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Profaner des églises, c’est reconnaître que Dieu existe

La chapelle de l’hôpital Saint-Louis de La Rochelle a été profanée lundi 22 mars.

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Louis Daufresne - publié le 17/01/22
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La multiplication des actes antichrétiens, en particulier dans les églises, répondent à des motivations multiples. Pour le rédacteur en chef de Radio Notre-Dame, ces profanations, ajoutées aux incompréhensions et aux complicités plus ou moins tacites, disent au moins que par leur présence, les chrétiens ont toujours quelque chose à dire.

Du 1er au 10 janvier, huit églises en France se sont vues profanées ou vandalisées. En faire la litanie est pénible mais citons-les comme un hommage rendu à des victimes innocentes. Quatre clochers se trouvent en Île-de-France : la basilique Saint-Denis, Saint-Pierre de Bondy et Saint-Germain-l’Auxerrois à Romainville (Seine-Saint-Denis), Saint-Germain à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne). Quatre autres se trouvent en province : Saint-Pierre-le-Vieux à Strasbourg (Bas-Rhin), Sainte-Thérèse et Saint-Porchaire à Poitiers (Vienne) et Saint-Symphorien de Genouilly (Cher). Les outrages vont de la décapitation de statues au vol d’hosties. Pourquoi en parle-t-on si peu, alors que ces actes sont à la fois rapprochés, spectaculaires et symboliquement forts? Il y avait tous les ingrédients d’une séquence médiatique et celle-ci n’a pas eu lieu.

Un phénomène indéchiffrable

La première raison, c’est la difficulté à interpréter le phénomène, quand aucune inscription n’est relevée et que les auteurs ne sont pas connus ou que la motivation n’est pas clairement établie, comme c’est le cas de l’attaque à la barre de fer commise par un marginal dans la basilique Saint-Denis. Prenons deux exemples à titre de comparaison : mi-décembre, le Mont-Valérien, mémorial de la France combattante, fut maculé d’une imposante inscription "Anti Pass", avec les deux "s" dessinés pour ressembler au sigle SS. Emmanuel Macron dénonça "une insulte à la mémoire de la Nation" et les réactions politiques fusèrent de partout. Cet acte, s’il est difficile à déchiffrer, permit de faire résonner l’actualité vaccinale, d’hystériser les passions du moment. Autre exemple (où le général de Gaulle est aussi impliqué malgré lui) : le 9 février, un homme sera jugé devant le tribunal correctionnel de Besançon pour dégradations de lieux cultuels avec motifs religieux. Il s’agit d’un ancien candidat local du RN. Il avait tagué des croix de Lorraine sur trois mosquées. Le prévenu de 23 ans a dit au juge que "la religion musulmane n'est pas compatible avec les valeurs de la France". L’acte dit aussi quelque chose que l’opinion peut tout de suite comprendre.

La profanation oblige à s’interroger sur une présence métaphysique, ce que nos contemporains ne veulent ou ne peuvent plus faire. Profaner, c’est reconnaître que Dieu existe.

Pour les profanations d’églises, c’est plus flou. Vers qui se tourner ? des satanistes, des islamistes, des anarchistes ? Et encore ces catégories sont-elles insuffisantes. Le mal n’a nul besoin de se justifier pour se manifester à l’état pur. La violence, la haine, le crime sont très souvent gratuits. Les cours d’assises sont remplies d’accusés incapables d’expliquer leur passage à l’acte, inaptes au pardon aussi. La profanation oblige à s’interroger sur une présence métaphysique, ce que nos contemporains ne veulent ou ne peuvent plus faire. Profaner, c’est reconnaître que Dieu existe. Ces outrages disent quelque chose de l’affrontement surnaturel, et cela est déjà une raison pour ne pas en parler. Jean-Paul Sartre n’était pas le seul à voir qu’ici-bas, le Diable et le Bon Dieu vivent sous le même toit. Les scènes de ménage y sont fréquentes. Mais aujourd’hui, on fait comme s’ils faisaient chambre à part. Les profanations d’églises figurent ainsi dans la rubrique "faits divers". Une autre lecture se serait imposée naguère. Autre temps, autre mœurs. 

