Tout commence quand la réalisatrice Ye Ye se retrouve à l’hôpital en France. Sur place, elle se rend vite compte qu’elle ne réagit pas comme les autres patients : elle est déterminée à guérir et ne se plaint pas. Une positivité naturelle qu'elle explique par ses origines chinoises et qu'elle désire partager à travers un documentaire.
L’hôpital du peuple n°6 de Shangaï, immense et grouillant à l'image de la ville, devient alors le théâtre de son propos. Son objectif ? Montrer comment les Chinois réagissent face à la maladie et à la mort. On y découvre ainsi une philosophie de vie peu coutumière des Occidentaux, où l’humour, la solidarité et la tendresse ne laissent jamais le drame l'emporter.
La Chine comme on ne la voit jamais
Pour appuyer son propos, la cinéaste a suivi une poignée de personnes d’âges différents, de l’enfance à la vieillesse. Leur point commun : ils font tous partie de la classe populaire. À travers ces différents portraits de patients et du personnel médical, elle parvient à capter l’essence du peuple chinois habitué à devoir chercher l’équilibre quels que soient les événements auxquels ils sont confrontés. Sa manière de filmer et de se glisser dans les moments les plus intimes, les plus vrais et les plus touchants donne une force singulière à ce documentaire. Emprunt de pudeur et d’authenticité, celui-ci nous ouvre à la culture chinoise comme jamais.
Nous connaissons la Chine pour son économie, sa compétitivité et son idéologie, mais plus rarement pour son humanité et son optimisme à toutes épreuves. Sans didactisme, ni complaisance, le documentaire nous montre à travers des voix bien différentes comment l’accident, en Chine, est vécu et intégré comme un chemin de vie, dans un pays où l’on croit au destin, au sens du fatum mais aussi pas loin du karma hindou. Au milieu de ce mouvement perpétuel, garder l’équilibre est un choix, semblent nous dire les personnages. Cela passe par l’humour, la solidarité, la patience, le contrôle des pensées. Et ce qui frappe, c’est l'unité : tous ont ce même état d'esprit.
La capacité à accepter le réel
L’un des personnages les plus touchants est sans doute ce père — qui aime chanter à l’envi dans les couloirs de l’hôpital —, dont la fille risque de perdre l’usage de ses jambes suite à un accident de voiture. Sa propre femme y a laissé la vie, ce qu’il se garde de dire à sa fille pour ne pas ralentir sa rémission. Le sourire en permanence aux lèvres, il lit de temps en temps des passages de la Bible sur son smartphone. À un ami qui l’appelle et s’inquiète pour lui, il répond : « Pourquoi tu t’inquiètes? Je vais bien. Dans ma famille nous sommes intelligents parce que nous sommes heureux ». Et de se remettre à chanter pour ne pas laisser la tristesse le gagner.
L’on voit aussi, en pointillé, un homme assez pauvre, venu de loin, qui peine à se déplacer à l’aide d’un caisson en guise de canne et qui accumule les déconvenues. Il incarne à lui seul cette calme détermination face à l’épreuve dont tous les Chinois sont pétris, malgré leurs fragilités. La tendresse et la vulnérabilité d’un homme âgé envers sa femme gravement malade sont infiniment touchants et tranchent avec la dureté avec laquelle une petite fille, blessée à la main, est traitée par son grand-père : en Chine, on ne doit pas montrer outre mesure ses émotions, et donc pleurer, même enfant !
Le dilemme financier des soins est également très présent dans l’histoire. Un paysan et père de famille gravement blessé l’illustre particulièrement. Son opération, qui pourrait lui coûter la vie, pourrait aussi signer l’arrêt de mort de toute sa famille à cause d’un endettement impossible à éponger. Et au milieu de toutes ces trajectoires, le personnel hospitalier apparaît comme un soutien humain profondément dévoué aux patients, stable et présent. Mais au cœur de toutes ces tranches de vie, ces mêmes questions surgissent : Quel est le sens de la vie ? Comment anticiper l’avenir si je ne fais pas de mon mieux aujourd’hui ? Pourquoi être triste alors que la vie continue ?
Pratique