Les conditions s’annoncent rudes pour les 25 skippers au départ du Vendée Arctique - Les Sables-d’Olonne, ce dimanche 12 juin. Cette course, qui est une première étape de qualification pour être définitivement inscrite au Vendée Globe 2024, va mettre le cap vers les eaux du grand Nord. Thomas Ruyant, 39 ans, vainqueur de la dernière Transat Jacques Vabre est plus que motivé pour cette course au large en vue de gagner enfin le Vendée Globe, le célèbre tour du monde en solitaire. Mais si sa motivation est si puissante, c’est parce qu’elle est aussi dopée par une belle mission annoncée sur les voiles de son bateau. Il s’agit du projet LinkedOut, un programme destiné à aider les personnes en situation précaire à trouver un emploi. "Donner un coup de projecteur sur les questions essentielles concernant notre société est un devoir. Ça l’est en tout cas pour moi", explique-t-il à Aleteia. Rencontre.
Aleteia : Avec vos victoires mais aussi des échecs, vous avez dit que vous vous êtes forgé une méthode qui combine rigueur et fidélité en amitié. Ces deux critères sont aussi importants l’un que l’autre ?
Thomas Ruyant : Oui, les deux sont essentiels. Bien sûr, j’essaie d’avoir de la rigueur, mais les liens tissés avec mon équipe sont tout aussi importants. Je travaille avec certaines personnes depuis quinze ans. Cela crée des amitiés qui servent la performance. Même si notre équipe s’étoffe depuis quelques années, elle reste fidèle à cet esprit. Il faut savoir que dans les courses en solitaire, il y a une face visible et médiatisée, mais derrière celui qui est seul en mer, il y a des personnes invisibles avec qui on fait tout un parcours avant de pouvoir partir en solitaire. Je ne me vois pas travailler d’une autre manière qu’avec cette bonne ambiance où tout le monde adhère à ma façon de voir la performance sportive et le sens que je veux lui donner.
Vous portez sur vos voiles le projet de LinkedOut destiné à aider les personnes en situation précaire à trouver un emploi. Pourquoi cette cause vous tient tant à cœur ?
Le monde du sport a une voix très importante. Les courses au large sont de plus en plus médiatisées avec des événements phares comme le Vendée Globe, la Route du Rhum ou Vendée Arctique qui part ce dimanche. Elles ont un impact réel sur le grand public. L’utiliser pour mettre en avant une belle cause grâce à la performance sportive est pour moi très important.
Bien sûr, je ne suis pas le porte-drapeau de l’inclusion en France. Je sais juste faire du bateau, c’est ma passion, mais j’ai besoin de plus que ça. Je souhaite que ma performance puisse servir la démarche de LinkedOut. Je suis très heureux et fier de le faire. Finalement, c’est ce que j’ai envie d’accomplir en tant que marin et en tant qu’homme. Le but de ce projet, c’est créer la rencontre entre des candidats en grande précarité, prêts et motivés pour travailler, et des entreprises ayant des besoins de recrutement. Avec mon équipe, j'ai tout de suite senti que c’était complètement dans mon ADN. Et c’est ainsi qu’est née l’idée de porter ce projet sur mes voiles.
Les sportifs peuvent-ils changer le monde ?
Pas que les sportifs ! Dans toutes les conversations quotidiennes des gens, peu importe leurs cultures, leurs métiers ou leurs situations sociales, le sport est en haut de la pile des sujets. Je pense que donner un coup de projecteur sur les questions essentielles concernant notre société, c’est un devoir. Ça l’est en tout cas pour moi.
Il y a beaucoup de jeunes qui suivent les courses. Si je peux toucher la jeunesse par le message que je porte sur les voiles et envoyer ainsi toutes les ondes positives autour de moi, alors mon pari sera réussi !
Dans le monde de la voile, vous êtes précurseur dans cette démarche...
Dans le domaine des causes sociétales, oui, je le suis. Mais il y a des bateaux qui portent des causes environnementales et tant mieux ! C’est d’autant plus réjouissant que la voile et des courses comme le Vendée Globe ou le Vendée Arctique sont très suivies dans les écoles. Il y a beaucoup de jeunes qui s’y intéressent. Si je peux toucher la jeunesse par le message que je porte et envoyer ainsi toutes les ondes positives autour de moi, alors mon pari sera réussi !
Y-a-t-il une rencontre avec une personne soutenue par le projet qui vous a touché particulièrement ?
C’est moi qui suis touché en premier par ce que je porte sur mes voiles. Je vois les candidats
régulièrement. On ne se doute pas des histoires qui se cachent derrière chacun : très souvent, ces personnes ont fait des bonnes études, ou elles ont des compétences de poids. Seulement, leurs parcours de vie les ont mis hors circuit. Ils ont besoin de réseau pour trouver un emploi ou être accompagné dans les démarches pour obtenir un emploi.
Certains viennent ce week-end vous soutenir juste avant le départ de la course…
Je m’en réjouis ! Vous savez, ces temps d’échange sont tout aussi dopants pour eux que pour moi. Quand je vis des moments compliqués et difficiles en mer, voir sur mes voiles le logo du projet et tout ce qu’il signifie, me rappelle que, moi, j’ai choisi d’être là, où je suis. Mais certains n’ont pas choisi d’être dans la situation de précarité dans laquelle ils se trouvent. Je me dis que plus je suis performant, plus ils seront visibles. C’est une motivation puissante pour moi.