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L’Évangile parle-t-il d’économie et de finance ?

BIBLE ET ARGENT
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Pierre de Lauzun - publié le 28/11/21 - mis à jour le 29/11/23
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La finance, qui a un rôle essentiel dans l’économie, requiert une régulation collective et une orientation morale de ceux qui en sont responsables. Sur la base des Évangiles et de la doctrine sociale de l’Église, les chrétiens devraient jouer un rôle central dans cette réflexion et cette pratique.

Contrairement à ce que l’on pense souvent, l’Évangile parle d’économie et de de finances, et utilise abondamment la réalité économique et financière. En fait, Jésus est le seul « fondateur de religion » qui utilise abondamment le langage économique pour expliquer et figurer des réalités spirituelles. C’est très parlant dans toute société, où l’on exerce des activités économiques, car cela se réfère à des réalités de tous les jours (échanges de biens et des services, prévision budgétaire, calculs de prix, problèmes de dettes, rapport à l’argent, etc.).

Ceci se retrouve par exemple dans la parabole des talents, qui parle de faire fructifier l’argent, et où le maître reproche à celui qui avait reçu un seul talent de ne pas l’avoir fait fructifier, pour le donner à celui qui avait reçu dix talents et qui les avait fait fructifier. Bien entendu, cela ne veut pas dire que le message évangélique soit purement économique et financier, tout au contraire. Mais le Christ, seul de toutes les religions, utilise fréquemment le langage de l’économie et de la finance pour transmettre des vérités ; même si celles-ci sont essentiellement d’ordre spirituel, cela nous dit quelque chose sur ces réalités. Ce qui n’est pas étonnant dans une religion de l’Incarnation.

Sur la base d’un raisonnement économique, on nous recommande donc d’investir dans le trésor spirituel, qui nous offre un horizon infiniment plus grand.

L’Évangile s’appuie sur des raisonnements économiques

Lorsqu’on doit analyser les finances ou l’économie en suivant la Parole de Dieu, il faut distinguer deux niveaux. Le premier est celui de la vie naturelle et le second celui de la vie spirituelle. Les paraboles utilisent le premier niveau et lui donnent par là une certaine validité, souvent de simple bon sens. Ainsi, quand elles expliquent qu’il faut calculer pour bâtir une tour, ou mettent en scène celui qui achète, pas cher, un champ, car il a l’information privilégiée qu’il contient un trésor. Mais elles dépassent vite ce niveau pour introduire un autre facteur, infini, celui de la vie éternelle. Ce qui change la conclusion du même raisonnement économique : le vrai trésor est alors ce facteur infini, par-là infiniment préférable à tout trésor matériel.

Si donc nous introduisons ce facteur spirituel dans notre vie économique, nous changeons notre attitude. Plus précisément, les trésors naturels sont périssables et temporaires, tandis que les trésors spirituels sont impérissables et infinis (la vie éternelle qui se construit chaque jour en nous). Sur la base d’un raisonnement économique, on nous recommande donc d’investir dans le trésor spirituel, qui nous offre un horizon infiniment plus grand. De façon analogue, il nous est dit : si vous donnez à un riche, le riche vous le rendra, c’est-à-dire que l’opération est blanche ; mais lorsque que vous prêtez à un pauvre, il ne pourra pas vous le rendre, et c’est Dieu qui vous le rendra et Il vous rendra au centuple. Et donc, en un sens, vous faites une bonne opération en prêtant à un pauvre.

Une conception élaborée de l’économie

Sur cette base, s’est élaborée une conception poussée de l’économie, toujours insérée dans un souci moral et spirituel. Quand on considère les affaires d’argent et d’économie, il faut le faire à deux niveaux : le niveau naturel (y compris le calcul financier), mais en l’insérant sous le niveau spirituel, dont l’horizon est infiniment plus large. Ce double niveau est sous-jacent à la perception de la vie économique en général et de la vie financière en particulier, dans toute l’histoire de l’Église. Il y a eu en effet dans toute ses grandes périodes de développement doctrinal une attention particulière aux réalités économiques et financières, comprenant à la fois un effort de compréhension fine de ces réalités, et une critique sévère de ce qui en elles s’oppose à la perspective spirituelle, et notamment à la charité ou à la justice. 

