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En Afrique, Wagner chasse la France

AFRIQUE

Des véhicules blindés de l'opération Barkhane patrouillent dans les rues de Tombouctou, le 14 décembre 2021.

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Jean-Baptiste Noé - publié le 03/02/22
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Il a un nom de compositeur allemand, mais c’est depuis la Russie et dans le domaine de la sécurité que le groupe Wagner s’infiltre en Afrique. Assurant le rôle de garde présidentielle, Wagner s’allie avec les nouveaux chefs d’État et redessine les rapports de force.

La société militaire privée (SMP) Wagner est fondée en 2014 par le Russe Dimitri Outkine, qui installe le siège social de l’entreprise en Argentine. Mais c’est la figure de Evgueni Prigojine qui est la plus médiatisée et le plus souvent associée au groupe. Oligarque et milliardaire, Prigojine est le principal actionnaire de Wagner et le dirigeant de la société Internet research agency (IRA) qui mène la guerre de la communication et de la désinformation sur le web. Wagner est le bras armé du groupe et l’IRA le bras numérique, qui écrit et oriente le narratif des opérations. Officiellement il n’y a aucun lien entre Wagner et le Kremlin, les SMP étant interdites sur le territoire russe. Mais dans les faits, Prigojine compte de nombreux amis parmi les officiels de Moscou et Wagner mène une politique favorable à la ligne russe et à ses intérêts.

Composition et théâtres d’opérations

Au moment de sa création, Wagner est surtout composé d’anciens soldats ayant combattu en Tchétchénie et en Afghanistan. Depuis lors, un certain renouvellement a eu lieu, du fait des défections et des blessés. Il est difficile d’évaluer le nombre de mercenaires dont dispose la SMP. Probablement autour de 1.500, même si certains journalistes avancent un effectif plus important. La rotation étant grande, il faut distinguer le personnel effectivement mobilisable de l’ensemble des effectifs passés dans la SMP. 

Pour Wagner, tout a commencé dans le Donbass, en soutien des sécessionnistes russes. C’est là que l’entreprise a fait ses classes, servant les intérêts de Moscou sans que la Russie n’ait à envoyer des militaires officiels. Le Donbass est une guerre longue, de tranchées et de villes, touchant les civils et usant les militaires. Puis le groupe est intervenu en Syrie, là aussi en parallèle des intérêts russes. D’abord affecté à la sécurité des installations pétrolières, Wagner se retrouve à combattre l’État islamique, ce qui lui vaut d’être présent à Palmyre. En 2018, plusieurs installations du groupe sont bombardées par les États-Unis, causant de lourdes pertes humaines et matérielles. Puisque la Russie assure n’avoir aucun lien avec Wagner, elle n’a pu ni protester ni engager des sanctions à l’égard des États-Unis.  

En Afrique, la France ne contrôle plus grand-chose. Les efforts de développement et de démocratisation sont en train de s’évaporer.

On retrouve ensuite le groupe au Venezuela, pour protéger Nicola Maduro lors des manifestations de masse de 2019 puis en Libye. Les théâtres d’interventions de Wagner épousent toujours ceux de la Russie et se font toujours en rapport avec les intérêts du Kremlin. Wagner agit comme une armée parallèle, à la fois société de sécurité et de protection, garde prétorienne pour les chefs d’État faible et menacé et armée combattante lorsqu’il s’agit de chasser un adversaire. Ce qu’il fait très bien en Afrique. 

Le jardin africain

C’est par Wagner que la Russie fait son retour en Afrique noire, contrant à la fois l’opération de sinisation du continent et chassant la France qui perd de plus en plus de terrain. En Centrafrique, au Mali et au Burkina, Wagner est de plus en plus présent. Le fil Telegram du groupe diffuse ainsi films et bande-dessinées aux allures de manga glorifiant les soldats de Wagner et vantant la coopération avec les nouveaux régimes africains. C’est ici que la maîtrise d’Internet devient essentielle. La guerre se joue aussi dans le milieu social et dans le champ de l’information et de la désinformation. Les images des foules maliennes manifestant contre la présence française sape cette présence et ruine les efforts de l’opération Barkhane. En Afrique, la France ne contrôle plus grand-chose. Les efforts de développement et de démocratisation sont en train de s’évaporer. Les colonels arrivés au pouvoir à la suite des coups d’État n’ont que faire de la tutelle de l’ancienne puissance coloniale, comme le prouve l’expulsion de l’ambassadeur de France au Mali.

Avec la Russie, aidés par Wagner, ils trouvent le soutien logistique et sécuritaire dont ils ont besoin. Il est probablement déjà trop tard pour la France, celle-ci a perdu pied et ne semble pas pouvoir revenir. C’est qu’à la différence de la Russie, elle n’a ni projet ni vision. Près de 150 ans de présence sont en train de s’évaporer parce qu’au fond, les raisons de celle-ci apparaissent de plus en plus ténues. La Russie n’a pas forcément de vision pour l’Afrique, mais elle a une volonté : celle de réaffirmer sa puissance et sa présence en s’alliant avec les nouveaux chefs au pouvoir. Bien que techniquement moins forte que l’armée française, Wagner s’appuie sur cette volonté pour s’imposer comme la force incontournable.

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