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À Jérusalem, le téléphérique de la discorde devrait être construit

JERUSALEM OLD CITY

Vue sur Jérusalem depuis le monastère chrétien maronite, proche de la porte de Jaffa. On aperçoit plusieurs églises et le dôme du Rocher au fond.

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Valdemar de Vaux - publié le 18/05/22
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Dans un arrêt publié dimanche 15 mai, la Cour suprême israélienne a rejeté les pétitions contre le projet de téléphérique à Jérusalem. Imaginé pour permettre aux touristes de relier plus vite différents sites de la Vieille ville, ce dernier sème la discorde. Décryptage.

Alors que le nombre de touristes ne cesse de croître à Jérusalem depuis quelques années (avant la pandémie, il était de presque cinq millions, ndlr), cet afflux engendre des problèmes de circulation autour de la Vieille ville, un carré d’environ un kilomètre carré dans lequel se situent les principaux lieux saints des trois religions monothéistes. 

Pour éviter que les nombreux cars ne congestionnent trop les abords de la Vieille ville, la mairie de Jérusalem a imaginé un téléphérique qui, partant de l’ancienne gare, survolerait la vallée de Hinnom (la Géhenne, au sud-ouest) avant une première station sur le mont Sion. Il irait ensuite, en longeant les remparts, jusqu’à la porte des Immondices, à l’est, avec un accès direct au Mur occidental. 

L’objectif affiché pour les 41 cabines qui circuleront à 21 km/h est de transporter jusqu’à 3.000 personnes par heure en moins de cinq minutes, pour un budget approuvé en 2019 par le gouvernement précédent de 59 millions d’euros. En plus de cette rapidité, les promoteurs du téléphérique estiment que celui-ci sera une attraction touristique en elle-même. 

La mauvaise réponse à un vrai problème

Certes, la circulation touristique est difficile dans Jérusalem, mais les opposants au projet de téléphérique estiment que celui-ci n’y répond pas. Le problème ne sera selon eux que déplacé. Au sein même du gouvernement de Naftali Bennett, la ministre des Transports l’estime inutile : “Le téléphérique ne joue pas un rôle important en matière de transport et les dommages occasionnés l’emporteront sur les avantages”. 

Quant à la ministre de la Protection de l’environnement, Tamar Zandberg, elle pense que le projet “portera atteinte au paysage”. Notamment à cause des pylônes de 9 à 26 mètres de haut qui briseraient l’harmonie et la vue des remparts de Soliman le Magnifique inscrits depuis 1981 au patrimoine mondial de l’Unesco. Lui emboîtant le pas, des architectes de renommée internationale ont signifié le non-sens patrimonial de ce projet.

Un projet sur fond de conflit communautaire

Au-delà des arguments environnementaux et patrimoniaux, les opposants, même israéliens, voient dans la construction du téléphérique une instrumentalisation politique qui attiserait le conflit entre Israël et les Palestiniens. Un communiqué du ministère palestinien des Affaires étrangères affirme que le projet fait “partie intégrante de la campagne de judaïsation d’Israël à Jérusalem en vue d’éroder son identité palestinienne, islamique et chrétienne”.

L’ONG israélienne Emek Shaveh, qui lutte contre la récupération politique des sites archéologiques et historiques en Israël et dans les territoires palestiniens occupés, affirme pour sa part qu’en plus d’être “hautement destructeur pour la ville historique”, le téléphérique est un moyen de faire de Jérusalem une ville davantage juive qu’arabe. Actuellement, un touriste rentre dans la Vieille ville le plus souvent par les portes de Jaffa et de Damas (ouest et nord), traversant alors une cité aux accents orientaux. Avec le téléphérique, le même touriste sera plongé d’abord du côté juif de la ville. 

Sans compter, enfin, que cela risque de favoriser la colonisation juive à l’est de Jérusalem, sans cesse condamnée par l’ONU. Les colons déjà installés dans le village arabe de Silwan, qui subit une forte pression immobilière de leur part, seront ainsi mieux reliés à l’ouest de Jérusalem, partie internationalement reconnue comme israélienne. En 2016, le maire de la Ville sainte reconnaissait d’ailleurs que le téléphérique permettrait de “comprendre à qui appartient vraiment cette ville”.

Le combat continue

Pour toutes ces raisons, plusieurs pétitions ont été adressées à la Cour suprême israélienne, plus haute instance judiciaire du pays. Mais, dimanche 15 mai, celle-ci a rendu sa résolution : comme le projet de téléphérique concerne une décision ni frauduleuse ni non-pertinente au vu des objectifs recherchés, son rôle n’est pas d’intervenir.

Privés de tout recours légal, les opposants ne baissent pas les mains pour autant. Qu’ils soient habitants de Silwan, israéliens engagés pour l’accès universel aux sites archéologiques ou amis du patrimoine, ils lancent désormais une campagne publique pour alerter l’opinion publique, notamment grâce à une pétition adressée au gouvernement israélien. Si celui-ci ne change pas d’avis, le téléphérique devrait voir le jour d’ici quelques mois.

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