ils veulent demeurer fidèles, malgré les tracas des temps et les blessures de la vie.

Au gré des kilomètres, épaule contre épaule, la parole se libère car les pas poussent les mots. Les prêtres confient, aussi, leur solitude et leurs difficultés. Ils partagent aussi leurs pires anecdotes et leurs meilleures blagues. Ils sont heureux de ces espaces assez inédits de gratuité. Les armures se fendent et les masques tombent. Ces compagnons de vulnérabilité avancent, bien qu’empêtrés dans les difficultés du quotidien, ces addictions, tensions, tentations, chutes et rebonds. Ils viennent auprès de leurs frères, mendier l’écoute, le réconfort, le silence et la fraternité. 

Dans l’enceinte des chapitres, la fraternité ne se soude que par l’ouverture des cœurs, et les gestes de délicatesse. Cette complicité inédite se construit au fil des kilomètres, des ampoules, des fous rires, du chambrage, de l’auto-dérision et des décilitres de houblon partagés. Les hommes ont porté les fardeaux les uns les autres, et pour demain, partagent leurs résolutions. "Comme le fer s’aiguise avec le fer, l’homme s’aiguise face à son prochain", dit le livre des Proverbes. 

Dans une période d’incertitude et d’attentisme, alors que la pandémie a accéléré et amplifié bien des fractures, le succès de ces marches, qui apaisent le cœur des hommes, est un sérieux motif de réjouissance et d’espérance.

Un appel à la mission

Sous le regard de Saint Joseph, homme de peu de mots mais homme d’action, ces pèlerinages émondent pour recentrer vers l’essentiel. Le Pape François, dans une catéchèse tonique dont il a le secret, partageait le message de Saint Joseph : "Ne regarde pas tant les choses que le monde loue, regarde les recoins, regarde les ombres, regarde les périphéries, ce que le monde ne veut pas". 

La vie sacramentelle et le partage fraternel, sont aussi ces recoins pour éclairer la vocation des pèlerins. Ils sont unis, en frères et baptisés, prêtres et laïcs, tendus vers un seul but, s’affermir dans sa mission. Il s’agit souvent d’un appel individuel, pour continuer à "fleurir là où ils sont plantés" selon la belle formule de Saint François de Sales.

L’enjeu pour ces marcheurs, dans une société sécularisée et bouillonnante, est de se laisser transformer dans cette quête intérieure pour devenir davantage des artisans de la communion et non des esclaves de la prédation. Désormais, ils seront moins seuls pour consentir à devenir ces "hommes eucharistiques", livrés pour se donner, servir, grandir et faire grandir. Et tout cela réjouit le cœur. 

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