Les attentes étaient à la mesure de la gravité de la situation. Un mois après la publication du rapport sur les abus sexuels commis au sein de l’Église en France depuis 1950, les mesures qu’allaient prendre les évêques face à ce fléau étaient particulièrement attendues. Après avoir reconnu la responsabilité institutionnelle de l’Église et la dimension systémique de ces violences vendredi 5 novembre, les évêques ont voté, ce lundi 8 novembre, quatre mesures globales à effet immédiat.
Une instance indépendante de reconnaissance et de réparation
La première est la constitution d’une instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation pour les personnes victimes de violences et d’agressions sexuelles commises au sein de l’Église. C’est Marie Derain de Vaucresson, juriste, cadre du ministère de la justice ancienne défenseure des enfants adjointe du défenseur des droits de 2011 à 2014, qui a été désignée pour en être la présidente. Sa mission commence dès à présent.
Des indemnités financées par la vente de biens
Afin de fournir à cette instance les moyens d’accomplir cette mission de reconnaissance et d’indemnisation individualisée des personnes victimes, un fonds dédié a été ouvert fin septembre. Ce sont les évêques qui l’abonderont en se dessaisissant de biens immobiliers et mobiliers de la Conférence des évêques de France (CEF) et des diocèses. Un emprunt pourra être souscrit le cas échéant.
Une équipe missionnée par le Pape
Parce que les évêques reçoivent leur mission du Pape "nous avons demandé au Pape de nous envoyer une équipe de visiteurs afin de faire le point avec chacun de nous pour voir ce qui a été fait dans la protection des mineurs et ce qu’il reste à faire", a indiqué le président de la CEF, Mgr Éric de Moulins-Beaufort. Si cela ne faisait pas partie des recommandations de la Ciase, cette mesure témoigne de la volonté de lier leur action à celle de l’Église.
Neuf groupes de travail pilotés par des laïcs
Parce que les recommandations de la Ciase ouvrent de très nombreux champs, les évêques ont décidé de créer neuf groupes de travail pilotés par des personnes laïques "et composés de personnes de différents états de vie y compris, si elles acceptent, de personnes victimes", a précisé le président de la CEF. "Nous avons compris que nous ne pouvions progresser que si nous acceptions le regard des autres, de la société" a reconnu Mgr Éric de Moulins-Beaufort. "Nous avons péché par le passé avec la tentation de traiter ces cas d’abus sexuels en interne".
Voici les thèmes arrêtés pour les neuf groupes : Partage de bonnes pratiques devant des cas signalés, Confession et accompagnement spirituel, Accompagnement des prêtres mis en cause, Discernement vocationnel et formation des futurs prêtres, Accompagnement du ministère des évêques, Accompagnement du ministère des prêtres, Manière d’associer les fidèles laïcs aux travaux de la Conférence des évêques, Analyse des causes des violences sexuelles au sein de l’Eglise, Moyens de vigilance et de contrôle des associations de fidèles menant la vie commune et de tout groupe s’appuyant sur un charisme particulier.
D'autres mesures spécifiques
D’autres mesures particulières ont été prises telles que la signature, dans tous les diocèses, d’un protocole avec le ou les parquets concernés, la réalisation d’un audit externe des cellules d’écoute des personnes victimes, la vérification systématique des antécédents judiciaires de tout agent pastoral (laïc, personne consacrée, clerc) appelé à travailler auprès des mineurs ou encore la participation d’au moins une femme au conseil de chaque séminaire et de maisons de formation, avec droit de vote.
Les évêques ont également décidé d’ériger un tribunal pénal canonique national et approuvé les statuts de ce tribunal pour la première instance qui rentrera en fonction au 1er avril 2022.