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Avec « Maître Mô », le bon grain et l’ivraie dans la justice des hommes

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Blanche Streb - publié le 04/10/21
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Blanche Streb a lu les mémoires posthumes de « Maître Mô », cet avocat pétri d’humanité, qui nous plongent dans la rencontre saisissante entre la difficile justice des hommes et la misère des réprouvés.

Il était avocat pénaliste. Il s’est éteint, il y a moins d’un an, le 20 février 2021, à l’âge de 53 ans. "Il y a les élégants, les talentueux, les généreux, les fêtards, les courageux, les fêlés laissant passer la lumière, mais je n’ai connu aucun autre avocat qui soit tout cela à la fois", a écrit l’un de ses confrères, Éric Morain, lors de la disparition de son ami. Jean-Yves Moyart était un homme de justice qui s’est donné corps et âme à son métier. La justice est une vertu, et lui s’est attaché à l’exercer. Il défendait ceux qui jouaient leur vie, "les réprouvés" comme il aimait les appeler, et dont il disait que souvent seul leur avocat pouvait et devait les aimer, réellement, jusqu’à ce que sa tâche soit achevée.

Maître Moyart — alias Me Mô — racontait l’humanité des prétoires sur son blog, fréquenté chaque jour par vingt mille lecteurs. Son compte twitter était suivi par une communauté de soixante-dix mille personnes. Ce mois de septembre, sept mois après sa mort, grâce aux efforts de trois de ses amis, dont Éric Morain, ses chroniques judiciaires ont été rééditées (Les Arènes). Il relate, d’une plume sensible, des affaires qu’il suivait, de coupables, d’innocents. Des histoires de boue, de fange, de saleté mais aussi de pépites, de passion, de lueur et d’humanité.

Maître Mô voulait rendre l’exercice de la justice des hommes accessible à ceux qui ne la connaissent que mal ou pas, ou pire : caricaturée.

Vingt histoires extraordinaires de la justice ordinaire. Des histoires qui ont la force du réel, parfois drôles, souvent déchirantes, toujours étonnantes. On s’assoit tour à tour sur le banc des accusés à côté d’une jeune paumée, qui risque la prison pour avoir volé une paire de chaussettes. On tremble à l’énoncé du verdict d’un homme accusé de meurtre dans un dossier fragile, aux preuves éthérées. On s’énerve contre des petits délinquants qui font n’importe quoi. On s’attache à Jade, une petite fille victime d’attouchements odieux, devenue une belle jeune femme que la justice doit contribuer à reconstruire. 

Maître Mô voulait rendre l’exercice de la justice des hommes accessible à ceux qui ne la connaissent que mal ou pas, ou pire : caricaturée. Une fois plongé dans ce livre, on ne peut plus entendre cette caricature si répandue, que "la justice est pourrie". Elle ne l’est pas, en partie, grâce à des hommes comme lui. Au fil des pages, on entrevoit le cœur immense de cet avocat qui "portait la peine des autres, se consumait pour eux et ne riait que de lui", selon les mots d’une chroniqueuse judiciaire du Monde. Si Maître Mô a suscité des vocations d’avocats et de magistrats, il en a aussi éveillé beaucoup à être indulgents par l’exercice de la raison à l’égard de tel ou tel jeté en pâture médiatique et à s’attacher à davantage de respect, d’écoute et de compréhension dans leur pratique quotidienne. Comme sa parole compterait, aujourd’hui… 

Avec Maître Mô, on plonge dans notre humanité. Une humanité blessée par le mal et le péché. On médite sur les circonstances atténuantes, le remords, le pardon, la rédemption. On frémit, on s’émeut, on compatit. Avec lui, on rêve d’un monde meilleur, avec plus de bon grain et moins d’ivraie sans oublier que le mal n’aura pas le dernier mot.

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