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Présidentielle : l’insaisissable vote catholique

VOTE ELECTION
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Louis Daufresne - publié le 27/10/21
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Chaque mercredi, le journaliste Louis Daufresne, rédacteur en chef de Radio Notre-Dame, commente l’actualité de l’Église et de la société. Il a lu cette semaine une première enquête sur les catholiques et l’élection présidentielle de 2022. Pourquoi donc les sondeurs ne s’y retrouvent pas ?

Le vote catholique existe-t-il ? À six mois du choc élyséen, la question ne trouve pas de réponse malgré ce sondage Ifop du 21 octobre commandé par Le Pèlerin. L’enquête s’appelle « les catholiques et l'élection présidentielle ». L’intitulé sobre laisse croire à une réalité quantifiable, palpable, identifiable. Or, depuis des années, les sondeurs s’épuisent à prendre les mensurations d’un objet sociologique de plus en plus difficile à soupeser. La Croix écrit d’ailleurs que cet électorat « se singularise moins par ses priorités que par son niveau d’engagement social et civique ». Si les catholiques militent, ils ne parlent pas d’une seule voix et livrent même souvent des combats opposés. Quel est le point commun entre le père jésuite Philippe Demeestère, en grève de la faim à Calais, et le public venu applaudir il y a quelques jours Éric Zemmour à Versailles ? Le planétaire s’oppose à l'identitaire, les migrants au grand remplacement.

L’étiquette « catholique » ne suffit pas à former un camp et c’est tant mieux puisque la figure du Christ n’est la propriété de personne

L’étiquette « catholique » ne suffit pas à former un camp et c’est tant mieux puisque la figure du Christ n’est la propriété de personne. Son royaume n’étant pas de ce monde. Pour les sondeurs, c’est tant pis, car leurs chiffres sont impossibles à décrypter. Dès lors, chacun y va de son interprétation : CNews dit que « 81% des catholiques estiment que la sécurité et la lutte contre le terrorisme sont des thèmes prioritaires pour la campagne présidentielle de 2022 ». Ouest-France pense que « la santé est [à leurs yeux] le sujet prioritaire de l’élection présidentielle ». En mai, le magazine Décideurs faisait l’accroche suivante : « De moins en moins nombreux, historiquement à droite, convertis au macronisme mais allergiques à Marine Le Pen. Voici ce qu’il faut savoir sur le positionnement politique des catholiques de France. »

Reprenons les termes. « De moins en moins nombreux » : oui, du moins en Europe, comme le révèle le tout dernier Annuaire statistique de l'Église. « Historiquement à droite » : oui mais de quelle droite ? C’est toute la question. « Convertis au macronisme » : oui, par légalisme et faute de mieux. « Allergiques à Marine Le Pen » : l’allergie est partagée. Bref, on n’est pas plus avancé.

Pas d’intérêts à défendre

Les catholiques sont-ils plus divisés que les juifs ou les musulmans ? Certainement pas. La différence, c’est qu’ils n’ont pas d’intérêt à défendre ou plutôt qu’ils ne veulent pas en avoir. Cette religion n’est ni une carte de visite, ni une tête de pont culturelle. On ne peut être catholique et communautariste. L’universalité fait déborder cette croyance de son enclos sociologique. Ce qui importe, ce n’est donc pas de savoir comment votent les catholiques ni même si ce vote existe, mais qu’on juge encore pertinent de se poser la question. Place de l’étoile, le vote juif roula longtemps à gauche. Sous François Mitterrand, l’immigré devait contrer Jean-Marie Le Pen. Mais depuis lors, la problématique sécuritaire connecta les peurs israéliennes et françaises, ce dont Eric Zemmour est aussi le signe aujourd’hui. Côté croissant, le poids du vote musulman fait sortir des poches politiciennes toutes les calculettes électorales. La gauche joue ici à la maison, quand la droite se rétrécit aux visages pâles du Trocadéro. Du cynisme naquit le concept d’islamogauchisme — visant à conscientiser la masse islamique abstentionniste.

Le positionnement des catholiques est aussi paradoxal : par tradition, leur légalisme les éloigne des extrêmes mais celui-ci se transforme volontiers en suivisme.

Chez les cathos, le schéma est plus classique. Si réduit qu’il soit devenu, ce milieu demeure un thermomètre du corps social. Savoir ce que les catholiques votent dit quelque chose de l’utilité qu'on leur attribue, du caractère central de leur action. On doit savoir ce qui se passe dans leur tête, s’il y a des effets de bascule idéologiques, si on peut encore compter sur leur loyauté ou s’ils menacent de faire sécession.

Une influence paradoxale

L’influence des catholiques est paradoxale : tant qu’ils jouent le rôle d’ONG, on les soutient. Sitôt qu’ils en sortent, on les recadre, on leur fait la leçon. Et quand on les soupçonne d’armer un candidat à la présidentielle, on le dézingue en plein vol. L’influence paradoxale tient aussi à l’horizontalité du monde catholique. Beaucoup de ses œuvres sociales reçoivent des subventions publiques. Que se passerait-il si elles faisaient davantage respecter le caractère propre de leur mission ? L’empâtement social du catholicisme est encore notable : sur le terrain de la pauvreté ou de l’enseignement, il y a toujours une forte délégation de service public, même si l'État s'emploie depuis longtemps à supprimer les courroies de transmission de l'institution catholique.

Le positionnement des catholiques est aussi paradoxal : par tradition, leur légalisme les éloigne des extrêmes mais celui-ci se transforme volontiers en suivisme. Jusqu’où peuvent-ils acquiescer à une culture politique de plus en plus hostile aux vérités élémentaires promues par l’Église ? La dérive éthique est telle depuis un demi-siècle que le choix semble se résumer à deux options : soit les « catholiques zombies » chers à Emmanuel Todd, synonymes de disparition. Soit les « catholiques bisons » — qui foncent mais qu’on chasse aussi jusqu’au dernier.

Le syndrome minoritaire

Le syndrome minoritaire crée une situation inédite et ramène toute analyse à de la spéculation. Il y a un décalage entre le fait pensé (universel en esprit) et le fait réel (marginal en nombre) et les sondeurs ne s'y retrouvent pas. Les catholiques se voient toujours agissant au cœur de la société ; ils votent plus et sont plus investis que les autres, ils ont aussi plus confiance que les autres dans leurs élus. L’héritage d’une culture dominante perdure à travers les habitus d’un groupe dominé. En 2012, La Manif pour tous étonna les observateurs sur ce point : comment peut-on se mobiliser pour que d’autres n’accèdent pas à un nouveau droit ? Ce mouvement fut le contraire d’une lutte syndicale. À leur propre intérêt, les manifestants disaient préférer le « bien commun ». Ce mot connoté ne dupait personne. Le mariage renvoie à une société amarrée aux usages catholiques naguère partagés par tous.

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