Édifice rime avec sacrifice

La deuxième raison, c’est que les églises ont beau être des lieux de culte, elles n’ont rien à voir avec des synagogues ou des mosquées. On ne s’y réunit pas pour se souvenir de Dieu ou s’y soumettre. Dans l’église, édifice rime avec sacrifice. Cette réalité est-elle audible ? Un tabernacle n’est pas un coffre-fort. Le fracturer n’a pas le même sens que de siphonner un tronc. Que peut comprendre une société indifférente à un vol d’hosties et à l’émoi qu’il suscite chez les fidèles ? Et pourtant, si on ne saisit pas ce signe particulier, on ne peut pas expliquer pourquoi les églises sont profanées. La réponse de l’État sera toujours insignifiante, bassement sécuritaire. Seul l’ordre public le préoccupe et même sur ce terrain, il peine à se faire respecter de tous. Gérald Darmanin s’engage à débloquer 4 millions d’euros pour placer des caméras de surveillance aux abords des lieux de cultes, quels qu’ils soient. Vu le patrimoine catholique, la somme paraît dérisoire. Mais fliquer les parvis est-il une bonne solution ? Il se pourrait que l’État profite de la situation pour surveiller davantage les minorités religieuses.

La culture de l’effacement

La troisième raison tient au caractère catholique. Si des faits, même moins graves, avaient concerné des synagogues ou des mosquées, ceux-ci n’auraient pas été tus. La France, dite pays de l’égalité, réserve un régime de faveur aux croyances communautaires, comme s’il fallait les protéger des abus de position dominante du catholicisme historique. Pour une certaine bien-pensance, c’est normal que l’Église morfle un peu, elle qui oppressa la société si longtemps. La culture de l’effacement (cancel culture) est un nouveau terreau du vandalisme anti-chrétiens. Ce trait n’a rien de nouveau. Au fond d’elle-même, toute une culture laïcarde naquit dans le sang, les saccages et les profanations de 1793. C’est elle qui dirige aujourd’hui. Pourquoi s’émouvrait-elle de ce qu’elle célébra dès l’origine ?

La première leçon, c’est que l’Église n’a pas besoin de "régner" pour se voir attaquée. Bien qu’elle ne soit plus une puissance enseignante ou soignante et que sa présence soit par endroits résiduelle, elle se voit poursuivie d’un zèle tenace, disproportionné vu son influence réelle. Plus l’influence de l’Église reculera, plus on s’acharnera sur ce qui reste de son empreinte, plus l’ensauvagement des mœurs se manifestera sans retenue. Mais il n’y a pas que l’inertie du pouvoir séculier. Les fidèles et les clercs n’impressionnent personne. La seconde leçon, c’est qu’aucune institution ne peut se dispenser d’être puissante, sauf à vouloir disparaître. Cela périme les arguments patrimoniaux. Les pierres sans les hommes qui les tiennent debout s’écrouleront quand même. Cela invalide aussi la thèse si répandue à une époque qu’il suffit d’être gentil avec le monde pour que celui-ci le soit avec vous. 

Toujours quelque chose à dire

La quatrième raison est matérielle. Elle relève de l’usinage informationnel. Les profanations d’églises passent souvent sous les radars des médias nationaux, si personne ne prend la peine de lire la presse locale. Encore une fois, du point de vue journalistique, ce ne sont que des faits divers.

Un dernier mot : ces profanations portent un coup à un moral déjà bien atteint. On dirait la fin d’un monde. Les actes antichrétiens provoquent deux élans contradictoires : d’un côté, l’effroi, ajouté à la stupeur et à l’incompréhension, se mêlent à la fascination pour la violence iconoclaste. De l’autre, la profanation réconforte les fidèles dans la certitude qu’ils ont toujours quelque chose à dire, comme une bonne nouvelle — que certaines âmes s’acharnent à ne pas vouloir entendre, tant elle dérange.

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