Ceci a été particulièrement élaboré par l’Église médiévale. Les théologiens et les moralistes de l’époque ont réfléchi à la moralité de la vie économique alors en pleine renaissance, et ont élaboré une perception très avancée de l’économie. C’est sur cette base qu’a pu naître l’économie politique à la fin du XVIIIsiècle. Ces principes trouvent leurs racines dans les Évangiles ; ils ne sont pas développés de cette manière dans d’autres religions, et notamment de façon comparable à ce qu’ont fait les médiévaux (on mettra à part l’islam, qui a une approche différente, juridique, de la question). Ces médiévaux voyaient sous leurs yeux le développement de l’économie et de la finance, naissantes à leur époque. Il ne faut pas oublier que le vocabulaire de départ de la banque et de finance est fait de mots italiens, du fait que ces activités ont trouvé leur origine chez des Italiens, catholiques. Cette perspective comporte une analyse purement technique de l’économie et de la finance, mais au service d’une orientation morale.

D’un côté, ils avaient reconnu que le jugement moral suppose une analyse en profondeur de la réalité à laquelle il s’applique. Mais d’un autre côté, ils visaient à ne pas développer l’économie et la finance uniquement sous un angle technique, mais en la comprenant comme conduite par la morale. Ce sera un point d’opposition permanent entre la doctrine socio-économique de l’Église et la doctrine économique courante. Pour l’Église, l’homme est fondamentalement un être moral et spirituel, et donc ce qu’on fait dans le domaine économique doit prendre en compte toutes les dimensions de l’homme.

La condamnation de l’usure

Ceci a conduit nos médiévaux à une remarquable analyse des réalités de base de la vie économique, par exemple le marché et la formation des prix. Le seul point technique où leur analyse s’écarte des modernes, c’est la condamnation du taux d’intérêt. Ce que dans le langage médiéval on appelle usure, c’est le taux d’intérêt, perçu à l’occasion d’un prêt. Investir en achetant des parts dans une société n’a jamais posé de problème moral en soi. En revanche, l’idée que l’argent produit quelque chose de lui-même, l’intérêt, a posé un problème. L’idée de l’époque était que l’argent en tant que tel ne peut rien produire et qu’il était consommé dans l’opération, comme lorsqu’on prête un pain ; on en déduisait que, quand on prête, on ne devrait pas recevoir de rémunération. Et donc l’intérêt était en principe interdit. Cette conception était fortement relativisée dans la pratique. Notamment, on admettait une rémunération lorsque le prêteur perdait de ce fait un gain identifié (ce qu’on appelait lucrum cessans), ou encourait un dommage (damnum emergens), ou prenait un risque (periculum sortis), etc. Mais on n’a pas eu de changement théorique du principe, sauf à partir d’une période relativement récente, au XIXe siècle.

La considération de l’usage de l’argent doit toujours être insérée dans son contexte social, et il y a toujours une responsabilité morale dans cet usage.

À mon sens, ce raisonnement comporte une erreur technique et une vérité morale. On a fait une erreur, parce que celui qui prête de l’argent, qu’il aurait pu utiliser ailleurs, perd de ce fait une opportunité, presque systématiquement (et non pas dans le seul cas du négociant qui renonce à une opération précise), et il est normal de compenser cette perte : il aurait pu par exemple investir dans des actions et percevoir des dividendes (ce qui a toujours été considéré licite) ou acheter un bien immobilier et percevoir un loyer (de même licite), etc. En outre, il rend indéniablement un service à celui qui prend cet argent, lequel n’est pas consommé dans l’opération mais utilisé comme représentation d’un actif. Ce n’est que lorsque l’on prête à un pauvre dans le besoin que le taux d’intérêt est contestable, pour d’autres raisons liées à la destination universelle des biens (c’était le cas visé par l’interdiction de l’intérêt dans la loi de Moïse).

Être responsable de son argent

Plus précisément, l’investissement en actions n’a jamais été condamné par l’Église, car dans ce genre d’investissement on s’associe au risque de la société financée. C’est le loyer de l’argent qui posait problème. Mais par exemple quelqu’un qui n’a pas d’argent mais qui a un projet est content de s’associer avec celui qui a l’argent, ou de lui emprunter. Dans les deux cas, c’est un service rendu. Si un jeune couple achète un réfrigérateur à crédit, l’argent aurait pu être utilisé pour autre chose mais va être orienté vers ce réfrigérateur. Il est normal que l’emprunteur paye un intérêt pour cela. Remettre en question le taux d’intérêt aujourd’hui est donc une erreur. Mais cela ne justifie pas n’importe quel niveau de dette, ou d’intérêt. Comme on le verra, le niveau d’endettement est aujourd’hui excessif, que ce soit dans le public ou dans le privé. Et le taux d’intérêt peut-être trop bas ou trop haut.

Mais, à nouveau, il faut bien garder à l’esprit les motivations des médiévaux : on est responsable de son argent ; cet argent ne crée pas de bénéfice par lui-même ; les bénéfices de l’argent sont là parce qu’on en fait un usage collectif ; notre responsabilité varie en fonction de la position qu’on occupe dans la société et aussi de sa vocation. Ces principes restent valables.

Même si on a pu faire une erreur théorique, l’intuition était bonne, c’est-à-dire l’idée que l’argent par lui-même ne produit rien. L’argent produit quand il s’associé à un travail, une initiative humaine. La considération de l’usage de l’argent doit toujours être insérée dans son contexte social, et il y a toujours une responsabilité morale dans cet usage. Celui qui investit son argent ou qui le prête le fait au sein d’une communauté ; ce sont les personnes qui la composent qui créent la richesse ; l’argent sans travail d’autres hommes ne produit pas de richesse.

La fonction première de la finance

Pour ce qui est des finances au sens actuel, la position de l’Église (dans ce qu’on appelle la doctrine sociale de l’Église) reste relativement peu développée ; il n’y a pas beaucoup de textes qui en parlent spécifiquement, les plus élaborés étant ceux de Benoît XVI et notamment l’encyclique Caritas in veritate (2009). La question de la finance devra donc faire l’objet d’études et d’élaborations ultérieures. Cependant, on peut, sur la base de l’enseignement plus général que donne l’Église, se former une appréciation de la manière dont la finance devrait fonctionner. Pour cela il faut revenir à la fonction première de la finance, son utilité, qui est de collecter l’argent épargné par les uns pour financer les activités créatrices des autres, leurs projets.

Une première manière pour ce faire est l’investissement direct : on apporte des fonds propres (des actions, qui sont une part de propriété dans une entreprise), on prête de l’agent par des obligations (à l’État ou à des entreprises), on achète de l’immobilier, etc. Dans une partie importante des cas, des marchés existent, permettant d’acheter des titres représentatifs de cet investissement (marché financier, marché immobilier) et éventuellement de les revendre, en cas de besoin pour l’investir ailleurs.  L’intérêt du marché est de permettre une confrontation large des offres et des demandes, et d’assurer une liquidité (possibilité de vendre ou d’acheter). La deuxième manière consiste à prêter l’argent à une banque, qui prête à son tour l’argent qu’elle emprunte à d’autres, ces prêts comportant un certain degré de risque. Les deux méthodes ne sont pas bonnes ou mauvaises par elles-mêmes ; elles peuvent avoir des avantages et des inconvénients. La doctrine sociale de l’Église les admet toutes. À partir de ces réalités, on peut porter un jugement moral en situation.

Les critères d’un bon investissement

L’investisseur chrétien ne peut se borner au seul calcul financier et il doit prendre en compte le comportement de l’entreprise où il investit. Un premier problème que peut poser la finance est le cas où elle se réduit à la seule dimension du calcul financier. Ce dernier est bien sûr nécessaire pour analyser la rentabilité et la longévité d’un projet. Mais le risque est qu’on ne regarde qu’une seule dimension de l’opération économique, alors qu’elle est par nature plus complexe et plus riche. Dans la pensée de l’Église, la personne qui investit a une responsabilité dans l’usage de son argent envers les communautés intéressées et les personnes qui les composent : l’entreprise concernée, et la société dans son ensemble. Dans l’expression de ses préférences, elle doit inclure toutes ces dimensions humaines et morales, sans croire comme l’usurier médiéval qu’elle se fait de l’argent avec son argent.

L’opérateur chrétien face au marché doit œuvrer pour qu’il fonctionne au mieux et donne un prix aussi juste que possible.

Le marché financier est une confrontation d’ordres d’achat et de vente, résultant des analyses et des priorités de ses acteurs. Dès lors, il va donner des résultats différents selon les orientations et les priorités de ces acteurs. Un marché ne doit pas être considéré comme purement neutre, car ici intervient la considération morale : d’une part dans le fonctionnement même du marché (son organisation) ; et d’autre part dans les priorités des investisseurs, qui doivent être socialement responsable, en prenant en compte le respect par l’entreprise de ses collaborateurs, clients et fournisseurs, de son rôle dans les sociétés où elle intervient, du développement durable, etc. Les investisseurs chrétiens doivent donc avoir une vue beaucoup plus large que des investisseurs qui réduisent tout à un pur calcul.

Spéculation et juste prix

L’opérateur chrétien face au marché doit œuvrer pour qu’il fonctionne au mieux et donne un prix aussi juste que possible. Un autre aspect à considérer est le bon fonctionnement des professionnels et des opérateurs, qui achètent et vendent sur les marchés et, dit-on, « spéculent ». Pour certains, la spéculation est condamnable en soi. Mais le terme de spéculation peut avoir plusieurs sens : bon et mauvais. Le bon sens est celui où l’opérateur investit quand le prix est à son avis objectivement bas, et désinvestit quand le prix est objectivement trop haut : il envoie donc au marché un signal pour indiquer dans quelle direction le prix devrait selon lui aller s’il doit refléter la valeur réelle du titre. Ce qui correspond au rôle du marché et est collectivement utile. Le mauvais sens de la spéculation vise le cas où on joue la hausse (ou baisse) du marché alors qu’il n’y a pas de raison valable pour que les prix montent (ou baissent), mais parce qu’on parie sur un mouvement collectif irrationnel comme il y en a fréquemment (bulles financières), ou pire encore qu’on opère sur des marchés mal organisés, qu’on manipule, par exemple en raréfiant un produit très demandé (ce qu’on appelait autrefois un accapareur).

Ce faisant, il ne faut pas idolâtrer le marché. La pensée dominante dit que les marchés sont automatiquement efficients, mais ce n’est pas vrai : le bon sens et l’Église rappellent leurs limites, leur besoin d’organisation et de régulation, et surtout qu’ils donneront un bien meilleur résultat si les participants cherchent l’intérêt de la communauté.

La dimension du don

Ces mêmes considérations valent pour l’investisseur personnel, celui qui se demande que faire de bien avec son argent. Je suis responsable de l’usage de mon argent. Soit pour l’investir, comme on l’a vu. Soit pour le donner, recommandation essentielle dans la Bible. Celui qui dispose de moyens doit prendre un pourcentage de son argent pour aider la communauté. La dimension du don est importante dans le domaine moral, mais aussi dans la vie courante, parce que dans la vie tout ne peut être calculé. Il faut à un moment donné arrêter les calculs et donner. Même dans la vie d’une entreprise, sous forme de coup de main à son voisin. C’est notamment le don qui crée le tissu social. Cela dit, le fait de donner ne signifie pas qu’on doit gaspiller l’argent ; donner, c’est aussi faire un bon usage, positif, intelligent de l’argent, mais cette fois sans attendre de l’argent en retour. Ce peut être mal utilisé si l’intention qui motive cette action n’est pas bonne. Donner de l’argent pour financer quelque chose qui ne va pas dans le bon sens n’est pas bon.

Contrôler les excès de la finance

Un autre point important pour l’appréciation portée sur la finance est la question des rémunérations. En soi, lorsqu’un opérateur fait une opération légale, il n’est pas injuste qu’il reçoive une rémunération non négligeable si elle est réussie et que son entreprise ou l’investisseur gagne beaucoup d’argent. Cependant, les rémunérations de ceux qui travaillent dans le domaine financier dépendent de plusieurs éléments extérieurs qui peuvent être anormalement favorables. Le problème le plus important se pose quand le secteur financier fait de façon permanente des profits élevés, excessifs par rapport au service rendu. C’est le signe d’un rapport malsain entre la finance et le reste de l’économie, qui pose des questions de concurrence et de réglementation.

Les opérations financières se font avec des risques, puisqu’elles portent sur l’avenir. Mais la difficulté est que les conséquences de ces risques peuvent n’être visibles que bien après que les profits soient enregistrés comptablement, et que les rémunérations des opérateurs aient été distribués. On l’a vu par exemple à grande échelle lors de la crise financière de 2007-2008. Par conséquent, certaines personnes peuvent gagner de l’argent qu’ils n’auraient jamais dû gagner, en mettant ensuite la société en crise du fait de risques qu’ils n’auraient pas dû prendre. Ce qui est immoral et dangereux. Il est donc essentiel de responsabiliser les acteurs beaucoup plus efficacement qu’on ne l’a fait, y compris par rattrapage sur leurs gains passés.

Le danger de l’endettement irresponsable

L’endettement joue un rôle majeur dans nos sociétés. L’analyse que l’Église faisait au Moyen Âge était, on l’a vu, trop négative à l’égard du taux d’intérêt ; mais l’intuition garde néanmoins sa valeur. Une dette est une créance et un droit juridique ; vous avez le droit de demander votre argent devant un tribunal. Quand j’achète des actions, j’ai droit à quelque chose si l’entreprise fait des profits ; s’il n’y a pas de bénéfices, je n’ai droit à rien ; si elle est en difficulté, je perds tout. Il y a donc une forme de solidarité avec l’entreprise. Mais si la société en question emprunte de l’argent et que l’affaire ne marche pas, elle doit rembourser.

La solidarité est alors bien plus faible. En outre, quand le prêteur a lui-même emprunté l’argent qu’il prête, comme c’est le cas des banques, la faillite d’un débiteur peut le gêner lui-même dans son remboursement, et ainsi de suite. Si c’est avec une ampleur suffisante, cela crée un effet domino dans l’économie, ce qui est la cause immédiate des grandes crises financières comme encore en 2007-2008. L’endettement devrait donc être limité et contrôlé ; c’est la responsabilité des acteurs, mais aussi des pouvoirs publics. Mais nos sociétés font exactement le contraire.

Le cas le plus difficile de l’endettement public

L’idée développée par la théorie financière est que l’endettement public est un endettement sans risque. Ce qui est souvent faux : il y a des crises et des défaillances d’États souverains. Mais, plus profondément, la dette publique n’a de sens que si elle finance quelque chose qui soit en mesure de la rembourser. Si, comme la France, vous financez à crédit des dépenses courantes, vous n’avez rien créé qui permette de rembourser la dette. Vous reportez le poids sur les générations futures — à moins que vous ne cherchiez à spolier les épargnants à terme. Mis à part des situations exceptionnelles, a — comme les guerres — ou particulières — comme des investissements rentables –, la dette publique n’a donc pas de sens. On ne devrait jamais financer des dépenses publiques courantes avec l’endettement. C’est pourtant la situation de la plupart des pays occidentaux depuis trente ans. La solution est soit de baisser les dépenses, soit d’augmenter les impôts. Pas de continuer en poussant la boule de neige.

Le rôle de la parole chrétienne

Pour un chrétien, la finance est assurément une activité utile, mais elle doit être exercée avec un grand souci de moralité, et avec la conscience de la responsabilité de celui qui opère. Elle doit être organisée collectivement, ce qui veut dire qu’elle ne se fait pas par elle-même, elle n’atteint pas par elle-même son point d’équilibre. Les professions et les pouvoirs publics sont responsables de la façon d’organiser les modalités de cette interaction. La finance doit être à la fois bien orientée et bien régulée. Compte tenu de ce qui précède et des principes développés dans la doctrine sociale de l’Église, le chrétien a un rôle majeur à fournir dans cet effort.

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